Avez-vous déjà entendu ce mot qui nous vient de l’anglais : « greenwashing » ? Il est issu des mots green (vert) et whitewash (dissimuler). On pourrait traduire cela en français par « écoblanchiment », mais ce n’est pas très parlant…
Vous l’avez compris : il s’agit de faire passer une marque/un produit pour écologique alors qu’il n’en est rien, ou presque rien !
Le secteur des cosmétiques est un des secteurs les plus « créatifs » en matière de « greenwashing », et ce procédé peut se manifester de plusieurs manières :
- À travers des noms de marque ou de produits évocateurs
Souvent, la marque elle-même ou le nom du produit évoque la nature, alors que le produit lui-même ne répond à aucune charte de formulation naturelle et contient même parfois des ingrédients synthétiques en grande quantité. Regardez dans votre salle de bain, vous trouverez vite un produit s’appelant Végétal ceci, Biologique cela…
- Avec de faux labels bio ou éco
Seuls quelques rares labels « bio » et « éco » sont reconnus en matière de cosmétique. Ils imposent une formulation « sans » matières synthétiques ou polémiques pour l’environnement, ainsi qu’une part minimum d’ingrédients issus de l’agriculture bio (de 10 à 20 %). Parce que la certification par un label bio reconnu est chère ou contraignante, certaines marques placent de faux labels sur leur emballage ou évoquent ces labels de façon détournée. On est alors étonné de trouver dans leur formule dite « naturelle » des substances comme les PEG (polyéthylène glycol) ou l’EDTA. Consultez la liste des labels reconnus ci-dessous…
- Via des illustrations évocatrices
Attention, les illustrations végétales ou images de plantes sur le produit ne veulent rien dire. On se laisse souvent bercer par ces belles images. Les marques leader le savent bien et impriment des feuilles et des fleurs à profusion sur leurs emballages. Ne prêtez pas attention aux illustrations sur les emballages, elles ne veulent rien dire.
- À travers les engagements affichés de la marque
Des actions caritatives en faveur de l’environnement sont souvent mises en avant par les entreprises, mais attention, elles ne garantissent nullement un produit naturel et une filière 100 % écologique ! La marque se donne parfois bonne conscience. Si une marque vous dit qu’elle investit pour le durable ou le bio, analysez quand même la composition de ses produits comme je vous l’explique plus bas.
- Avec le classique « point vert »
Méfiez-vous de ce « point vert » qui ne garantit ABSOLUMENT rien quant au caractère écologique d’un produit. C’est seulement une obligation réglementaire qui signale que le fabricant participe au programme de valorisation des emballages ménagers. Ce logo ne concerne donc pas le produit lui-même. Voyez l’illustration de ce point vert.
Mais alors, à quels saints se vouer ? Faut-il ne plus avoir confiance en aucune marque, en aucun produit ?
Comment éviter ces pièges ?
Pour éviter de se laisser berner, il y a quelques gestes simples à adopter.
- Analysez l’emballage et la liste des ingrédients INCI (nomenclature internationale des ingrédients cosmétiques). Si vous y trouvez des ingrédients qui fâchent, n’achetez pas. Je vous rappelle quels sont les ingrédients douteux les plus courants : paraffinum liquidum, cera microcristallina, les mots en -eth, les mots en -icone ou -oxane, les grosses lettres PEG, PPG, EDTA, BHT, DMDM, les mots contenant « paraben », le methylisothiazolinone, le phenoxyethanol.
Copiez-collez cette petite liste ou recopiez-la pour l’emmener partout avec vous [1].
- Repérez les labels bio ou slow reconnus :Apprenez à reconnaître les « vrais » logos bio et slow. Ils vous garantissent une formule « sans » ingrédient polluant ou polémique pour l’environnement et la santé.
Voici les illustrations des logos les plus courants sur le marché :
Cosmebio – Ecocert – Nature – Nature & Progrès – Agriculture bio en UE – Mention Slow Cosmétique
ASTUCES en plus :
- Pas de label ? Analysez la liste INCI comme décrit ci-dessus La liste ne doit contenir aucun ingrédient polluant et si possible un ou plusieurs extraits 100 % végétaux dans les 6 premiers ingrédients.
- Il y a un label reconnu ? Tant mieux ! Le produit ne contient donc aucun ingrédient qui fâche et est naturel. Attention cependant, il peut être décevant dans sa formule ou son efficacité, mais c’est une autre question. Sachez que les bénévoles de l’Association Slow Cosmétique ont fait le tri depuis 2013 en félicitant 86 marques qui non seulement offrent des formules propres, mais également une formulation raisonnée sans fausse promesse. On trouve ces produits en direct du producteur sur le site du mouvement.
Mes réponses à vos questions sur le Greenwashing
À présent, vous êtes conscients que beaucoup de produits ne sont pas « naturels » alors qu’ils le prétendent… Mais vous avez encore beaucoup de questions en tant que consommateurs. Je vais tenter d’y répondre dans une « Foire aux Questions » basée sur le courrier que je reçois.
- Question 1 : Si la marque cultive des jardins en Provence ou ailleurs, et si elle investit dans l’agriculture bio en le disant, c’est bon signe non ?
Cette question fait référence à des marques qui mettent en avant dans leur publicité un ingrédient bio, ou qui nous font vivre dans leur boutique une expérience « végétale » ou « provençale »… C’est très bien mais cela ne veut rien dire. Des marques très connues sont ancrées dans un territoire ou créent un jardin respectueux de la nature, mais utilisent encore des ingrédients synthétiques dans leurs formules.
- Question 2 : Mais est-ce vraiment si grave ?
La réponse à cette question dépend de l’importance que vous accordez à l’honnêteté intellectuelle. En effet, un cosmétique qui se dit « végétal » mais qui contient des silicones et de la pétrochimie ne va pas vous faire de mal. Le produit est en effet un produit contrôlé et donc répondant aux normes strictes en matière de cosmétique. Cependant, il est perçu par vous, consommateur, comme un produit naturel ou vert, alors qu’il est tout ce qu’il y a de plus conventionnel. Ne trouvez-vous pas cela malsain ? Dans un monde aussi réglementé que le nôtre, il ne me semble pas normal que les consommateurs ne sachent pas, en toute transparence, ce qu’ils consomment librement. Rien ne vous empêche de consommer un produit industriel contenant des matières synthétiques, mais autant le savoir avant d’acheter.
- Question 3 : Le « greenwashing » est-il légal ?
En théorie non, car des textes légaux existent pour punir la tromperie ou la publicité mensongère. Mais en pratique, surtout pour la cosmétique, le domaine est vaste et on constate beaucoup d’abus non dénoncés.
- Quelques repères juridiques :
Le Code français de la consommation (articles L121-1 et suivants) définit la pratique commerciale trompeuse et prévoit des sanctions en cas de non respect de ce texte. Ces dispositions découlent d’une directive européenne (N°2005/29 relative aux pratiques commerciales déloyales). C’est sur la base de ces textes qu’il serait possible de sanctionner des allégations environnementales lorsqu’elles sont infondées ou trompeuses. Une pratique commerciale est trompeuse si elle crée une confusion avec un autre bien ou service, ou lorsqu’elle repose sur des allégations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur un certain nombre d’éléments énumérés à l’article L121-1. Parmi ces éléments, il y a les caractéristiques essentielles du bien ou du service, ou la portée des engagements de l’annonceur. Vous pouvez consulter les avis du Conseil national de la consommation qui font écho à la règlementation, ici.
L’Autorité de régulation professionnelle de la publicité élabore des règles de déontologie publicitaire et a pour mission de les faire appliquer. Ses recommandations « développement durable » (juin 2009) et « produits cosmétiques » (mars 2010) abordent la problématique des allégations environnementales. Voir ici.
Une norme internationale d’application volontaire, la norme ISO14021, énonce les principes d’une communication environnementale sincère et précise. Elle décrit notamment les conditions d’emploi de certaines allégations comme « sans substance X », « recyclable »… À découvrir sur Afnor Groupe.
Julien Kaibeck
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