EHPAD : pourquoi il faut lire des histoires aux enfants… et aux grands
Parmi mes plus précieux souvenirs de jeunesse, je compte les moments où j’ai lu des livres à ma grand-mère, qui avait perdu la vue.
J’ai continué, après son décès, à aller dans les maisons de retraite lire des livres aux personnes âgées.
Enfin, je devrais plutôt écrire “avec” les personnes âgées. “Avec” ma grand-mère.
Car la lecture à haute-voix est sans doute une des plus douces façons d’être ensemble.
Lecture à haute voix : un trésor en perdition
La lecture à haute-voix ne se pratique plus aujourd’hui qu’avec les petits enfants, qui ne savent pas encore lire. Le plus vite possible, ensuite, on se “débarrasse” du problème en demandant aux enfants de lire tout seul, “dans leur tête”.
Mais lire dans sa tête n’est pas naturel, et peut-être même pas souhaitable du tout, voire nuisible, pour l’être humain.
Je vais expliquer pourquoi.
Mais avant, il faut expliquer rapidement comment le cerveau fait pour lire :
- La zone de notre cerveau qui voit est le cortex préfrontal, c’est-dire la partie avant du cerveau.
- La zone du cerveau qui entend est dans le lobe temporal, près des oreilles.
Lorsque vous lisez silencieusement, vous entendez votre voix dans votre tête. C’est comme si vos yeux étaient capables de produire un son directement à partir des lettres.
Cette capacité étonnante “d’entendre avec les yeux” n’a été développée que tout récemment par l’être humain, à partir du XIIe siècle environ. Elle n’est possible que par une évolution récente du cerveau humain, où une zone du cerveau qui “voit” se superpose avec une zone du cerveau qui “entend”.
Avant cela le XIIe siècle, personne ne lisait jamais silencieusement, sauf rares exceptions comme Jules César, qui étonnait ses contemporains en étant capable de faire cela.
Personne ne lisait des livres tout seul, autrefois
Les livres n’étaient pas destinés à être lus seul dans son coin, mais toujours en public.
On les sortait cérémonieusement, lors d’une assemblée, souvent religieuse ou politique, mais pas seulement. On posait le livre, qui était en général très gros et très lourd, sur un lutrin, au milieu d’une grande salle, et le lecteur debout proclamait le texte à haute voix, souvent en le chantant (psalmodie) ce qui permettait de mieux comprendre de loin grâce aux intonations de la voix.
Parfois, il y avait plusieurs livres dans l’assemblée, mais c’était alors plusieurs exemplaires du même livre, et les lecteurs lisaient tous en même temps le même texte, comme on le fait encore dans les petites classes pour apprendre aux élèves à lire.
La lecture était donc un acte social, destiné à faire vivre à toute la communauté une expérience commune. C’était un moyen excellent de maintenir et transmettre un patrimoine, des valeurs, des idées, des souvenirs collectifs, et ainsi rapprocher les gens, leur permettre de mieux se comprendre, et d’avoir des sujets de réflexion communs.
Cette habitude s’est maintenue jusqu’au XVIIe siècle où les livres ont continué à être majoritairement lus à plusieurs, dans des salons de lecture où l’on se rassemblait pour passer un bon moment ensemble.
Passer un bon moment ensemble
Vous connaissez bien ce sentiment, d’ailleurs, quand vous terminez une histoire à des enfants. Il y a un profond et chaleureux sentiment de communauté.
On est calme et joyeux. Les enfants, d’ailleurs, réclament toujours qu’on leur lise une autre histoire, et souvent de lire à nouveau la même histoire ! Ce qui prouve leur enthousiasme.
Et l’adulte, au fond, est heureux lui aussi.
Non pas parce qu’il vient de découvrir quelque chose de nouveau en lisant, pour la énième fois, Les Trois petits cochons ou Le Petit Chaperon Rouge, mais parce qu’il sent intimement combien ses enfants se sont rapprochés de lui et possèdent désormais un trésor commun avec lui.
Comment la lecture est devenue individualiste
A partir du 19e siècle, cependant, la littérature a connu une explosion de production, avec de nombreux journaux publiant des “feuilletons”, devenus les grands romans que l’on lit encore aujourd’hui : Balzac, Maupassant, Walter Scott, Dostoïevsky…
L’édition de livre s’est transformée en industrie.
Les gens se sont mis à lire chacun de leur côté les livres qui leur plaisaient. Mais c’était, à l’époque, l’équivalent du fait d’avoir chacun sa télé dans sa chambre. Tandis que l’un regarde Netflix, l’autre regarde Louis de Funès et le troisième le dernier épisode de la Guerre des Etoiles.
Le résultat est que chacun a commencé à se bâtir son propre imaginaire, individuel, et à perdre un peu le contact avec les autres. La lecture, au lieu de rassembler, a commencé à séparer.
Certes, on a maintenu des “cercles de lecture” pour partager ses impressions. Mais peu à peu, chacun s’est mis à développer un savoir, des souvenirs, une sensibilité absolument uniques, incommunicables aux autres, car basés sur un itinéraire de lecture purement personnel.
Éclatement total
Avec la télévision, de nombreuses personnes ont totalement cessé de lire.
Les lecteurs sont devenus une classe à part, mais parmi eux il n’y a en réalité plus aucune unité entre ceux qui lisent “des romans”, les autres “des essais”, les autres encore “des poèmes” ou de la “littérature étrangère”.
Chacun a son propre assemblage réalisé au gré du hasard, des livres sur lesquels il est “tombé” selon ses professeurs, les bibliothèques qu’il a fréquentées, les livres reçus en cadeau, ceux qu’il a découverts au petit bonheur la chance dans une librairie où sur la table de chevet d’un ami…
Redécouvrir le plaisir de la lecture à haute voix auprès de nos anciens, si esseulés
Et pourtant, il n’y a rien de plus simple que de nous ressaisir de ce trésor inouï de la lecture à haute-voix qui réchauffe, rassemble, réunit.
Il suffit d’une personne. Elle peut être malade, dépressive, désœuvrée, isolée, handicapée, peu importe. On ouvre un livre. On le lit à haute voix, tranquillement, en articulant bien, en prenant le temps de respirer après chaque virgule.
Et il n’y a pas besoin de lire des pavés : n paragraphe, une page, un chapitre, c’est déjà beaucoup, et cela fait un grand souvenir.
A la beauté du texte se joint la musique de la voix ; les sentiments, les idées, le comique, la délicatesse, sont infiniment plus grands quand la voix humaine se combine avec le texte.
Les effets provoqués sur le cœur de l’autre viennent renforcer ceux qui se produisent dans notre cœur. Le plaisir augmente de façon géométrique avec chaque nouvel auditeur.
Et si l’on a pas l’habitude de lire longtemps, si on a la voix fragile, le souffle court, la bouche sèche, on peut bien sûr lire à tour de rôle.
Quelle activité économe, facile, peu coûteuse, respectueuse de l’environnement, et adaptée à ces temps de confinement. On passe ainsi un grand moment d’intimité, tout en respectant les “gestes barrières” !
Et si vous n’avez pas d’idée d’un bon texte à lire, pourquoi ne pas reprendre quelques-unes de mes lettres, pour les partager à haute voix avec quelqu’un qui ne serait pas (encore !) inscrit à Santé Nature Innovation ? N’oubliez pas que vous pouvez toutes les retrouver sur le site www.santenatureinnovation.com
Il y en a, désormais, des milliers je crois….
Alors vraiment, j’encourage tous mes lecteurs qui partagent mon goût de la lecture à haute voix de redécouvrir cette activité si délicate, profonde et plaisante, dans le cercle familial, avec un ami, dans un hôpital, une maison de retraite, un Ehpad… Le succès est garanti.
A votre santé !
Jean-Marc Dupuis
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