Au cours des années 70, alors que j’avais une nourriture strictement macrobiotique (que je ne recommanderais plus de nous jours) je pratiquais « un art martial du mouvement ». Il s’agit du Katsugen Undo, que l’on nomme aussi « Mouvement Régénérateur ». Seul ou à deux, nous étions assis sur un tatami et nous tentions d’exprimer par une gestuelle ni volontaire, ni programmée, les tensions de notre corps, voire de notre esprit.
Disséminées en Europe il existe encore quelques écoles qui tentent de transmettre l’enseignement du Maître Itsuo Tsuda [1]. Le « Maître » avait pratiqué le théâtre No avant de devenir enseignent d’Aïkido et de créer le « Mouvement régénérateur ».
Ces deux disciplines ont beaucoup de points communs. Elles tentent de capter et amplifier « l’énergie et le mouvement de l’autre » à son profit, « réparer » sa propre énergie.
L’Aïkido est un art de défense dont beaucoup de techniques actuelles s’inspirent, mais c’est aussi un art de la respiration et d’apprentissage de soi-même par l’autre qui se pratique debout.
Le « Mouvement Régénérateur » n’a pas de visée défensive et se pratique assis : au bout d’un moment de « respiration » le corps se libère de ses blocages et certains mouvements spontanés se développent conduisant, parfois vers une sorte de danse collective qui, vue de l’extérieur, a fait taxer les pratiquants « d’allumés ». Il faut dire que nous étions dans la mouvance de Mai 68 !
Personne d’autre que le Maitre ne peut mieux le définir : Il est « sans connaissance, sans technique, sans but », et tend vers une « intelligence curative du corps ».
Itsuo Tsuda a écrit de nombreux ouvrages qui sont encore disponibles aux éditions « Le Courrier du Livre ».
C’était un personnage assez fascinant, qui alliait une volonté farouche de connaître et comprendre l’Occident (un peu comme les premiers moines bouddhistes venus de l’Inde et du Tibet) à une posture très renfermée et silencieuse qui pouvait dérouter aux premiers abords.
Bien entendu, il était « Le Maître » et souhaitait visiblement garder une distance par rapport aux « élèves » que nous étions, avec le paradoxe de se comporter comme un exemple intouchable et en même temps une oreille attentive.
Quarante années plus tard, je me souviens de lui comme si je l’avais vu hier.
Mais au-delà du personnage et de ces expériences, c’est bien entendu le résultat qui compte.
L’art martial qui donne des poussées de fièvre
Les séances pouvaient avoir des effets surprenants et, comme dans nombre de thérapeutiques, elles ne sont pas toujours agréables au début.
Les douleurs, la fatigues, les angoisses, mais aussi de cruelles interrogations sur soi et sur les autres pouvaient réapparaitre au fil de ces séances. Cela nécessitait alors l’intervention du « Maître » pour aider à comprendre, se comprendre, favoriser un retour à une forme d’équilibre psychologique et guider le cheminement du Qi (l’énergie).
Une fois cette première phase passée, beaucoup décrivent un apaisement « non médicamenteux », une libération créatrice du mouvement, de l’expression et de la psyché qui résultent d’une libération de ses blocages, de ses peurs, de ses colères et ressentiments.
Les « poussées de fièvre » ne sont pas exceptionnelles…
Voilà pourquoi je vous raconte tout cela…
Je me souviens encore d’un « adepte » s’excusant auprès du Maître de n’être point venu aux dernières séances car il avait été fatigué avec beaucoup de fièvre ;
- Combien, lui demanda le Coréen ?
- Plus de 40°…
- Quelle belle fièvre ! répondit-il du bout des lèvres, avec une moue amusée et coquine, accompagnée d’une vague onomatopées gutturale que l’on observe chez bon nombre d’asiatiques et de Japonais, en particulier.
Eh bien, croyez-le ou non, cette scénette qui remonte à plus de quarante ans est restée gravée dans ma mémoire.
A cette époque, j’étais étudiant en médecine et les fondamentaux de la médecine universitaire et hospitalière ne m’intéressaient pour deux raisons majeures :
- pour mieux comprendre le corps humain et ses dysfonctionnements que l’on nomme « maladie » (c’est ce que l’on appelle la sémiologie)
- soit, plus simplement, pour passer mes examens !
L’essentiel me semblait procéder d’un tout autre registre. Celui de Maître Tsuda en faisait partie, comme l’apprentissage du judo que j’avais dû arrêter pour raison de santé, ou celui, plus contemporain et nécessaire du regard vers l’autre, de l’écoute, de la volonté de mieux le comprendre et l’aide…
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Etre attentif aux réactions
De même que les homéopathes conseillent un remède en fonction nos réactions spécifiques (douleur d’un côté ou de l’autre, de bas en haut, de haut en bas, vive ou douce, calmée ou aggravée par le froid ou le chaud, avec ou sans transpiration…) tout thérapeute se devrait d’être mieux à l’écoute des réactions personnelles et individuelles de son patient :
- A la fois à la maladie, à la douleur, à l’angoisse…
- Et à la réaction à la thérapie surtout à son initiation.
Nous savons que plus une thérapie est efficace, plus elle est en mesure de provoquer à ses débuts des réactions désagréables [2].
La fièvre, les poussées inflammatoires locales et/ou générales en font partie, mais attention : l’accompagnement du médecin est absolument nécessaire car une intolérance ou une allergie au remède est toujours possible et ces effets doivent être maîtrisés, dans certains cas, ne serait-ce que pour préserver des fonctions vitales.
C’est ici que nous devons revenir à l’équilibre des réactions (parfois trop passionnelles) et décider des limites de la raison :
- Ainsi, on peut comprendre l’angoisse et l’affolement de certains parents devant la fièvre de leur petit. La fièvre du jeune enfant, si elle doit être maîtrisée (nous y reviendrons) ne devrait pas (à mon avis) être systématiquement « barrée » avec des antipyrétiques dont les effets secondaires, surtout quand ils sont répétés peuvent être gênants. Je me souviens qu’à l’époque de mes stages hospitaliers, on injectait un tranquillisant (une benzodiazépine pour être plus précis) dans les fesses des bébés pour contenir un risque supposé de convulsions et que cela me semblait souvent prématuré et ou exagéré. Mais on touche ici à l’un des grands dilemmes de la médecine : à quel moment doit-on mettre en œuvre une thérapie potentiellement risquée pour empêcher l’évolution d’une maladie, potentiellement plus risquée ?
- En commençant à pratiquer la médecine, j’avais remarqué que les enfants qui faisaient « de belles fièvres », pour reprendre la terminologie de Maître Tsuda, faisaient moins de maladies chroniques (souvent des rhinopharyngites, otites, angines…) et/ou que ces dernières guérissaient plus vite. Ici encore, tout est dans le doigté du médecin qui doit à la fois gérer l’angoisse parentale et le meilleur devenir possible de son petit patient.
Attention : ne me faites pas dire que toute fièvre est bénigne !
Certaines ne le sont pas : ce sont l’expression de maladies chroniques (comme le paludisme) ou des intolérances ou allergies à des thérapeutiques. Les organismes trop jeunes ou à l’opposé âgés ou fragilisés, par exemple par des problèmes cardiaques ou immunitaires ne les supportent pas bien, et il ne faudrait pas qu’elles puissent mettre en péril un autre système organique ou aggraver un pronostic vital.
Pourquoi mon corps réagit-il comme ça ?
Toute fièvre inexpliquée et récurrente doit faire chercher une infection latente et même une « fébricule » qui souvent ne dépasse pas 38°.
C’est une « enquête » souvent difficile tant pour le patient que pour son médecin qui revient parfois à chercher « une aiguille dans une botte de foin ».
Il faut à la fois de la chance, du talent et de la persévérance.
Parfois les explications sont simples, encore faut-il les chercher :
- foyer dentaire,
- sinusal,
- infection d’une cicatrice ou de gencives,
- cystite simple, cholécystite simple (infection des voies biliaires)…
Il faut ensuite parvenir à corréler la fièvre à d’autres symptômes, comme certaines douleurs abdominales ou articulaire, des toux chroniques, des modifications de la voix, des ganglions ou des troubles du transit qui peuvent motiver des explorations en biologie et imagerie qui ne donneront pas toujours les réponses escomptées.
Mais la fièvre chronique peut aussi être annonciatrice et précurseur d’une maladie plus grave comme un dysfonctionnement immunitaire, un cancer du sang ou d’un organe.
N’hésitez pas, à la moindre douleur dentaire, si vous avez des dents mobiles ou des inflammations de la gencive (parodontopathies) à demander à votre dentiste une « radio panoramique dentaire » qui peut révéler bien des surprises : foyers infectieux, dépassements de traitements de racine, racines cassées, carries non visibles de l’intérieur de la bouche…
L’examen de la formule sanguine (nombre et qualité des différentes lignées de globules blancs), de l’inflammation (vitesse de sédimentation et CRP (C Reactive Protéine) peuvent préciser et quantifier le risque infectieux ou inflammatoire. Parfois, on ne trouve rien et il faut bien admettre que certaines personnes ont physiologiquement des taux sanguins de globules blancs ou de protéines de l’inflammation à la limite de la normale, sans être toutefois malades.
Ne vous jetez par sur l’aspirine !
Je déconseille donc de traiter systématiquement toute fièvre d’origine inconnue, surtout par l’automédication et encore moins de prendre de l’aspirine ou du paracétamol à la moindre douleur ou inflammation car ces médicaments ont des effets toxiques et des contre-indications. Seul le médecin, capable de d’examiner, de faire un diagnostic, devrait être en mesure de prendre une décision et de traiter ou non.
C’est donc aussi une question de confiance !
Ne vous trompez pas d’ennemi
Une fièvre peut être « belle » quand elle n’est qu’une réaction de l’organisme et de son système immunitaire à une attaque infectieuse passagère virale ou bactérienne. C’est souvent le cas, mais pas systématiquement. Elle devrait, dans ce cas, être considérée comme une alliée, non comme un danger, non comme une maladie mais comme une réaction à la maladie, une réaction potentiellement curatrice qui va faciliter l’éradication des bactéries ou des virus.
La fièvre est avant tout un mécanisme physiologique de défense contre les maladies infectieuses qui a des effets bénéfiques pour combattre les infections, en réduisant la multiplication des virus et des bactéries et en augmentant la capacité des globules blancs à répondre à l’infection. C’est le témoin de la mise en route des défenses immunitaire contre un agent infectieux. En principe on ne devrait pas lutter contre nos mécanismes de défense, mais contre uniquement ses excès et ses désagréments. Ce n’est pas moi qui le dit, mais la rédaction de la célèbre émission « allodocteurs ».
Une fièvre prolongée, s’accompagnant d’une dégradation de l’état général doit toujours être vue par un médecin qui tentera, alors, d’en expliquer la ou les causes.
Le meilleur moyen reste de maîtriser la fièvre tant dans son intensité que dans sa durée, tout en tentant de la respecter. Les dérivés de l’aspirine et de l’ibuprofène sont contre-indiqués chez les enfants de moins de trois mois, mais il existe de nombreuses autres solutions.
Mes petites astuces en cas de fièvre
Je vais vous confier quelques moyens simples de maîtriser une fièvre réactionnelle tout en ne ralentissant pas ses effets « curateurs ».
Observez vos animaux de compagnie : ils s’isolent s’allongent sur l’herbe dans un endroit aéré et à l’ombre et ne mangent pas ou très peu ou seulement certaines plantes.
Faite de même avec vos enfants : ne les gavez pas, déshabillez-les et évitez toutes ces mesures « barbares » que l’on trouve dans les livres comme les bains tièdes ou froids de toutes sortes. Tout au plus, une compresse humide sur le front et la nuque feront l’affaire.
S’ils ont envie de fruits ou de jus naturels de fruits riches en vitamine C, ne les privez pas.
Surtout hydratez les au maximum… avec de l’eau.
Quand j’étais jeune généraliste, je conseillais souvent des petites ampoules perlinguales de cuivre, que l’on laisse sous la langue. Elles ont à la fois un effet antiviral direct et antipyrétique.
Les remèdes homéopathiques sont nombreux comme « Pyrogenium » mais aussi d’autres qui sont proposés en fonction des modalités de chacun : Belladonna en cas de transpiration et de peau chaude et rouge, Aconit en cas d’absence de transpiration et de fièvre brutale avec frissons, Gelsemium en cas de fièvre d’installation lente avec vertiges, Arsenicum Album en cas de diarrhée fétide et d’agitation anxieuse, non calmée par le mouvement, Eupatorium Perfoliatum en cas de fièvre avec courbatures, frissons avec vomissements, Chamomilla en cas de poussées dentaires (en particulier chez l’enfant), Rhus tox en cas de fièvre avec douleurs articulaires calmées par le mouvement…
Tous ces remèdes sont la plupart du temps prescrits en granules à mettre sous la langue trois à quatre fois par jour et en dilutions 4 ou 5CH. On les trouve dans pratiquement toutes les pharmacies et, pour beaucoup d’entre eux, ce sont aussi des remèdes de la grippe.
L’alimentation anti-inflammatoire
En cas de fièvre chronique et inexpliquée, essayez de supprimer ou diminuer la consommation d’aliments pro-inflammatoires, comme la viande, le fromage, les aliments raffinés, préparés industriellement et les graisses dites « trans ».
Rapprochez-vous d’un régime dit crétois ou méditerranéen avec plus de légumes verts, de petits poissons gras (sardine, anchois, maquereaux…) et d’huiles riches en oméga3 comme les huiles de colza et de lin.
Vous pouvez aussi entreprendre des examens biologiques spécifiques à la recherche d’infections anciennes comme les infections à EBV (Ebstein Barr Virus), dite, en phase aigüe, « mononucléose infectieuse » ou à CMV (Cyto megalo virus) qui peuvent altérer votre qualité de vie physique et engendrer des fatigues inexpliquées, et même des risques vasculaires.
D’autres examens comme les sérologies (borrelioses, chlamydiae, mycoplasmes, toxoplasmoses…), les typages lymphocytaires, les bilans protéomiques classiques ou ceux du CEIA peuvent révéler une sollicitation anormale de notre système immunitaire qui devrait conduire à des explorations spécifiques. Mais comme je l’ai dit plus haut, la réponse n’est pas toujours ni simple ni évidente. Certaines de ces méthodes sont discutables et discutées et dans tous les cas le rôle du médecin, de ses qualités de clinicien, de sa qualité d’écoute du patient, du dialogue singulier qui en sera la conséquence et…d’un peu de chance, seront fondamentales et incontournables.
J’espère que ces quelques lignes vous auront fait entrevoir que la santé reste toujours un fragile équilibre toujours en mouvement, que fièvre n’implique pas obligatoirement maladie, et qu’il faut savoir, cependant, la prendre en compte tout en ne l’assommant pas systématiquement, du fait d’angoisses souvent légitimes avec des médications non appropriées.
Comme Maître Tsuda dont nous parlions au début de ce texte, observons-la, libérons-la, respectons-la, surveillons-la et surtout aidons notre interlocuteur à libérer et à faire croître son « Ki », son énergie pour trouver un équilibre meilleur et plus profitable à sa santé et à sa croissance.
Je vous remercie de votre attentive lecture, et surveillez bien votre boîte aux lettres !
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