Le coronavirus est l’étincelle qui a mis feu au brasier du Phénix
Avouons-le, cela faisait des années qu’on se disait que ça n’allait plus durer longtemps…
- “Le système est à bout de souffle !”
- “On marche sur la tête !”
- “En 2030 au plus tard, ce sera le Grand Effondrement !”
- “Les espèces disparaissent plus vite qu’à l’extinction des dinosaures !”
- “C’est de pire en pire…”
- “Les glaces fondent et pourraient libérer des virus préhistoriques mortels pour l’humanité !”
- « C’est le dernier moment pour changer de paradigme ! »
Tous les jours, des prophètes de malheur nous annonçaient que la fin approchait.
De mon côté, je cultivais mon jardin, je ramassais des plantes, je marchais dans les montagnes, où je trouvais encore un peu de calme.
Mais ces dernières années, même sur les glaciers à 4000 mètres, mes compagnons gardaient leur smartphone allumé et le flux de mauvaises nouvelles nous rattrapait.
Au lieu de se réjouir de la beauté grandiose des parois, des précipices, de l’aventure, les guides nous parlaient fonte des glaciers et risques multipliés de chutes de pierre, à cause de la disparition du “permafrost” (la glace dans les falaises qui retenait les blocs de pierre).
Ambiance…
De retour dans la vallée, ce n’était que “crises”. Crise écologique, crise financière, crise migratoire, crise de la famille, crise des valeurs, crise de tout.
Aujourd’hui, c’est la crise sanitaire. Le coronavirus emporte des centaines de milliers de personnes et met fin à la croissance économique, au transport aérien, au tourisme de masse, à l’hyperconsommation, et à bien d’autres choses encore.
Mais au fond cela aurait pu être n’importe quoi d’autre : car tout le monde était d’accord pour que “cela cesse”.
Nous étions au bord du précipice, nous avons fait un grand pas en avant, et maintenant… quoi ?
Nous étions au bord du précipice, et nous avons fait un grand pas en avant
Vous souvenez-vous d’Indiana Jones qui se trouve devant un immense précipice, trop large pour qu’il puisse le franchir en sautant ? Il doit faire un grand pas en avant, mais il hésite à le faire car il a peur de tomber dans le vide.
De même, nous sommes en train de faire ce grand pas en avant.
Oui, bien sûr, c’est le coronavirus qui nous a poussé à abandonner l’ancien monde. Mais la crise que nous connaissons n’est pas entièrement causée par le virus. Et elle n’est pas entièrement causée par l’économie, ni par les gouvernements.
Le virus n’est que l’aiguille qui perce la bulle de savon.
Mais cette bulle de savon allait éclater de toute façon.
Il y avait trop de fragilités. Trop de contradictions. Trop de mensonges, de cynisme, de lâcheté, d’aveuglement volontaire.
Absence de courage, de volonté de regarder la vérité en face et d’assumer ses responsabilités.
Les civilisations, commes les individus, peuvent mourir… et renaître
Les civilisations vivent et meurent. Les communautés s’unissent, puis se divisent. Les personnes connaissent durant leur vie d’innombrables montées vers les sommets puis descentes vers les vallées, voire dans des gouffres.
Comprendre que tout fonctionne en cycles est, selon les Anciens, la clé vers la sagesse, la sérénité et la longue vie.
Ignorer ce fait incontournable est la racine de toute folie, désastre, ruine. Les anciens Grecs parlaient de “l’hubris”. L’hubris, c’est la fascination naïve de l’Homme pour sa propre grandeur, qui l’entraîne inévitablement à sa perte.
“Avoir les yeux plus gros que le ventre”, dirait-on aujourd’hui. “Prendre ses désirs pour des réalités”.
Croire que l’on peut modeler le monde à notre façon : vivre sans souffrir, éduquer sans contraindre, manger sans travailler, être libre sans être responsable, être en sécurité sans se défendre… Et bien sûr : être en bonne santé en se gavant de malbouffe derrière des écrans, et en comptant sur la médecine, les vaccins, les médicaments, en cas de pépin.
Nos lointains ancêtres, qui n’avaient pas le luxe de pouvoir écrire, condensaient cette sagesse dans des histoires, qui sont devenues des mythes.
Et il y a un mythe que l’on retrouve dans pratiquement toutes les doctrines, cultures, histoires sur les origines du monde, des pyramides égyptiennes jusqu’à Harry Potter : celui du phénix.
Le Phénix, symbole du cycle éternel de la destruction et de la renaissance
Dans son livre “Métamorphoses de l’âme et ses symboles” (1912), Carl G. Jung explique que l’être humain a beaucoup de points communs avec le phénix.
Le phénix est, disait-il, un symbole de résilience.
Il incarne la capacité innée de l’homme de renaître de ses cendres, en laissant de côté les parties de lui-même qui l’empêchaient d’avancer, pour évoluer vers quelque chose de plus grand.
Fait remarquable, on retrouve le phénix, une créature pourtant imaginaire, dans la plupart des cultures.
On l’appelait Bennu ou Oiseau Solaire en Egypte, Milcham chez les Hébreux, Simurgh chez les Perses, Oiseau de Feu en Russie, Oiseau-Tonnerre chez les Indiens d’Amérique, Fèng Huàng en Chine, Ho-o au Japon, Oiseau Minka chez les Aborigènes d’Australie. Chez nous le mot phénix vient du grec, qui l’associaient au peuple phénicien.
Selon la légende, le phénix pouvait vivre mille ans. Puis, lorsqu’il était trop vieux et afffaibli, il se fabriquait un nid de feuilles d’épices et d’encens. Il y mettait le feu, se brûlait lui-même puis renaissait de ses cendres jeune et encore plus beau et flamboyant qu’avant.
C’est un motif familier, qui symbolise la souffrance, la mort puis la résurrection dans une nouvelle vie. C’est pourquoi le symbole fut adopté très tôt par les Chrétiens, qui le dessinaient sur les tombes et les cathédrales.
Phénix sculpté sur l’abbaye de Saintes, XIIe siècle
Nous sommes phénix chaque fois que nous devons abandonner une façon d’être, de vivre, de voir les choses, d’agir, d’avoir, au profit d’une nouvelle vie, avec de nouveaux centres d’intérêts, de nouveaux sentiments, de nouveaux objectifs et même une nouvelle personnalité.
C’est le phénomène qui se produit chaque fois que nous traversons une « crise », qui nous oblige à nous transformer.
Sortir de l’épreuve par le haut
Viktor Frankl, le psychiatre autrichien interné à Auschwitz, pensait comme Carl Jung que l’homme pouvait, dans la plus profonde souffrance, trouver l’énergie pour renaître sous une nouvelle forme.
Dans ses livres, il raconte l’enfer des camps, mais témoigne que, quelles que soient les circonstances, chacun garde toujours la liberté de choisir ce qu’il veut tirer comme leçon de ses expériences douloureuses.
L’homme a toujours le choix, explique-t-il.
Sa souffrance extrême peut être une bonne raison de renoncer à son idéal, et de vivre dans l’amertume, le désespoir, la haine, le cynisme vis-à-vis du monde, des autres, de la vie.
Mais elle peut tout aussi bien être la meilleure source d’énergie pour une vie nouvelle, où la personne, prenant conscience du mal qu’il est possible de se faire à soi-même et aux autres, arrête de nuire, de détruire, d’abîmer, de jalouser.
Elle se met à mobiliser de toute urgence son énergie et ses talents pour améliorer sa propre situation et celle des autres, en mesurant que son temps est compté.
Ceux qui font le second choix se donnent à eux-même l’occasion d’explorer de nouveaux univers, gravir de nouvelles montages, découvrir de nouveaux horizons inexplorés.
Aiguiser votre épée avec vos souffrances
Cette capacité à trouver de la force dans les moments difficiles, “d’aiguiser votre épée avec vos souffrances”, est une expérience que vous avez forcément déjà faite dans le passé.
Réfléchissons un instant.
Les personnes que vous admirez le plus ne sont-elles pas celles qui ont surmonté les plus grandes épreuves ?
Autrement dit, elles n’ont pas gagné leur prestige en dépit des malheurs qui leur sont arrivés… mais grâce à eux.
La mythologie et les religions sont remplies de personnages qui sont descendus dans “la fournaise”, ou “aux enfers”… et qui en sont revenus, transformés en héros ou en dieux immortels : Osiris, Hercule, Orphée, Ulysse, Enée, Daniel, le Christ… Ce sont eux qui sont donnés en exemple, et non ceux qui ont réussi à manœuvrer pour éviter les combats et préserver leurs intérêts apparents.
Mais si on gratte un peu la surface, au-delà des apparences, tous les héros de nos contes, romans, films, séries, passent par une forme d’enfer avant de revenir dans le monde, métamorphosés.
Dans chacun de ses films, James Bond est à un moment où un autre prisonnier d’un « Méchant”. Ce Méchant vit sur une île, ou une cité souterraine, une vaste villa entourée de jardins, en haut d’une montagne voire dans un ballon-dirigeable. Il est entouré d’une foule de personnages soumis, en uniformes, qui collaborent comme des robots à son projet de domination du monde. On retrouve là exactement la symbolique des tableaux du Moyen-Âge représentant le « diable » complotant dans son « enfer », entouré de ses « suppôts », ou petits démons.
James Bond doit les affronter, il croit mourir mais, par un suprême élan de courage, il se sauve au dernier moment et, par la même occasion sauve l’humanité toute entière.
L’ordre et la paix sont rétablis, symbolisés par un drapeau britannique claquant au vent. La récompense de James Bond est alors de se retrouver au “paradis”, c’est-à-dire en général couché sur une plage idyllique ou dans un bateau avec une superbe femme dans les bras, au son des violons, tandis que ses amis le regardent en souriant et pleins de reconnaissance.
Cette femme n’est pas sans rappeler la princesse promise à tout chevalier ayant vaincu le dragon crachant des flammes.
James Bond est donc, lui aussi, un phénix qui chaque fois renaît de ses cendres, pour accéder à un nouveau triomphe.
Le phénix et le symbole du « feu purificateur »
Vient donc toujours un temps, pour chaque homme, chaque pays, chaque civilisation, de “brûler” pour renaître sous une autre forme.
A ce moment là, la moindre étincelle suffit pour allumer le brasier. C’est le signe que l’arbre est mort. Car le feu fait brûler le bois mort. Mais il purifie l’or. Et il durcit l’acier.
C’est ce qui nous arrive avec le coronavirus.
Mais attention : personne n’a dit que c’était facile. Bien au contraire, nous reculons le plus possible ce moment. Chaque fois que le feu s’allume, nous sommes saisis de doute et d’angoisse en nous demandant si, cette fois, le miracle de la renaissance se produira à nouveau.
Dans Harry Potter, on voit que le phénix Fumseck hésite longuement avant de se mettre à brûler (voir la vidéo ici : https://www.youtube.com/watch?v=3RvPWFtKRfk)
Les flammes vont-elles triompher de nous ? Par quel mystère trouverons-nous, dans les cendres, l’énergie pour remonter plus fort, plus vigoureux ?
Cela nous inquiète toujours, et c’est normal.
On nous dit que les héros descendent aux enfers. On ne nous dit pas qu’ils font cela le sourire aux lèvres, en sifflotant. Bien au contraire, l’épreuve doit être difficile. Et plus le héros est fort au départ, comme Hercule, plus les épreuves sont terrifiantes.
Mais plus les épreuves sont terrifiantes, plus nous l’admirons et avons envie de lui ressembler.
Car il a dû, pour cela, faire surgir en lui des talents et des pouvoirs encore plus extraordinaires que nous ne le pensions.
Et sans doute qu’il ne le pensait lui-même…
Car c’est cela le vrai trésor derrière chaque aventure héroïque : la découverte des talents restés cachés au fond de vous, et que vous même aviez ignorés jusque-là.
A votre santé !
Jean-Marc Dupuis
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