L’algue bleu-vert présentée comme sauveuse du monde
La spiruline existe depuis 3 milliards d’années. C’est l’algue la plus vieille du monde.
Elle existait à une époque où la Terre n’était qu’une boule de liquides et de gaz toxiques.
Les sols émergés étaient rouges, l’eau était vert olive. On ne pouvait parler d’océans ou de mers car il n’y avait ni eau salée, ni poissons, ni coraux, ni plancton, ni plages, sable, etc., ni aucun des éléments qui forment, dans notre esprit, une mer ou un océan.
Néanmoins, dans ce chaos pratiquement invivable sont apparues des bactéries bleu-vert qui existent toujours aujourd’hui dans les lacs sous les tropiques, et qu’on trouve dans le commerce et les boutiques bio sous le nom de « spiruline ».
Comme beaucoup de sites Internet de consommation biologique en font une publicité effrénée [1], il est important de faire le point sur la spiruline pour savoir s’il s’agit vraiment d’une bactérie « sauveuse du monde » (vous vous doutez que la réponse sera plutôt… négative ; excusez-moi par avance !!)
Spiruline : les scientifiques n’ont toujours pas réussi à savoir ce que c’est !!
Vous avez remarqué que j’ai commencé par parler d’algue, puis je me suis contredit en écrivant « bactérie ».
En réalité, ni l’un ni l’autre de ces termes n’est adapté car l’organisme « spiruline » est primitif et ne ressemble à rien d’autre.
La spiruline existait bien avant que n’apparaissent les bactéries et les algues sous la forme que nous leur connaissons aujourd’hui… La spiruline présente à la fois les caractéristiques d’une bactérie (elle n’a pas de noyau mais a une paroi cellulaire de type Gram négatif) et celles d’une micro-algue.
Ne sachant trop que faire, les scientifiques ont décidé de ne pas classer la spiruline dans le règne végétal, et encore moins dans le règne animal, mais dans celui des « eubactéries », un règne peu connu du grand public.
Pour tout vous dire, les scientifiques ont même cessé de parler de « spirulina », l’ancien nom scientifique de la spiruline. Actuellement, ils se sont débarrassés du problème en désignant la spiruline comme une « cyanobactérie du genre Arthrospira ». Mais attendez-vous à ce que cela change. Les débats continuent dans les congrès.
Cela ne facilite évidemment pas la vie des producteurs de spiruline, qui doivent indiquer sur l’étiquette de quoi il s’agit. Pour l’instant, la réglementation admet les termes « Arthrospira platensis », « Arthrospira maxima », « Arthrospira fusiformis » ou « Arthrospira indica », selon l’origine de votre spiruline, que vous retrouverez en petit sur les boîtes.
Une poudre fortifiante ?
Pour nous, consommateurs, la spiruline est une poudre bleu-vert vendue en vrac ou en gélule, que nous prenons pour un fortifiant. On nous a expliqué en effet qu’elle contient des quantités astronomiques de bêta-carotène, une haute teneur en fer, une exceptionnelle richesse en protéines.
Les plus idéalistes d’entre nous espèrent donc vaincre la malnutrition à travers le monde, grâce à la spiruline. Elle procure en effet des protéines d’excellente qualité tout en consommant 10 fois moins de ressources naturelles que le soja, et 300 fois moins que le bœuf.
Les plus optimistes espèrent guérir des maladies compliquées, comme l’hyperactivité, le surpoids, le diabète, le cancer (leucoplasie ou inflammations précancéreuses dans la bouche) !
Excusez-moi de jouer le rabat-joie, mais les faits ne justifient pas ces attentes.
Oui, j’ai moi-même parfois (rarement) vanté les bienfaits de la spiruline pour la santé. Mais la stricte vérité est que la spiruline ne peut pas être considérée comme un médicament, ni comme une plante médicinale (nous l’avons vu, ce n’est d’ailleurs pas une plante), ni même comme un produit naturel à vertus thérapeutiques.
Tout au plus pourrait-on parler de « super-aliment », autrement dit un aliment qui apporte de fortes doses de nutriments que l’on trouve habituellement dans une assiette bien composée.
Pas d’intérêt à augmenter nos apports de bêta-carotène
La richesse de la spiruline en bêta-carotène, aussi impressionnante qu’elle soit, ne nous intéresse pas beaucoup.
Personne, en Occident, n’est carencé en bêta-carotène, un pigment extrêmement répandu dans notre alimentation, et que notre corps transforme, au gré de ses besoins, en vitamine A.
La vitamine A, qui est désignée ainsi car elle fut la première vitamine à être découverte (en 1913) a de nombreuses fonctions vitales. Elle participe à la croissance des os, à une bonne vision nocturne, au système immunitaire, à la santé de la peau et des muqueuses, et à la différenciation cellulaire.
Mais il y a tant de vitamine A dans notre alimentation (viande, poisson, lait, abats, œufs, beurre, fromage) et tant de bêta-carotène pour fabriquer de la vitamine A si nous en manquons (carotte, persil, chou, citrouille, persil, etc.) que les carences sont inexistantes, sauf bien sûr chez les personnes qui ont des problèmes digestifs qui entravent son assimilation.
Difficile de prendre de la masse grâce aux protéines de la spiruline !
Concernant les protéines, il est vrai que la spiruline contient 60 à 70 % d’excellentes protéines dont la fabrication consomme très peu de ressources.
Mais il faut être raisonnable. C’est une poudre qui a le goût d’algue et s’en nourrir est un défi. Au-delà de quelques grammes par jour, rajoutés dans une soupe, une sauce, une boisson, ou avalés sous forme de gélule, la spiruline est plus un problème, qu’un plaisir.
La spiruline pousse dans les lacs des zones tropicales : Tchad, Éthiopie, Tunisie, Mexique, Pérou, etc. Les populations la récoltent et la font sécher sur de la paille, pour en faire un aliment appelé dihé. Dans le meilleur des cas, ils parviennent à en manger quelques dizaines de grammes par jour (étude menée au Tchad, où la spiruline sert à faire une sauce accompagnant le millet, à raison de 9 à 13 g par repas). Cela permet de lutter contre les carences les plus graves, survivre en cas de famine, mais pas de résoudre à long terme le difficile problème de nourrir l’humanité.
On parle donc au mieux, de quelques grammes de protéines, sachant qu’une alimentation normale apporte 50 g (femmes) à 60 g (hommes) de protéines par jour.
Pour les sportifs, la spiruline peut apporter quelques protéines supplémentaires. Une étude a d’ailleurs montré une légère augmentation des performances sportives et de la résistance à l’effort en prenant 6 g de spiruline par jour pendant 4 semaines. [2] Mais rien de miraculeux, évidemment.
Se supplémenter en fer
Les lecteurs fidèles de Santé Nature Innovation savent que le fer est certes nécessaire pour l’hémoglobine, mais qu’il est très oxydant, source de radicaux libres dans l’organisme.
S’il faut fuir l’anémie, il est important aussi d’éviter l’excès de fer. La supplémentation en fer n’est donc recommandée qu’en cas d’anémie avérée. Ce problème est rare chez les hommes car, en l’absence de saignements chroniques, seule manière pour l’organisme de se délester de ses excès de fer, le fer a tendance à s’accumuler dans nos tissus.
Ces précautions étant prises, il peut être intéressant en cas de déficit en fer de prendre de la spiruline, qui contient 3 mg à 8 mg de fer pour 5 g (dose journalière classique).
La spiruline, c’est rigolo
Ceci étant dit, la spiruline a l’immense intérêt d’ajouter dans notre assiette une couleur rare, pour ne pas dire rarissime : le bleu.
La plupart des aliments fabriqués avec des colorants naturels bleus sont d’ailleurs teintés à la spiruline. Vous pouvez amuser vos amis en leur offrant une soupe bleue, un smoothie bleu, un milkshake bleu, une sauce bleue, un gâteau ou des crêpes bleues, en ajoutant une cuillère à café de spiruline dans votre présentation !!
C’est très amusant, cela ne comporte aucun risque, la spiruline étant absolument sûre, y compris à de très fortes doses, et absolument pas toxique comme certains cherchent à le faire croire.
À ce sujet, j’en profite pour écarter la paranoïa suscitée par les campagnes « anti-spiruline » orchestrées par les agences sanitaires. [3]
L’authentique spiruline ne contient pas de toxines, micro cystines, et autres poisons de l’apocalypse, ou jamais à des doses significatives, et en tout cas pas plus que votre lait, votre beurre, ou n’importe quel autre aliment que vous achetez dans le commerce.
La seule précaution à prendre est d’éviter de se faire refourguer des « algues bleu-vert » en lieu et place de l’authentique « spiruline », une arnaque finalement assez courante dans le commerce et sur Internet.
Mais pour peu que vous lisiez bien l’étiquette, vous pouvez dormir sur vos deux oreilles.
À votre santé !
Jean-Marc Dupuis
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