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Ukraine : ne nous laissons pas duper

Les guerres modernes sont des guerres de l’information : chaque camp raconte sa version et la diffuse par tous moyens pour récolter des soutiens.

Dans ces circonstances, il est capital d’être conscient que l’enjeu n’est pas la vérité.

L’enjeu, c’est de vous convaincre.

Vous convaincre de prendre parti pour l’un, ou pour l’autre.

En effet, la guerre sera gagnée par le camp qui rassemblera le plus de gens convaincus, prêts aux plus grands sacrifices, aux plus grandes folies pour gagner.

L’homo sapiens n’est pas une espèce pacifique

Nous, les êtres humains modernes, nous nous imaginons souvent être devenus une espèce pacifique, préoccupée avant tout de son confort, de son bien-être, de son niveau de vie, et des droits de l’Homme.

Quelle erreur.

Nous restons conditionnés par nos gènes, notre biologie, nos instincts, qui sont ceux d’une espèce animale belliqueuse, stimulée par les cris de guerre, l’odeur du sang, le bruits des coups, l’euphorie de la cavalcade.

Facilement, nous nous transformons en fauves sanguinaires, jouissant d’écrabouiller nos ennemis à qui nous infligeons, sans le moindre complexe, les pires souffrances.

Il n’y a qu’à regarder, à la fin de tout film d’action qui se respecte, comment le héros fait mourir le “méchant” : dévoré par les requins, écrasé par un rouleau-compresseur, brûlé, noyé, déchiqueté… ou tout ensemble. Il n’y a aucune limite au sadisme, et à la joie du public. Cela ne choque personne puisqu’il s’agit du méchant, justement.

Les méchants, c’est nous

Moyennant quoi, il faut rester conscient que la vie n’est pas un film.

Quand éclate une guerre, nous partons du principe que nous sommes les gentils. Mais nos ennemis en face ont l’opinion contraire.

A la joie que nous éprouvons, en pensée, de les imaginer se faire “écraser” par nos forces armées, répond leur impatience de nous infliger la même chose.

Pour eux, les méchants, c’est nous.

Et ils sont au moins aussi décidés que nous à nous faire rendre gorge.

Quand la volonté de vengeance monte

Chaque fois que nos télévisions nous montrent l’image d’une petite grand-mère ou d’une petite fille tellement mignonne, comme par hasard, lâchement assassinées par des soldats ennemis brutaux et sans scrupules, comme par hasard aussi, je ressens en tremblant la volonté de vengeance qui monte en moi-même.

Je constate avec effroi la facilité avec laquelle ces images font grandir la haine dans mon cœur. Tout cela alors que je ne sais rien, au fond, de ces soldats, ni de ce qui s’est passé exactement. Ce n’est pas mon pays, pas ma famille, pas ma culture, pas mon histoire.

Pas mes histoires.

Et pourtant, tel est “le poids des mots, et le choc de photos”. Si je ne faisais pas de gros efforts, je serais tenté de partir pour infliger à ces “salauds”, la correction qu’ils méritent, et qui consisterait bien entendu à leur faire subir des tourments bien pires encore pour leur faire “payer” leur forfait.

La logique de l’escalade

C’est ainsi que se met en route la logique de l’escalade.

Elle est pourtant si connue, et si dangereuse, en particulier quand le conflit implique des pays disposant d’armes de destruction massive, comme c’est le cas malheureusement en Ukraine :

→ Les Russes ont mis en œuvre le “pire cauchemar” des Ukrainiens, l’invasion de tout le territoire, et pas uniquement des républiques séparatistes de l’est ;

→ Puis les Occidentaux ont réagi bien plus fortement qu’on ne s’y attendait, avec des sanctions économiques absolument massives, qui réduisent à la famine une grande partie du peuple russe ; notre ministre de l’Economie, Bruno Lemaire, a déclaré benoîtement ce matin que notre but était de provoquer “l’effondrement de l’économie russe”. En toute décontraction, et comme s’il n’y avait aucun moyen de rétorsion en face…

→ l’Allemagne elle-même, cauchemar insensé, annonce reconstituer son armée, pour la première fois depuis 1945, et même la Suisse abandonne sa sacro-sainte neutralité !

→ cerise sur le gâteau, Vladimir Poutine menace déjà de dégainer les missiles nucléaires, sachant que la Russie a le plus gros arsenal du monde, avec largement de quoi faire sauter la planète plusieurs fois.

Tout ceci en cinq jours.

Qui sommes-nous ?? Où sommes-nous ??

N’avons-nous rien appris de l’Histoire ????

Où sommes-nous ?

Si cela continue, tous les conseils de santé que je m’échine à diffuser depuis plus de dix ans maintenant ne vous seront d’aucune utilité.

C’est pourquoi je me permets de donner mon analyse de la situation, en espérant, peut-être, contribuer ainsi à éviter une catastrophe.

Car la solution à la guerre est simple, au fond.

Elle est exactement la même que lorsque nous nous disputons avec nos voisins, nos amis, notre famille, nos collègues.

La solution est toujours de s’efforcer de voir le problème à travers les yeux de l’adversaire.

Voir le problème à travers les yeux de notre ennemi

La seule solution est d’essayer, de toutes nos forces, de voir le problème à travers les yeux de notre ennemi, pour :

  • comprendre ses motifs,
  • rétablir une communication et une compréhension authentique avec lui,
  • et peut-être trouver une solution en parlant, en réfléchissant ensemble, et en faisant des concessions volontaires, plutôt que de s’empoigner et de se taper dessus.

Cela passe par un effort intense, pour répondre à des questions du type :

Se pourrait-il que mon ennemi ait des raisons d’être inquiet de mon comportement ? Se pourrait-il que, à sa place, je réagirais comme lui ?

Se pourrait-il que, même s’il a commis toutes sortes de fautes et qu’il est, disons, responsable à 95 % du problème, je sois tout de même, moi-même responsable de 5 % ?

Et, si oui, est-il possible que je commence par résoudre les 5 % qui sont en mon pouvoir, avant de l’attaquer, et ainsi peut-être donner une chance au conflit de désescalader ?

Cela demande un effort sur soi énorme. Il est si doux de se laisser aller à notre instinct d’agression. Et il est si facile et si confortable de partir du principe que le salaud, c’est l’autre.

Qui a raison, entre Vladimir Poutine et Vladimir Zelensky (le Président de l’Ukraine) ?

Je vais faire un exercice très délicat. M’efforcer d’oublier les images spectaculaires et les appels à la guerre “juste” qui grondent de toute part. Essayer de me placer du point de vue des “méchants”, c’est-à-dire des Russes. Et surtout m’efforcer d’être de bonne foi.

Les Occidentaux sont, nous disent les médias, tous unis contre Poutine, et pour défendre Zelensky, le Président de l’Ukraine.

Mais très franchement, que savons-nous, au juste, de leur histoire ?

  • Qui, parmi nous, fait vraiment la différence entre un Russe et un Ukrainien, sachant que, de 988 à 1992, soit plus de mille ans, il s’agissait du même peuple, avec la même langue originaire (le vieux slavon), la même ethnie (les slaves), le même territoire, la même religion (l’orthodoxie), les mêmes dirigeants (les Grands Ducs de Kiev, puis les Tsars, puis les Bolcheviks) ?
  • Qui, parmi nous, sait faire la différence entre la langue russe et l’Ukrainien ? (les Ukrainiens eux-mêmes ne font pas la différence) [1];
  • Qui, parmi nous, peut jurer que l’un des deux Vladimir (Poutine et Zelensky) est meilleur, moins corrompu, mieux intentionné que l’autre ?
  • Qui sait, de source sûre, qui persécute qui, en Ukraine ?
  • Pourquoi les Russes, qui ont la plus grosse artillerie du monde, les pires missiles hyperbariques, hypersoniques, et des milliers de chars et d’avion, ne rasent-ils pas l’Ukraine, alors qu’ils pourraient le faire en quelques minutes ?
  • Se pourrait-il, par hasard, qu’ils n’aient aucune raison de détruire ce qu’ils considèrent être leur propre territoire et leur propre population ?
  • Pourquoi parle-t-on de pire guerre depuis la Seconde Guerre mondiale, alors que ni les Russes, ni les Ukrainiens, ne donnent de chiffres sur le nombre de morts, et que les observateurs sur place citent des violences isolées ?
  • Pourquoi les journalistes nous ont-ils parlé des Russes qui déployaient des “fours crématoires mobiles” pour faire disparaître leurs morts, alors qu’il s’agissait d’images d’incinérateurs à ordure datant de 2013 ?
  • Pourquoi nous ont-ils parlé des valeureux combattants ukrainiens tués en criant “Russian navy go fuck yourself” sous les bombardements, alors qu’ils ont été arrêtés sans violence et sont toujours vivants ? [2]
  • Que vont devenir les kalachnikovs distribuées au premier venu par le gouvernement ukrainien, sous prétexte d’organiser la résistance ? Qui peut nous garantir que ceux qui les prennent vont s’en servir à bon escient, et non les revendre instantanément à des réseaux qui se chargeront de les écouler… chez nous ?
  • Que font les services de lutte contre les “fake news” dans nos médias ?

Promouvoir la démocratie dans une dictature, c’est promettre la mort au dictateur

Les Occidentaux estiment qu’ils ne menacent personne, puisqu’ils cherchent simplement à soutenir la “démocratie” en Ukraine.

Mais, si vous vous placez du point de vue de Poutine, qui est un dictateur, la démocratie en Ukraine entrainera forcément une contagion démocratique en Russie.

Cela veut dire, pour lui, la destitution, la prison, et peut-être même être massacré comme Saddam Hussein et Kadhafi.

Qui peut s’étonner qu’il s’inquiète de cela ?

Est-il raisonnable de le pousser dans ses derniers retranchements, sachant que, contrairement à Saddam et à Kadhafi, il peut choisir, juste avant de se faire attrapper, d’anéantir l’humanité en appuyant sur un bouton ??

Le jour où Paris et la Beauce décideront de se séparer de la France…

J’ai fait quelques recherches sur l’Ukraine.

Je me suis rendu compte que c’était une histoire sacrément compliquée.

Tout a commencé avec le baptême de Saint-Vladimir en 988, avec ses troupes, dans les eaux du Dniepr, à Kiev.

Kiev est le berceau de la “Sainte Russie”. Les Grands Ducs de Kiev sont devenus, ensuite, les Tsars de Russie. Ils ont régulièrement changé de ville de prédilection, avant de s’installer à Moscou. N’oublions pas que ces populations étaient nomades, ce que l’on peut comprendre quand on connaît leur climat ! En 1900, les Tsars avaient encore deux capitales, Moscou et Saint-Petersbourg, selon les périodes de l’année.

Mais cela ne changeait rien à leur attachement à leur pays, leur terre, leur histoire, et leur berceau d’origine…

J’ai fini par réaliser que, dire à un Russe qu’il est étranger à Kiev, c’est comme dire à un provincial que Paris n’est plus sa capitale, et qu’il n’est plus le bienvenu à Versailles, au Louvre et sur les Champs-Elysées.

En étudiant la carte et en découvrant l’étendue des terres arables de l’Ukraine, le “grenier à blé de l’Europe”, j’ai réalisé que la Russie sans Kiev et l’Ukraine, c’est comme la France sans Paris et la Beauce.

Imaginons, pour nous amuser un peu, que Paris et la Beauce décident de se séparer de la France…

  • Bien sûr, le jour où cela se produit, je ne doute pas que ceux qui auront décidé de le faire sauront invoquer toutes sortes de bonnes raisons.
  • Ils chercheront à démontrer que, non finalement ils ne parlent pas français comme les autres, mais plutôt une langue bien spécifique qui s’appelle le Parisien beauceron.
  • Ils chercheront à montrer que leur religion n’était pas strictement la même, que d’ailleurs on célébrait la messe différemment à Notre-Dame (c’est ce qui s’est passé en 2018 où l’Eglise orthhodoxe d’Ukraine, qui était la même que l’Eglise orthodoxe de Russie depuis 1000 ans, a fait un schisme et s’est séparée de l’Eglise russe, provoquant un outrage dans toute la Russie, et d’ailleurs en Ukraine où 2200 église et deux-cents monastères ont décidé de rester rattachés au patriarcat de Moscou).
  • Ils chercheront à prouver que les Parisiens sont en général injustement traités par les provinciaux à Paris, ce qui ne sera pas difficile à prouver car il demeure à Paris une authentique frontière entre “Parisiens” et “provinciaux”, invisible à l’œil nu pour les touristes étrangers mais bien concrète dans les esprits…
  • Ils diront que la baguette parisienne ne saurait se comparer à la bouillabaisse, ni à la choucroute alsacienne…
  • Etc.

Imaginez, en plus, que les “Parisiens beaucerons” se séparent en deux camps, ceux qui auraient voulu rester Français, et ceux qui sont contents de la séparation.

Que les seconds, qui ont le pouvoir, se mettent à embêter les premiers.

Imaginez que, à ce moment, les Russes décident d’intervenir en France.

Imaginez qu’ils annoncent qu’ils forment une alliance internationale et annoncent qu’ils sont prêts à tous les sacrifices pour défendre les uns, qui sont les gentils, et détruire les autres, qui sont les méchants.

Quelle chance auront-ils d’améliorer la situation ?

Et quelle chance de, plutôt, l’envenimer ??

De transformer une affaire purement locale en conflit international ??

Y a-t-il un pilote dans l’avion ?

Y a-t-il un dirigeant occidental qui pourrait essayer de prendre cela en considération ?

Qu’il réalise que nous ne comprenons rien à ces histoires, et que le plus prudent serait peut-être de les laisser se débrouiller ensemble ???

Pour ma part, c’est ce qui me paraîtrait le plus raisonnable. Mais je suis forcé de constater que mon avis est loin d’être partagé, et en tout cas aucun dirigeant occidental ne s’en rapproche.

Ils sont extrêmement sûrs d’eux. Bien décidés à rétablir la justice, la paix et la démocratie, et si possible faire tomber Poutine sans que cela ne provoque trop de dommages chez nous.

Pourvu qu’ils y parviennent.

A votre santé,

Jean-Marc Dupuis

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