Pourquoi le gluten fait-il tant de tort ?
Le gluten est une substance collante qui ne se trouve pas dans les céréales, ni dans les farines, mais qui apparaît lorsqu’on verse de l’eau dans la farine.
Dans la farine se trouvent des protéines appelées « prolamines » et « gluténines ». Celles-ci sont invisibles, bien trop petites pour être remarquées à l’œil nu. Elles n’ont aucun effet apparent sur la farine, qui paraît être une simple poudre comme de la poussière ou du plâtre.
Mais tout change lorsque l’on verse de l’eau dessus.
Le gluten apparaît quand on verse de l’eau dans la farine, et que cela forme une substance collante
Ces molécules, prolamines et gluténines, vont se lier entre elles, en formant des “ponts disulfures”. Ces ponts qui relient ces molécules forment un réseau, comme une seule grande molécule, qui traverse toute la boule de pâte.
Ce réseau tient la pâte ensemble, et c’est pourquoi il est si facile de faire des boules, ou d’ailleurs des formes de toutes sortes, avec la pâte à pain.
C’est le gluten qui permet de faire une pâte à pain élastique, qui gonfle. Sans gluten, pas de bonne brioche, de bon croissant, de pain à la mie aérée et croûte croustillante.
Son nom vient de « glu », c’est-à-dire « colle ». En effet, toute personne qui a déjà mis ses doigts dans de la farine mélangée à de l’eau sait combien la pâte est adhérente, collante, impossible de s’en débarrasser sans se laver les mains abondamment, et les frotter avec une brosse.
Vous pouvez voir le réseau de gluten à l’œil nu, en mettant votre pâte à pain sous un robinet d’eau tiède
Si vous faites une boule de farine et d’eau, vous pouvez la passer sous un robinet d’eau.
L’eau va dissoudre et emporter l’amidon, et vous verrez apparaître, sous vos yeux, le maillage de gluten, comme une sorte de toile d’araignée, mais très solide.
Si vous insistez, vous pouvez même évacuer tout l’amidon de la boule de pâte. Après quelques minutes, vous ne garderez plus dans la main qu’un gros morceau de chewing-gum qui, lui, ne se dissoudra pas : c’est le réseau de gluten.
Vous pouvez voir la vidéo ci-dessous, où le boulanger fait cette expérience. Cela commence à 5 minutes 20 (mais les explications avant et après valent vraiment la peine également d’être écoutées) :
La levure chimique et la cuisson laissent le gluten intact
Lorsque de la levure est ajoutée à la pâte, elle « mange » certaines molécules d’amidon et les transforme en gaz (dioxyde de carbone).
Les bulles font prendre du volume, mais le maillage, ou réseau, de gluten, comme une éponge qui gonfle, maintient le tout ensemble. La boule de pâte gonfle, mais reste cohérente et élastique.
Le boulanger la met alors au four, et en ressort un peu plus tard une belle boule croustillante, qui sera découpée en tartines, recouvertes de beurre et de confiture, puis mangées dans la joie par les enfants – et leurs parents.
Mais qu’est devenue, entre-temps, l’énorme molécule de gluten, ce gros chewing-gum qui résistait à toute tentative pour le dissoudre dans l’eau ?
Eh bien, il est… toujours là !
Le pain au levain est plus facile à digérer car le levain, contrairement à la levure, pré-digère le gluten
La cuisson, en effet, ne fait pas disparaître la molécule de gluten. La chaleur le fait « coaguler », ce qui fait qu’il présente une croûte et que l’intérieur du pain est désormais sec.
Mais lorsque vous le mangez, il se retrouve dans l’estomac, où nos enzymes digestives tentent de l’attaquer. Mais c’est dur !
Autrefois, le pain était fait avec du levain, c’est-à-dire une culture de micro-organismes qui attaquaient le réseau de gluten, en même temps qu’ils faisaient fermenter l’amidon.
Le levain est aujourd’hui remplacé par de la levure chimique, qui provoque un gonflement sans dégradation du gluten, ou de la « levure de boulanger » abusivement confondue avec le levain alors qu’il s’agit d’une culture de bactéries qui n’ont rien à voir avec lui.
La “levure de boulanger” ne doit pas être confondue avec le vrai levain
Trop nombreuses, les levures présentes dans la « levure de boulanger » font monter la pâte trop vite, ce qui fait gagner du temps à l’artisan, mais ne laisse pas le temps à la fermentation lactique de se développer.
Le pain ainsi obtenu n’a pas d’acidité, il faut donc ajouter du sel pour lui donner du goût, ou des graines ou faire des mélanges de farine dits « à l’ancienne » qui n’ont strictement rien d’ancien, si du moins on parle d’une époque remontant avant les années 1990…
Autrefois, le pain était fait, de plus, avec des blés anciens, moins productifs, moins gourmands en engrais chimiques, mais aussi… beaucoup plus pauvres en gluten.
Le pain était plus ferme, la mie plus serrée. Mais, en même temps, quand on le mangeait, il était moins pâteux, et se digérait facilement.
Aujourd’hui, c’est l’inverse : ce que nous appelons « pain » est une mousse blanche qui forme une pâte quand on la mâche, à tel point qu’il faut une quantité de Nutella, de mayonnaise ou autres substances pour le faire passer dans l’œsophage. Dans le ventre, il forme une colle, dans l’intestin une sorte de plâtre, qui troue les intestins.
Un lien probable avec l’épidémie de troubles intestinaux
C’est probablement une des causes de l’épidémie de troubles intestinaux que nous connaissons aujourd’hui, allant des simples ballonnements aux douleurs intestinales, jusqu’à l’intestin irritable, voire à la rectocolite hémorragique, qui s’accompagne de saignements.
Les mailles distendues des intestins laissent passer les grosses molécules de gluten dans le sang, où elles déclenchent des maladies auto-immunes.
Souvent, les personnes croient devoir abandonner complètement les produits contenant du gluten.
En réalité, hors maladie cœliaque où la moindre molécule de gluten provoque de vives réactions allergiques, la plupart des personnes « hypersensibles » au gluten pourraient manger de bonnes et grosses tartines sans aucun problème si elles avaient accès à un pain fait à partir d’un blé ancien (blé de Khorasan, engrain, amidonnier sauvage), une authentique fermentation au levain, si possible à l’eau de source et avec un sel de salines traditionnelles (et non un sel chargé de microplastiques).
C’est un défi pour notre temps que d’offrir à nouveau aux populations un pain qui guérisse, plutôt qu’un pain qui ravage le tube digestif.
Certains boulangers sont en train de le relever. Ils sont malheureusement trop peu nombreux, et le moins qu’on puisse dire est que notre société ne sait pas reconnaître leurs efforts, la plupart des consommateurs continuant à acheter n’importe quoi dans les supermarchés ou dans des chaînes de boulangerie qui n’ont d’artisanales que le nom.
Mais cela pourrait changer rapidement, le jour où la prise de conscience aura vraiment eu lieu dans les esprits.
Si nous sommes assez nombreux à demander à nos boulangers de nous faire du vrai pain, en les rassurant en leur expliquant que nous sommes prêts à payer le juste prix, cela pourrait changer. Je compte sur vous pour cela.
À votre santé !
Jean-Marc Dupuis
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