Autres réflexions positives sur la dépression
Je vous ai parlé de Roland Feuillas, ce chef d’entreprise plein de réussite qui est soudain tombé en dépression, à la suite de quoi il a commencé sa conversion pour devenir boulanger à Cucugnan.
Roland Feuillas a écrit : « La dépression est une chance », comme je l’expliquais avant-hier.
Mais il va encore plus loin, dans son livre, et écrit que « la dépression est un signe de bonne santé ».
Il s’explique :
« La dépression est ce signe qui vient frapper à notre porte pour nous dire : “Changez votre vie, soyez en accord avec ce qu’il y a de plus authentique au fond de vous-même, de plus généreux, de plus bienveillant, de plus partageur [1]”. »
La dépression est le signe que nous avons besoin de nous reconnecter
La dépression est, selon lui, « un premier signe que nous ne sommes pas dupes, que nous avons en nous des possibilités de nous reconnecter à des terres fertiles ».
Avant-hier, je disais que l’impression de paralysie provoquée par la dépression pouvait être vue comme une réaction naturelle de notre organisme qui se fige face à un danger, à une situation inconnue. L’insomnie, les ruminations, seraient nécessaires pour nous permettre de réfléchir aux problèmes qui ont surgi autour de nous, et qui demandent une solution intelligente.
Mais l’inaction de la dépression peut aussi être vue comme l’âne ou le cheval qui soudain refusent d’avancer.
Ils ont porté leur charge sur des centaines de kilomètres sans se poser de questions, sans renâcler, sans se plaindre, mais aussi sans réfléchir.
Et soudain, ils comprennent qu’ils n’ont aucune bonne raison de continuer. La carotte et le bâton avec lesquels on les a fait avancer jusque-là ne suffisent plus.
La carotte et le bâton ne suffisent plus
Ils se rendent compte que le bâton, finalement, ne fait pas si mal et que la carotte n’est pas aussi bonne qu’elle en a l’air !
Ainsi le cadre surmené se demande-t-il soudain, vers 40 ans, ce qu’il fiche là, si vous me passez l’expression.
Un de mes professeurs employait cette image :
« Quand vous avez 20 ans, vous êtes comme au pied d’un immeuble. Vous vous élancez dans les escaliers pour monter les étages. Vous montez, montez, montez et, à 40 ans, vous arrivez sur le toit. Et c’est alors que vous vous apercevez que vous vous êtes trompé d’immeuble. »
C’est alors la panique, et l’effroi. Vous regardez autour de vous et vous vous apercevez que vous vous êtes donné tout ce mal pour rien.
Du haut de l’immeuble, on voit mieux, et plus loin
Enfin, pas tout à fait. Car maintenant que vous êtes en haut d’un immeuble, vous avez une meilleure vue sur votre environnement. Vous voyez mieux où vous voudriez aller que lorsque vous étiez au ras du sol, et plus loin.
Vous avez aussi l’expérience d’avoir escaladé un immeuble. Il vous sera donc plus facile d’en gravir un autre. Peut-être même pourrez-vous prendre l’ascenseur.
S’arrêter pour contempler le monde
Il n’empêche que, à ce moment-là, votre course s’arrête.
Pour la première fois, vous redressez la tête, vous prenez le temps de contempler le monde autour de vous. Tout vous apparaît avec des horizons plus vastes que vous ne le pensiez.
Peut-être comprenez-vous que vous avez escaladé cet immeuble non pas parce que vous le souhaitiez pour vous, mais pour faire plaisir à quelqu’un (un parent, un conjoint, un professeur, un groupe d’amis…), ou en imaginant faire plaisir à quelqu’un.
Peut-être vous rendez-vous compte que vous n’avez pas assez réfléchi à ce que vous vouliez faire. Vous pensiez suivre une voie évidente, avec des buts clairs : aimer et être aimé, acheter une voiture, une maison, voyager, faire carrière.
Mais la vie vous a enseigné que les choses étaient un peu plus compliquées que cela. Que chacun doit « trouver sa voie », en développant ses talents particuliers, en suivant son propre destin, et que le « bonheur » ne signifie pas la même chose pour tout le monde, loin de là.
Le bonheur n’est pas un état qu’on atteint une fois pour toutes
Vous avez compris que le bonheur n’était pas un état que l’on atteignait une fois pour toutes, mais plutôt un chemin. Que pour éprouver du bonheur, il fallait à la fois du confort et de la sécurité, mais aussi une dose de risque, de défi, de « challenge », sans quoi on en venait vite à mourir d’ennui.
Trouver sa voie peut prendre plusieurs mois, parfois plusieurs années de réflexion. Il va souvent falloir se résigner à redescendre de l’immeuble qu’on avait mis tant d’énergie à gravir.
Il y a un renoncement à faire, mais c’est un renoncement plein de promesse.
Je laisse la parole à Roland Feuillas, qui conclut ainsi son propos sur la dépression :
« Plus vous trouvez cet accord avec vous-même, plus la vie vous gratifie de ses dons. Mon existence est aujourd’hui une source de très intense réconfort, de très bouleversantes joies, au point que j’en viens aussi à me demander si j’ai mérité toutes ces faveurs. Je dirais qu’il demeure en moi ce fond dépressif comme une capacité de vigilance, de m’assurer que je ne dévie pas de mon axe, que je reste dans la perspective la plus haute. »
Quelle belle promesse !
À votre santé !
Jean-Marc Dupuis
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