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Le futur a déjà eu lieu sur l’île de Nauru

On le sait, 64 % des Américains sont en surpoids, un chiffre en constante augmentation (ils n’étaient « que » 39 % en surpoids il y a 20 ans).

Mais il y a un pays qui fait pire, bien pire.

Ce pays, presque personne ne le connaît : c’est l’île de Nauru, dans le Pacifique.

Ce qui s’est passé là-bas est très riche d’enseignements pour nous. À vrai dire, quand on lit son histoire, on se dit que cela pourrait être exactement le futur qui nous attend.

Le futur aurait « déjà eu lieu sur l’île de Nauru »

L’île de Nauru fut découverte par les Occidentaux en 1798.

Ils furent tellement émerveillés par sa beauté qu’ils l’appelèrent Pleasant Island, « l’île charmante », pourrait-on dire en français.

La population locale, les Nauruans, vivait évidemment de façon totalement traditionnelle, en tribus et pratiquant la pêche, la chasse, la cueillette, et ce sans doute depuis… 30 000 ans (le paléolithique supérieur).

Habitants de l'île de Nauru
Habitants de Nauru, vers le début du 20e siècle.

Rien de particulier ne se passe sur l’île jusqu’en 1899.

Mais cette année-là, un géologue australien, Albert Ellis, découvre par hasard que le sol de cette île est prodigieusement riche en phosphate, un engrais dont l’Australie a besoin pour son agriculture.

Jusqu’en 1968, ces gisements seront exploités par des compagnies occidentales.

Mais le 31 janvier 1968, l’État de Nauru devient indépendant de l’Australie. Le pouvoir est pris par un président, Hammert Deroburt, dont la première décision est de nationaliser les mines de phosphate.

« Les habitants de lîle ne le savent pas encore, mais ils viennent de récupérer un incroyable trésor qui, tel celui des Nibelungen, va les mener à leur perte », explique l’historien Grégoire Quevreux [2].

Le pays le plus riche du monde

L’île devient le pays où le revenu par habitant est le plus élevé du monde et ce… sans travailler.

Le président décide, en effet, de reverser les revenus du phosphate à la population. Il crée un système d’assistance généralisée où tous les besoins sont assurés par l’État. Des immigrés chinois sont embauchés pour travailler dans les mines.

L’eau et l’électricité deviennent gratuites. Il n’y a aucun impôt. L’île se dote d’un hôpital dernier cri qui assure les soins gratuitement aux citoyens. Le président va jusqu’à offrir aux habitants des femmes de ménage, si bien qu’ils n’ont même plus à s’occuper de leur intérieur.

Toute activité traditionnelle est abandonnée, notamment la pêche. Les Nauruans se nourrissent désormais de plats préparés, importés.

Chaque foyer possède en moyenne sept voitures. Aucune n’est jamais réparée. En cas de panne, on en achète une nouvelle. Toute vie sociale disparaît, au profit de la télévision, des magnétoscopes et des cassettes vidéo, que les habitants regardent seuls, chez eux.

« Nauru est une véritable utopie consumériste, où loisiveté et le gaspillage règnent en maîtres », continue Grégoire Quevreux.

La fin d’un monde

Des ingénieurs préviennent toutefois le président que les mines de phosphate ne dureront pas au-delà de 1990.

Celui-ci décide alors d’investir dans des projets pharaoniques, tous plus dispendieux les uns que les autres : une compagnie aérienne, Air Nauru, qui se révélera un gouffre sans fond, le plus haut gratte-ciel d’Océanie à l’époque (190 mètres de hauteur), le Nauru House Building inauguré en 1977, et autres investissements immobiliers démesurés.

Rien n’y fait, le pays périclite dans les années 1990 avec le ralentissement puis la fin de l’exploitation des mines de phosphate. Le gouvernement s’endette et cherche des ressources à tout prix. Il monnaye ainsi sa voix à l’ONU, votant en faveur de la reprise de la chasse à la baleine en échange de quelques subsides japonais. Puis, c’est une tentative pour devenir un paradis fiscal afin d’attirer des capitaux, et même pour vendre des passeports.

L’effondrement

Mais ce n’est encore que le début de la chute :

« Le sommet est atteint lorsque Nauru loue plus de la moitié de son territoire à l’Australie, qui y installe des camps de rétention de migrants.

Les Nauruans, appauvris, dépossédés de leur propre île, sont de plus méprisés par la communauté internationale, qui considère l’État nauruan comme un État voyou.

Aujourd’hui, l’île, qui avait été surnommée Pleasant Island, demeure dévastée sur le plan écologique par des décennies d’exploitation minière forcenée, et reste parsemée de carcasses de voitures rouillées et de bâtiments en ruines.

La culture traditionnelle de Nauru a été totalement oubliée en deux décennies. La société de consommation a ainsi réussi à détruire l’identité culturelle des Nauruans, ce qu’aucun des nombreux colonisateurs de l’île n’avait réussi à faire. L’île cumule, de plus, les statistiques record : 90 % des Nauruans sont au chômage, 80 % souffrent d’obésité morbide, et 40 % d’un diabète de type II », explique Grégoire Quevreux.

Le tableau est assez parlant, je crois, pour qu’il soit inutile d’y ajouter quoi que ce soit.

Je me permets toutefois de dire qu’il recoupe une pensée qui m’est venue bien souvent en me promenant dans les grandes villes américaines et, malheureusement, de plus en plus, les villes européennes : que le diabète, l’obésité, ne sont pas des maladies uniquement provoquées par tel ou tel excès alimentaire.

Les causes en sont souvent beaucoup plus profondes, et beaucoup plus graves que cela.

À votre santé !

Jean-Marc Dupuis

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