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Quel avenir sommes-nous en train de préparer ?

Chère lectrice, cher lecteur,

“ Moi qui suis un anxieux, je n’ai pas peur de mourir de ce virus. Ça m’effraie beaucoup moins que la maladie d’Alzheimer ! Et si je le contracte, j’ai encore 95 % de chances d’en réchapper. Pourquoi aurais-je peur ? Ce qui m’inquiète, ce n’est pas ma santé, c’est le sort des jeunes. Sacrifier les jeunes à la santé des vieux, c’est une aberration. Cela me donne envie de pleurer.

C’est la réaction du philosophe André Comte-Sponville, 68 ans, dans une interview où il dit son exaspération face aux mesures de confinement. [1]

Il ajoute :

“ Augmenter les dépenses de santé ? Très bien ! Mais comment, si l’économie s’effondre ? Croire que l’argent coulera à flots est une illusion. Ce sont nos enfants qui paieront la dette, pour une maladie dont il faut rappeler que l’âge moyen des décès qu’elle entraîne est de 81 ans. Traditionnellement, les parents se sacrifiaient pour leurs enfants. Nous sommes en train de faire l’inverse ! Moralement, je ne trouve pas ça satisfaisant ! (…)

“Tant que nous n’aurons pas accepté la mort, nous serons affolés à chaque épidémie. Et pourquoi tant de compassion geignarde autour du Covid-19, et pas pour la guerre en Syrie, la tragédie des migrants ou les neuf millions d’humains (dont trois millions d’enfants) qui meurent de malnutrition? C’est moralement et psychologiquement insupportable.”

Evidemment, André Comte-Sponville ne s’est pas fait que des amis par ses déclarations.

Mais de mon côté, je m’inquiète aussi pour l’avenir  : oui, nous sommes en train de sauver des vies, mais au prix de nombreux morts dans les années à venir, tout simplement parce que nous n’aurons plus assez d’argent pour assurer une qualité maximale des soins.

Nous avons oublié que les soins ne sont pas gratuits

Si la santé nous paraît gratuite, c’est parce que des millions de salariés français payent des cotisations sociales chaque mois, via les URSSAF qui reversent l’argent à l’Assurance-Maladie.

Dès qu’une personne arrête de travailler, elle cesse de payer des URSSAF. C’est autant d’argent en moins pour financer les médicaments, les opérations, les soins, les hôpitaux, le personnel soignant, la recherche, les investissements.

Pire, si cette personne se met au chômage ou à la retraite, elle se met à coûter de l’argent au système. Non seulement elle ne cotise plus, mais il faut lui verser des allocations, et c’est encore cela en moins pour le système de santé.

Avec le confinement, plus d’un salarié sur deux est désormais au chômage partiel. Six entreprises sur dix sont arrêtées, soit 820 000 entreprises. [2]

Tout cela représente des dizaines de milliards d’euros de manque-à-gagner, alors que la situation était déjà critique avant la crise. Il manque déjà 42 milliards dans les caisses de la Sécurité Sociale pour 2020. Les répercussions sont déjà incalculables en terme de restrictions de soins. Elles pourraient devenir dramatiques, avec une dégradation qui pourrait rappeler un peu celle qu’ont connue les pays de l’Est quand leur système s’est effondré dans les années 90.

Les Français ont-ils oublié que l’argent ne tombait pas du ciel ?

Depuis quelques décennies, nous avons pris l’habitude de penser que la santé était forcément accessible à tous et que toute opération ou traitement, du moment qu’ils étaient possibles techniquement, devenaient automatiquement accessibles en pratique.

Nous avons oublié que, dans la “vraie vie”, se pose toujours la question : qui va payer ?

Dans un très grand nombre de pays actuellement, les opérations coûteuses comme les transplantations, les opérations à cœur ouvert, les prothèses de la hanche ou du genou, la chimiothérapie, et même les traitements contre le diabète, sont tout simplement hors de question : les gens ne peuvent pas en bénéficier. Seule une toute petite élite sociale va se faire soigner dans les hôpitaux occidentaux.

Tous les autres demeurent avec leurs maladies, leurs souffrances, et il n’y a même pas assez d’argent pour payer des traitements simples. Chaque année, pas moins de 2,6 millions de personnes meurent d’un simple manque d’eau potable, et la moitié de la population mondiale boit de l’eau “dangereuse pour la santé”, selon l’ONG Solidarités International. [3]

Plus de 400 000 personnes meurent faute de moyens pour acheter des médicaments contre le paludisme, qui ne coûtent pourtant que quelques euros. [4]

Pour nous, cela paraît surréaliste. Nous trouvons normal que “la Sécu” paye pour des médicaments contre l’hépatite C qui coûtent 40 000 euros par patient.

Cette insouciance n’est possible que parce que les caisses sont financées par les cotisations sociales de personnes qui travaillent. Avec la moitié des gens qui ont arrêté de travaillé et qui ne payent plus, il y a d’ores et déjà beaucoup moins d’argent pour soigner et des choix vont devoir être faits, c’est aussi simple que cela.

Des milliers de cancers non-détectés, et donc non traités

Parlons aussi du cancer.

Depuis le début du confinement, les examens jugés “non vitaux” pour les malades du cancer sont annulés. Des chirurgies sont repoussées, des traitements sont modifiés. [5]

Une infirmière de l’Institut Gustave-Roussy témoigne de façon anonyme dans le journal Le Monde qu’on fait “comme si l’activité de la tumeur était statique, or on sait que ce n’est pas le cas. Certains présentent des tumeurs volumineuses et si on laisse passer des semaines, le pronostic vital va être engagé.” [6]

Combien de cancers non-détectés, et donc non soignés, vont devoir être pris en charge dans les mois qui viennent, alors qu’il sera trop tard ?

Toutes ces questions ne sont pas discutées. Elles paraissent n’intéresser personne, ou pas grand monde. Nous troquons donc des décès aujourd’hui, sans savoir combien de vie nous sauvons (la Suède, qui n’a pas confiné, a proportionnellement bien moins de morts que nous), contre la certitude d’une profonde dégradation de notre système de santé dans les années qui viennent.

Il y aura des protestations, des grèves de personnel soignant expliquant qu’on “manque de moyens”, et ils auront raison. Mais à qui sera la faute ?

A votre santé !

Jean-Marc Dupuis

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