« Encore une… », me suis-je dit de façon mécanique. Avant même d’être peiné pour elle, j’ai presque spontanément listé dans ma tête toutes les personnes dont on m’avait annoncé ces derniers mois qu’elles avaient un cancer.
À chaque fois, cela m’effraie. Surtout quand il s’agit de femmes encore jeunes comme la sœur de cet ami. Elle vient d’avoir 41 ans, elle est vendeuse en parfumerie, elle a la vie devant elle et ce cancer du sein qui lui tombe dessus, comme un couperet.
J’étais dans ma salle de bain, en pensant à elle, et j’ai aussitôt imaginé la sienne. Qu’est-ce qu’il y a dans ses placards ? Quels déos utilise-t-elle ? De quoi est composée sa trousse de beauté ? Quels sont sa crème solaire, son shampoing ?
Des questions loin d’être futiles, vous allez le voir. Et après avoir lu cette lettre, vous aurez certainement envie de changer de shampoing, et de revoir complètement la manière dont vous prenez soin de votre corps !
Cette lettre n’a pas pour but de vous effrayer mais bien de vous éclairer. Je tâcherai dans chacun de mes courriers de vous donner des alternatives naturelles pour prendre soin de la peau en toute sérénité.
Mais avant cela, je voudrais tirer la sonnette d’alarme.
Cette drôle de famille qui perturbe notre corps
Je dois donc vous parler d’une famille qui vit juste à côté de vous et que vous ne connaissez probablement pas. Leur nom : les « perturbateurs endocriniens ». Mais n’allez pas chercher leur boîte aux lettres, ils se cachent… souvent dans les ingrédients de vos produits cosmétiques…
Perturbateurs endocriniens : cela désigne en réalité un nombre important de substances très différentes, d’origine naturelle autant que synthétique. Les perturbateurs endocriniens portent bien leur nom puisqu’ils « perturbent » notre organisme en imitant malgré eux l’action des hormones dans notre corps.
Voici un exemple pour comprendre.
Dans l’huile essentielle de sauge sclarée, on trouve la molécule de sclaréol. Une fois assimilée par l’organisme, cette molécule est perçue par nos récepteurs hormonaux comme le serait un œstrogène, une hormone féminine. C’est la raison pour laquelle l’huile essentielle de sauge sclarée, et à vrai dire tous les extraits végétaux de sauge sclarée, sont souvent conseillés en cas de troubles de la préménopause. Dans ce cas, on y a recours pour pallier l’action diminuée des œstrogènes. À l’inverse, on comprend ainsi pourquoi la sauge sclarée sera habituellement déconseillée en cas de cancer du sein ou de troubles ovariens : ce sont des maladies hautement hormonodépendantes et il serait dangereux de stimuler l’organisme avec des formules « œstrogen-like ».
Des agents comme le sclaréol, il y en a de tout type, naturels autant que synthétiques. Ce sont ces derniers que l’on retrouve dans nos cosmétiques.
Je vous rassure, la phytothérapie autant que la médecine conventionnelle maîtrisent assez bien ces notions, et les risques sont finalement assez limités. Par contre, on sait aujourd’hui que les effets des perturbateurs endocriniens sont pernicieux : ils dépendent évidemment de la dose, mais aussi de leur accumulation dans le corps ainsi que de la répétition des expositions.
Bref, consommer un produit qui contient des perturbateurs endocriniens très faiblement dosés n’est pas très dangereux si l’on est en bonne santé. Mais s’exposer à eux au quotidien, même en doses infimes, le serait bel et bien.
Et c’est exactement ce qui se passe avec les cosmétiques conventionnels… Sans que personne ne s’en rende compte.
Dès le berceau, les labos cosmétiques mettent la dose !
Avez-vous récemment fait un tour au rayon « bébé » d’un supermarché ?
Moi oui. Et je vous avoue que je suis particulièrement choqué de voir que l’on trouve du phenoxyethanol dans beaucoup de lingettes pour bébé. Je parle bien ici des grandes marques du commerce, pas de lingettes spécialement low-cost.
Le phenoxyethanol est un conservateur, un antibactérien très efficace et très présent depuis des décennies dans les formules cosmétiques. Jusquà présent, rien de dramatique.
Oui mais voilà, cet agent devient agressif lorsqu’il est trop dosé et peut causer des allergies ou de l’eczema. C’est pour cette raison que la réglementation actuelle limite sa concentration à 1 % dans nos cosmétiques. Il est donc parfaitement légal de retrouver cet ingrédient dans toutes sortes de produits, y compris pour bébé. Et pourtant, quand on sait que les lingettes pour bébé sont destinées à entrer en contact direct avec la peau fragile des nouveau-nés, on se dit que c’est scandaleux.
On ne sait que peu de choses sur les effets cocktails de cet ingrédient lorsqu’il est en contact répété avec la peau. On parle de toxicité pour le foie et d’incidence sur la fertilité humaine. Sur la base de ses propres études, même l’Agence nationale de sécurité du médicament, haute autorité de santé en France, déconseille cet ingrédient dans les cosmétiques pour bébé. Et pourtant : le phenoxyethanol est toujours là. Dosé à moins de 1 %, certes, mais toujours là.
Avez-vous vraiment envie que nos bébés soient nettoyés avec ce type de susbtances ? Moi non.
Et ça continue, encore et encore…
Plus on s’intéresse aux formules cosmétiques en tentant de les décrypter, plus on est susceptible de tomber sur des « membres de la famille » des perturbateurs endocriniens. Ils sont partout. Dans des crèmes de jour et de nuit, dans beaucoup de soins solaires, dans certains dentifrices, dans les vernis à ongles, et dans presque tous les produits qui contiennent des parfums… Selon une étude de l’UFC Que Choisir, ce serait plus de 60 % des cosmétiques qui seraient concernés [1].
Je vous propose ici quelques clés pour les identifier (et les éviter) :
Identifiez votre ennemi !
Les perturbateurs endocriniens sont variés et nombreux. Voici les noms des plus courants. Repérez-les pour mieux les éviter :
- Benzophenone et oxybenzone (filtres UV présents dans beaucoup de produits solaires et anti-âge)
- Cyclopentasiloxane (émollient dans les shampooings notamment)
- Diethyl phtalate (plastifiant)
- Methyl-, propyl-, buthyl-, ethyl-, isopropyl-, et benzylparaben (des conservateurs)
- Phenoxyéthanol (conservateur et cosolvant)
- Triclosan (conservateur, surtout dans certains dentifrices)
- EDTA (conservateur facilement identifiable)
- Parfum : le mot parfum non suivi d’une astérisque dans un cosmétique non bio désigne à coup sûr un parfum synthétique, et donc la présence de phtalates.
Trop difficile à retenir ? Alors optez pour un produit certifié bio par un organisme reconnu, ou lauréat de la Mention Slow cosmétique. Ces chartes n’autorisent tout simplement pas la présence de ces ingrédients.
Une règle essentielle en cosmétique
Je suis aussi étonné que vous de trouver ces ingrédients hautement polémiques dans la plupart des cosmétiques du commerce. Comment est-ce possible aujourd’hui ? Et surtout, pourquoi ?
L’industrie cosmétique vous dira qu’il n’y a pas d’alternative efficace, et que le danger est très théorique. En effet, la toxicité des perturbateurs endocriniens est bien connue lorsqu’on analyse chaque ingrédient individuellement (le phenoxyethanol par exemple). C’est pour cela qu’on limite leur dosage.
Mais la toxicité d’un cocktail de perturbateurs endocriniens, comme ceux auxquels nous sommes confrontés au quotidien, est encore assez mal définie. Il faut reconnaître que c’est un domaine tellement vaste qu’il serait très difficile d’établir de façon précise les modalités d’action de ces substances en synergie, leur assimilation, et surtout leur lien éventuel avec le cancer ou d’autres dysfonctionnements.
D’accord, mais quand même… Je me suis toujours demandé pourquoi, en cosmétique, face au doute on ne s’abstient pas ? C’est pourtant la première règle à suivre.
Alors que faire : s’interdire toute forme de cosmétique ?
Pas question… Après vous avoir effrayés, je veux vous donner quelques conseils. Lors de vos achats, évitez les composés qui fâchent. Utilisez la fiche mémo ci-dessus. Notamment pour les déodorants, les nettoyants intimes et les shampooings qui sont en interaction forte avec la peau.
Découvrez aussi le savon à froid surgras, fabriqué artisanalement à base d’huiles végétales. Si vous le choisissez sans huiles essentielles, c’est gagné.
Si le cœur vous en dit, tentez aussi l’aventure des cosmétiques faits maison. Je vous donnerai dans une prochaine lettre deux recettes de déodorants naturels sans aucun perturbateur endocrinien. Pour vos shampoings et soins lavants, pensez aux bases lavantes et shampoings neutres des marques Indemne, Coslys, Senz, et Bioflore qui fabriquent des produits respectueux qu’on peut laisser poser sans risque sur la tête ou la peau du corps.
En attendant, voici une recette toute simple à l’attention de ceux qui ont besoin de réparer la peau abîmée après une irritation ou une brûlure. Elle conviendra parfaitement à tous, même aux peaux les plus sensibles. Comme elle contient certaines huiles essentielles, il faudra juste l’éviter si vous êtes enceinte ou allaitante, ou pour un enfant de moins de 3 ans.
Mon soin réparateur slow aux accents provençaux :
Cette huile de soin peut être utilisée en massages 2 fois par jour sur une zone rougie et fragilisée, seins compris. La formule n’est ni photosensibilisante, ni perturbatrice endocrinienne. Elle ne peut cependant pas être utilisée moins de 5 heures avant une radiothérapie si vous êtes concerné(e).
Pour 50 ml environ. Dans un flacon anti-UV de 50 ml au moins, récupéré bien propre, versez successivement :
- 3 cuillères à soupe de macérât huileux de pâquerette de Saint-Hilaire
- 4 cuillères à café de macérât huileux de calendula bio
- 12 gouttes d’huile essentielle de lavande aspic (Lavandula spica)
- 8 gouttes d’huile essentielle d’immortelle (Helichrysum italicum)
Le mélange proposé se conserve à l’abri de la lumière et de la chaleur pendant 6 mois sans problème car il ne contient pas d’eau. Les 2 huiles essentielles proposées jouent leur rôle d’actif cicatrisant et apaisant, mais sont aussi de bonnes antioxydantes.
Merci d’avoir choisi de faire la révolution dans votre salle de bain avec moi.
Et, d’ici à ma prochaine lettre, prenez bien soin de vous !
Julien KAIBECK
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