Greffe de porc : êtes-vous prêt ?
Chère lectrice, cher lecteur,
Début janvier 2022, pour la première fois, un être humain s’est fait greffer un cœur de porc.
Le patient, qui était en insuffisance cardiaque terminale avant l’opération, a pu reprendre le cours de son existence.
Malheureusement, le cœur de porc était infecté par un virus fréquent chez les cochons, le cytomégalovirus. Vingt jours après l’opération, ce virus a été détecté. La santé de David Bennet s’est alors rapidement dégradée et il est décédé deux mois après la greffe, le 8 mars 2022. Les médecins ne disposaient en effet d’aucun traitement contre cette maladie qui ne touche jamais les êtres humains.
Pour les chercheurs, cette opération représente néanmoins une grande victoire : la greffe, en elle-même, aurait fonctionné. Ils pensent pouvoir éviter la prochaine fois l’infection au cytomégalovirus, en renforçant encore les contrôles (des recherches approfondies avaient été menées, qui avaient conclu en l’absence de tout cytomégalovirus dans le cœur greffé, ce qui était erroné).
On n’arrête pas le progrès
Le Dr Muhammad Mohiuddin, en charge du programme de greffe d’organe de porc à l’université de Maryland (USA), a déclaré que la mort de ce premier patient n’avait en rien entamé sa détermination à poursuivre son projet.
Une équipe concurrente, à l’Université de Birmingham en Alabama, s’apprête d’ailleurs à réaliser une greffe de rein de porc sur un autre malade.
Cette fois, le cochon a été séparé de sa mère à la naissance et a été élevé dans un environnement stérile qui devrait éviter toute contamination.
Mi-homme mi-cochon
La liste des organes qui peuvent être greffés ne cesse de s’allonger :
Actuellement, il est déjà possible de greffer :
Avec le progrès médical, il ne fait aucun doute que des patients vont se faire greffer un puis deux puis trois organes de porc et plus. Techniquement, médicalement, ce sera possible. La question est de savoir comment nous allons supporter cela moralement, lorsque nous serons autant hommes que cochons. “ Allez, on s’en fiche…”L’écrivain Marcel Proust fait remarquer, dans un de ses livres, que lorsqu’une personne dit : “Allez, on s’en fiche”, cela montre en général qu’elle ne s’en fiche pas du tout… Et je crains bien que ce soit ce qui va nous arriver le jour où nous décidons de nous faire implanter des organes de cochon. Nous aurons beau nous dire : “Allez, on s’en fiche…” ou “L’important, c’est de vivre”, nous ne pourrons pas nous empêcher de nous sentir bizarres et, à vrai dire, carrément mal. A ce titre, il est intéressant de noter que l’homme qui s’est fait implanter le cœur de cochon avait été condamné il y a quelques années pour un crime horrible, sept coups de couteau dans le dos d’une autre qui en est resté handicapé à vie. “Oui, mais ça n’a rien à voir avec le sujet”, ont rétorqué les chirurgiens qui l’avaient opéré, lorsque la famille de la victime a protesté contre le fait qu’il soit présenté comme un héros par la presse. Pour eux, tout se réduit à des contraintes matérielles et techniques : “Les organes de cochon constituent les candidats les plus prometteurs pour l’être humain” disent-ils. “Leurs atouts sont en effet nombreux : une physiologie extrêmement proche de la nôtre, une production industrielle parfaitement rodée et le fait que les porcs atteignent leur taille adulte en neuf mois, soit quinze fois plus vite que les primates ».[1] De mon côté, vous l’aurez compris, je ne suis pas si sûr que cela n’ait rien à voir. Sans que je puisse expliquer pourquoi, sans pouvoir le démontrer rationnellement, j’ai l’intuition que l’on est en train de franchir une (nouvelle) limite dans les expériences malheureuses. Quelque chose de malsain et de dérégléOn prétend sauver des vies, évidemment, faire le bien. Mais je ressens profondément qu’il y a quelque chose de complètement malsain et déréglé. Quand j’étais petit, je me souviens d’un conte qui m’a laissé une vive impression sur un garçon né à moitié cochon. Oui, il était vivant, mais pourtant il était profondément triste, accablé par sa condition, et cela se comprend, me semble-t-il, instinctivement. (Malgré mes efforts, je n’ai pas réussi à me souvenir du nom de ce conte, c’était quelque chose comme “Porcinus” ; si un de mes lecteurs pouvait me le rappeler, je lui en serais très reconnaissant). On va nous dire qu’il est irrationnel de penser ainsi. Que le fait que nos expressions rattachées aux cochons soient toujours péjoratives ne prouve rien. Que les interdits alimentaires chez les Juifs et les Musulmans ne sont que de vaines superstitions. Que les gens réagissaient ainsi autrefois pour la transfusion, les vaccins, et que, heureusement, ils se sont habitués. Peut-être. Mais je maintiens que je me sens extrêmement mal-à-l’aise avec cette idée, et que je ne pourrais pas m’empêcher d’éprouver des sentiments mitigés vis-à-vis d’une personne ainsi greffée, même, et en particulier, s’il s’agissait d’un proche comme un des mes enfants par exemple. On va me répondre que je suis inhumain, sans cœur. Que la vie doit être sauvée à tout prix. Que l’on a bien de la chance de vivre à une époque où existe ce type d’options. Que je suis libre de le refuser pour moi-même, mais pas de l’interdire aux autres, ni de les juger. Je comprends tout cela. Mais reste que l’être humain n’est pas maître de ses émotions, et moi pas plus que les autres. Et quoi qu’on en pense, j’éprouve un malaise profond. Nous ne sommes (heureusement) pas libres de nos émotionsCe serait formidable, si l’on pouvait décider de nos émotions.
Mais nous ne sommes pas, avec nous-mêmes, dans une relation maître à esclave. Nous n’avons pas un petit tyran intérieur qui peut décider librement de nous faire ressentir ce qu’il veut. C’est tout le problème de notre conscience. Il serait tellement plus facile de ne pas avoir de conscience. Nous pourrions faire tout ce qui nous passe par la tête, puis continuer notre petit chemin sans remords ni regrets. Malheureusement, ce n’est pas ainsi : quand nous faisons des choses contre notre conscience, celle-ci revient nous tourmenter, nous hanter, nous torturer… elle vient nous réveiller dans notre lit à quatre heures du matin… Malheureusement… ou heureusement, d’ailleurs. Car peut-être est-ce notre conscience qui nous retient de faire un pas supplémentaire, quand nous sommes au bord du gouffre. Sans que nous ne sachions pourquoi, ni comment, elle est cette petite voix qui vient nous sauver du désastre. Peut-être serait-il temps de l’écouter ? A votre santé ! Jean-Marc Dupuis |
Sources:
from Santé Nature Innovation https://ift.tt/fAyrTSL
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