Mon problème avec le développement personnel
Ces derniers temps, j’écris plus souvent sur la psychologie, et je reçois des demandes de conseils en « développement personnel ».
Désolé de vous décevoir peut-être, mais j’ai un problème avec ça.
C’est instinctif.
Quand je vois les « coachs », les « éclaireurs de conscience », les « éveilleurs », qui nous annoncent, à grands coups de marketing, l’assurance d’une vie épanouie, en étalant leurs réussites, sur tous les plans… je n’y crois pas.
- Ils ont beau avoir l’air heureux, souriants avec leurs dents blanches, jeunes et riches…
- Ils ont beau nous expliquer qu’ils partent en vacances quand ils veulent, qu’ils ont l’amour, un boulot qu’ils adorent et qu’ils pètent la santé…
- Qu’ils se sont détachés de toutes les contraintes qui nous lient, nous, les gens « comme les autres » qui n’avons rien compris…
Je n’y crois pas.
Mon début de semaine catastrophique
Pour moi, le bonheur ne consiste pas à effacer tout ce qui paraît négatif dans notre vie.
C’est impossible de toutes façons. Prenez mon cas…
Ce lundi matin, je pars au travail avec la voiture de ma femme.
En montant sur l’autoroute, je m’aperçois qu’il n’y a quasiment plus d’essence dans le réservoir. Mon petit garçon (que je dépose à l’école en chemin) se renverse dessus un thermos de café heureusement froid. Cris, pleurs. Je vais devoir trouver d’urgence un endroit où m’arrêter.
Je redresse la tête et c’est alors que je me fais flasher par un radar. J’étais à 70 km/h, la limite ayant été fixée par quelque gendarme facétieux… à 60 (sur autoroute !) : 2 points de permis.
Comme j’étais de bonne humeur, j’ai pu voir le comique de la situation.
C’était comme si un petit diable malfaisant, comme dans Tintin, s’amusait à me piquer un peu partout avec sa fourche. Je me suis mis à rire.
Pas toujours facile de rire
Dans la vie, trop de petites choses peuvent mal tourner : dans la famille, la santé, le travail, le monde autour de nous.
Et quand l’avalanche nous tombe dessus, les injonctions du type « décide-toi, pense positif, médite, reste zen, fais un stage, lâche prise, vis la pleine conscience » ne marchent pas.
Ce qu’il faut dans ces cas-là, c’est une philosophie personnelle qui nous permet de regarder le problème en face, l’intégrer dans notre vie, et repartir.
Admettre que nous pouvons être victime, et que ce n’est pas agréable
Concrètement, plutôt que d’espérer devenir Superman, je préfère admettre que nous sommes vulnérables, que nous pouvons donc être victimes parfois.
Dans ces moments, il est important de se reconnaître le droit de souffrir. Non, ce n’est pas une marque de faiblesse, ni de bêtise. Quelqu’un d’autre que nous ne s’en serait pas forcément mieux sorti.
On a alors besoin de retourner chez soi, dans son village, la maison de son enfance, pour pleurer, se reposer. Notre cœur est ainsi fait que nous avons besoin de temps pour traverser les phases du deuil, qu’il soit physique, sentimental, professionnel ou autre.
Deuil d’un être, ou d’une situation aimée. Deuil de nos illusions. Deuil d’un idéal abîmé. Voir les livres d’Elizabeth Kübler-Ross, où elle détaille les phases communes du deuil : déni, colère, tristesse, acceptation.
L’important, c’est de ne pas en faire une affaire personnelle.
Trouver la force de ne pas condamner en bloc la vie, le monde et tout l’Univers parce que nous souffrons, et que cela contrarie notre désir (infantile) de « vivre la vie de nos rêves ».
« Je me méfie de celui qui dit être arrivé »
Souvent les experts du développement personnel prétendent montrer la voie pour « arriver au succès ».
Mais est-ce qu’on arrive, un jour, au succès ?
« Celui qui me dit qu’il est « arrivé », je m’en méfie car il y a de fortes chances qu’il se soit égaré en route ou qu’il se berce d’illusion », dit la psychologue Elisabeth Berger.
En effet, le succès n’est pas une chose qu’on atteint une fois pour toutes, une fois qu’on a le bon job, le bon physique, le bon état d’esprit, le bon conjoint et la bonne voiture.
Le succès, c’est d’arriver à choisir. Choisir les parties de nous-même qu’il faut travailler, faire évoluer, comment, dans quel ordre.
L’objectif raisonnable à se fixer est de limiter la souffrance à ce qui est nécessaire, sans en rajouter nous-même.
Par exemple : parvenir à ne plus nous rendre malade de ne pas être ce que les autres voudraient que nous soyons : notre père, notre conjoint, notre patron, nos voisins…
Ne plus dépenser notre énergie à se flageller parce que nous ne sommes pas « aussi bien que » telle autre personne.
Analyser dans notre vie ce qui peut être corrigé, amélioré, et le faire, surtout si c’est un tout petit pas.
Ne plus chercher des excuses à nos atermoiements, nos stratégies d’évitement et d’auto-sabotage. Apprivoiser nos faiblesses, oser les regarder en face pour en tenir compte quand nous faisons des choix.
S’approcher d’un tas de fumier n’est jamais agréable
Comme nous vivons souvent sur un tas de fumier en nous bouchant le nez, les yeux et les oreilles, il ne faut pas s’étonner que cela sente mauvais quand nous décidons, enfin, d’aller voir de plus près.
Ce travail-là n’est pas agréable.
Il n’intéresse donc pas grand monde :
« Ce n’est pas en regardant la lumière qu’on devient lumineux, mais en plongeant dans son obscurité. Mais ce travail est souvent désagréable, donc impopulaire. », disait C.G. Jung.
Il faut de l’humilité, de la patience. Il faut reconnaître nos limites et avoir le courage d’explorer la part d’ombre qui est en nous.
L’ombre est, par définition, la partie de nous-même que nous ne voulons pas voir. Celle qui nous dérange. Celle qu’on nous a interdit de regarder, pour de bonnes ou de mauvaises raisons.
L’explorer, c’est la certitude d’avoir mal, d’être triste, et de traverser des passages à vide.
Mais c’est la vraie voie vers plus de lumière.
Zut alors, je me suis mis à faire du développement personnel, sans le vouloir. Je m’arrête tout de suite. Excusez-moi et…
À votre santé !
Jean-Marc Dupuis
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