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Cures thermales, bains, thermalisme…

Cela évoque la Belle Époque, la gloire des chemins de fer. On se retrouvait à Evian, à Vichy, à Dax, à Baden-Baden, dans les grands hôtels, au casino, au bal… et à l’occasion on « prenait les eaux ».

Aujourd’hui, seules les cures de trois semaines consécutives sont remboursées par la Sécurité sociale. Les comptables qui gèrent l’assurance maladie estiment, à juste titre, que l’aspirine, les anti-inflammatoires et les antidouleurs sont plus efficaces et moins chers que les séjours dans les centres thermaux.

Nos villes d’eau sont devenues, pour la plupart, des villes fantômes. Les hôtels ont fermé. Les orchestres ont déserté. Les parcs arborés tombent à l’abandon.

Mais pour ma part, j’estime qu’avoir abandonné l’univers des cures thermales et tout ce qui existait autour a été une erreur.

Les spas font du bien, mais…

Quand on pense aux cures thermales d’aujourd’hui, on les assimile aux :

  • Centres aquatiques à caractère ludique et qui sentent le chlore
  • « Thalassothérapies » qui consomment des quantités monstrueuses d’énergie pour chauffer l’eau de mer
  • Spas, saunas, hammams, jacuzzi qui sont de plus en plus répandus

Ces activités font du bien, c’est sûr.

Mais l’énorme différence avec les cures thermales d’autrefois, c’est qu’elles sont totalement centrées sur l’individu. Les aspects de rencontre, activités sociales, jeux et danses qui existaient dans les villes thermales sont absents.

Ne pas passer à côté de l’essentiel

Or, les cures thermales avaient des bienfaits innombrables sur le bien-être global des gens. Cela allait bien au delà de savoir si tel rhumatisme ou telle douleur était guéri.

En cure thermale pendant plusieurs semaines, ou même plusieurs mois pour les privilégiés, les curistes avaient mille occasions de se rencontrer, se faire de nouveaux amis, jouer, danser, participer à des dîners pour lesquels ils devaient se préparer, faire leur toilette, se coiffer, ajuster leur garde-robe, etc.

Tout cela permettait de « se décentrer » pour recentrer l’attention des malades sur autre chose que leurs douleurs et leur maladie. C’était un moyen efficace et très agréable de leur redonner des objectifs stimulants, des préoccupations nouvelles, une vie sociale riche et même parfois mouvementée !

Il faut lire les romans de Dostoïevski, Stefan Zweig ou encore Arthur Schnitzler qui se passent dans des lieux de cure. Les gens s’y amusent comme des fous, et il n’y est jamais question de leur maladie. C’est dire comme c’était efficace. Les gens étaient si occupés qu’ils en oubliaient leurs souffrances. Que demander de plus ?

Leur maladie passait au second plan. C’était parfois spectaculaire.

Le Dr Gérard Leborgne, auteur du livre 120 réponses d’un médecin de terrain aux pathologies d’aujourd’hui, écrit au sujet du thermalisme :

« Les Romains [en avaient fait] une institution. Au XIXe siècle, la mode revient avec le Second Empire, le pays est riche, les chemins de fer se sont développés et ils vont favoriser les vacances dans les stations à la mode. »

« Au milieu du XXe, les laboratoires inventent de nombreuses molécules pour calmer les douleurs et le thermalisme décline ; mais ces remèdes anti- ceci, anti- cela ont leurs limites et surtout des effets indésirables parfois très, très méchants. »

« Au XXIe siècle, la clientèle des curistes est constituée presque exclusivement de malades chroniques, des personnes retraitées pour ce qui concerne la rhumatologie, et des enfants pour la pneumologie et les affections ORL à répétition. »

« Peu de gens sont prêts à sacrifier les vacances en famille [pour trois semaines de thermalisme], ce qui élimine les actifs. [Dommage car] cela permet de passer des vacances dans des endroits chargés d’histoire, de gastronomie et de culture. »

« On est à une époque où l’on veut des résultats immédiats. Une cure thermale [pour] une pathologie chronique, c’est sur des mois ou sur un an qu’on pourra juger de son efficacité. [1] »

En effet, les cures thermales ont des effets médicaux lents. C’est leur énorme défaut. C’est ce qui les rend inadaptées à notre époque, « obsolètes » comme on dit.

Et pourtant, leurs effets sont réels.

Effets multiples

Mal de dos : une synthèse de cinq essais cliniques sur 454 patients a montré que la balnéothérapie réduisait les douleurs lombaires [2].

Une autre étude sur 60 sujets a montré que des bains d’eau soufrée pendant 30 minutes sur 15 jours combattaient mieux les douleurs lombaires que l’eau normale [3]. Les deux eaux réduisent l’intensité de la douleur, mais l’eau soufrée réduit les spasmes, ainsi que la rigidité lombaire et celle des muscles paravertébraux.

Arthrose du genou et de la hanche : différentes études sur l’hydrothérapie ont montré sa capacité à améliorer l’amplitude des mouvements et la qualité de vie générale, réduire les douleurs et les médicaments antidouleurs [4]. Une synthèse d’essais cliniques a conclu que l’hydrothérapie était un traitement alternatif intéressant pour l’arthrose [5].

Arthrite (spondylite ankylosante sur les articulations vertébrales) : bien souvent, les médicaments contre la spondylite ankylosante sont inefficaces. Le thermalisme est alors le dernier espoir. Quatre essais cliniques portant sur 269 sujets ont montré que les résultats étaient visibles dès trois semaines [6].

Fibromyalgie : une vaste synthèse de 10 études cliniques a montré que le thermalisme était une alternative efficace et sûre pour réduire les points de douleur, l’intensité des douleurs, faciliter les mouvements et améliorer la qualité de vie des patients. Plusieurs études ont observé que le soulagement durait entre trois et six mois [7].

Psoriasis : que ce soit contre le psoriasis ou les autres problèmes de peau, les qualités thermiques, mécaniques et chimiques (minéraux et oligo-éléments) du thermalisme offrent un espoir aux sujets. Deux essais cliniques menés dans la Mer Morte, et un autre à Trentino (Italie) ont mesuré une réduction du psoriasis durant quatre mois [8].

Ce n’est qu’un aperçu des vertus du thermalisme telles qu’identifiées à ce jour. Les cures peuvent être aussi efficaces :

  • Contre les varices (surtout dans l’eau soufrée [9])
  • Contre le surpoids [10]
  • Pour soulager l’arthrite rhumatoïde
  • Contre les douleurs pendant l’accouchement
  • Pour réduire les symptômes de l’insuffisance cardiaque chronique. La chaleur de l’eau fait se dilater les vaisseaux sanguins, ce qui réduit la pression artérielle et améliore l’irrigation sanguine de vos muscles et de votre peau [11]. L’étude Therm&veinesx a montré que l’hydrothérapie apaisait les jambes lourdes notamment.
  • Pour ouvrir les pores de la peau, provoquer la sueur et expulser du corps les produits chimiques et résidus toxiques accumulés.
  • Pour apporter à votre corps les minéraux dont il a besoin : calcium, potassium, magnésium, iode, etcx .

Quand on considère le potentiel de guérison par cure thermale, il est dommage que le public n’en soit pas informé.

L’espoir n’est pas perdu

Tous les centres n’ont pas fermé.

Dans les pays d’Europe centrale et d’Europe de l’Est, la tradition est encore bien vivante.

Moi-même, avec ma famille, j’ai visité par hasard il y a deux ans l’un de ces centres dans l’ouest de la Slovaquie (Trencianske Teplice).

Nous y allions parce que cette petite ville d’eau possède des thermes remarquables construits à la fin du XIXe siècle par une Française, Iphigénie d’Harcourt.


thermes de Teplice en Slovaquie
D’apparence orientale, les thermes de Teplice en Slovaquie ont été construits par Iphigénie de Castries d’Harcourt à la fin du XIXe…

Or, certes, la visite des thermes fut intéressante. Les décorations étaient magnifiques.

Mais ce qui nous a le plus surpris, et intéressés, était la joie de vivre et la bonne humeur de toutes les personnes « malades » qui se promenaient dans les rues.

Les gens se croisaient, se souriaient, échangeaient quelques mots.

Et le soir, dans un restaurant sympathique où tous les convives semblaient se connaître et être amis, nous avons eu la surprise de les voir se lever à la fin du repas, pousser les tables, et se mettre à danser dans une ambiance des plus « bon enfant ».

Jeunes et vieux, malades et bien portants, locaux et étrangers, habitués et nouveaux venus, patrons et clients, tout le monde dansait ensemble, personne n’était laissé de côté, personne ne faisait « tapisserie ». Chacun était gentiment invité à s’amuser dans un niveau sonore supportable et même agréable.

Avec ma femme et mes enfants, nous étions stupéfaits de découvrir cette ambiance bienveillante et chaleureuse. Nous avons évidemment participé à la fête, et passé une soirée mémorable.

Je conseille donc vivement aux personnes qui le peuvent de choisir des lieux de cure pour leurs vacances sans chercher spécialement des noms prestigieux et dont il est fait la publicité dans les magazines ou à la télé. De nombreuses stations thermales existent encore, dans les villages, dans les campagnes, dans les ex-pays communistes, qui sont à la portée de toutes les bourses ou presque.

Témoignage

Pour terminer, j’aimerais vous faire part du témoignage de Sophie, guérie d’une infection urinaire (cystite interstitielle) après une cure thermale [12] :

« Après des années d’enfer, on m’a suggéré de faire une cure thermale en France, dans le seul établissement spécialisé pour les problèmes urinaires.

Je n’y croyais pas du tout, mais en désespoir de cause, j’y suis allée, trois longues semaines…

Et miracle !

Tous mes symptômes ont disparu pendant 7 ans.

Ensuite cela a recommencé un petit peu, j’y suis donc retournée et à nouveau guérie.

Ce centre thermal se situe dans les Pyrénées, à La Preste-les-Bains (fait partie de la « chaine thermale du soleil »), avec couverture partielle des frais pour ceux qui sont assurés en France.

C’est un gros investissement en temps, et peut-être en argent, mais cela a réellement sauvé ma vie. »

À votre santé !

Jean-Marc Dupuis
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