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Vous vous retournez dans votre lit pour la vingtième fois, cette nuit, et vous vous entendez répéter : « Oh, je suis vraiment horrible »… « Pourquoi ça arrive toujours à moi ? »… « Pourquoi suis-je un raté ? »…

Et ce carrousel infernal continue à tourner, de plus en plus vite, dans votre tête.

Vous êtes à nouveau en compagnie de ce terroriste qui s’est installé dans votre cerveau.

Dans les cas les plus graves, ce terroriste restera actif aussi toute la journée.

Il sera toujours avec vous, sauf peut-être dans les rares moments d’oubli que vous provoquerez :

  • en vous « défonçant » dans un sport ultra-intensif et exigeant toute votre attention (squash, triathlon, escalade…) ;
  • en vous noyant dans votre travail (phénomène proche de l’addiction que les Anglo-Saxons appellent « workaholism », dérivé de work/« travail » et d’« alcoolisme ») ;
  • en vous assourdissant de musique (en discothèque ou non) ;
  • en cherchant « l’évasion » par d’autres moyens plus ou moins légaux (jeux vidéo, jeux d’argent, médicaments, drogues…).

C’est ce qu’on appelle les « pensées envahissantes » ou la rumination.

« Pensées envahissantes »

Selon le psychiatre Christophe André :

« Ruminer, c’est se focaliser, de manière répétée, circulaire, stérile, sur les causes, les significations et les conséquences de nos problèmes, de notre situation, de notre état.Quand on rumine, on croit réfléchir, mais on ne fait que s’embourber et s’abîmer. La rumination amplifie nos problèmes et nos souffrances, réduit notre espace mental disponible pour tout le reste de notre vie (notamment pour les bonnes choses et les instants heureux). Et surtout, elle met en place de mauvais réflexes et de mauvaises habitudes : face à des difficultés, les ressasser, au lieu de les résoudre (même imparfaitement) ou de les tolérer en continuant malgré tout à vivre [1]. »

Comment notre cerveau fabrique des pensées

La majorité de nos pensées défile dans notre champ de conscience sans que nous les ayons choisies.

Nous pouvons les orienter, mais cela demande un effort. Le plus souvent, nous laissons nos pensées se produire spontanément, sans chercher à les contrôler.

Ce phénomène est positif.

C’est lui qui nous permet d’avoir des idées neuves et parfois fécondes. Vous êtes au volant de votre voiture, vos pensées vagabondent et, soudain, une idée géniale survient, pratiquement de nulle part !

Malheureusement, ce même phénomène peut aussi provoquer des idées « inutiles, absurdes, détestables », selon Jacques Van Rillaer, professeur émérite de psychologie à l’université de Louvain [2].

Les pensées automatiques, explique-t-il, peuvent ainsi causer de profondes souffrances.

Parmi les pires, on trouve :

  • les souvenirs pénibles, involontaires, répétitifs et envahissants, qui font suite à un traumatisme ;
  • les inquiétudes excessives qui caractérisent le « trouble anxieux généralisé ».

« Ces inquiétudes sont deux fois plus fréquentes chez les femmes [3]. Elles s’accompagnent d’une suractivation du système nerveux orthosympathique et de tensions musculaires », explique le Pr Van Rillaer.

Ces angoisses concernent en général le travail (ou l’école, pour les plus jeunes) ou bien l’apparence physique, avec la crainte d’être désapprouvé, rejeté, et la peur de la solitude.

Ce sont des pensées abstraites, décontextualisées (« Pourquoi suis-je si moche, si nul… ? »), qui donc ne débouchent sur aucune possibilité d’action.

La principale cause d’insomnie

Ces inquiétudes envahissantes sont la principale cause d’insomnie.

Un cercle vicieux se met en place : dans un premier temps, la personne ne parvient pas à s’endormir parce que ses pensées négatives la stressent.

Mais dans un second temps, elle est aussi gagnée par la peur de ne pouvoir s’endormir comme elle le voudrait, ce qui ajoute à ses angoisses, et donc à ses tensions, et donc à ses difficultés à s’endormir [4].

Des peurs auto-réalisatrices

De même, les craintes d’être rejeté et d’être mal aimé sont malheureusement auto-réalisatrices : les personnes qui ruminent des pensées négatives ont tendance à exprimer leur vision négative d’elles-mêmes et du monde à haute voix. Cela finit par agacer leur entourage, qui s’éloigne.

Elles se retrouvent alors vraiment seules, ce qui leur donne l’illusion d’avoir eu raison d’avoir ces pensées négatives !

Les solutions naturelles

Pour traiter les ruminations, la première solution consiste à agir sur les causes externes. Si la personne souffre à cause d’un conflit au travail ou dans son couple bien réel, il est essentiel de s’attaquer à ce problème. Prendre des médicaments dans ce type de situation serait pire que tout, mais les solutions naturelles (plantes, thérapie comportementale…) ne marchent pas non plus.

Même chose si les ruminations sont provoquées par un état de santé dégradé, des douleurs, autrement dit une maladie (physique), ou encore un trouble obsessionnel compulsif : il faut alors, bien sûr, traiter la maladie en tant que telle, avec les médicaments spécifiques.

Cela étant dit, dans le cas des ruminations envahissantes qui persistent une fois le problème sous-jacent réglé, des techniques efficaces existent.

  • Prendre conscience du caractère néfaste du ressassement

Les personnes qui ruminent des pensées négatives sur leurs problèmes réels ou supposés, ont en général l’impression que ces pensées sont utiles. Elles ont l’impression d’avoir affaire à un vrai problème, qui réclame qu’elles y réfléchissent, notamment pour y trouver une solution. Il est alors crucial de les convaincre que les ruminations interminables sont, au contraire, nuisibles et inutiles. Qu’elles n’aient plus l’illusion qu’elles font quelque chose d’utile quand elles ruminent.

Une fois cette conviction acquise, elles vont pouvoir agir pour s’en débarrasser.

  • La rumination contrôlée

La première mesure à essayer est la « rumination contrôlée ».

Prévoir chaque jour 30 minutes consacrées à ruminer ses mauvaises pensées. C’est un système efficace mis au point il y a déjà plus de trente ans par le psychologue américain Thomas D. Borkovec [5]. Pendant 30 minutes, donc, la personne s’oblige à ruminer et à écrire ses mauvaises pensées, les plus pénibles, uniquement elles et sans interruption, toujours au même endroit et à la même heure.

La séance est aussi l’occasion de réfléchir à des solutions concrètes à ses problèmes ou à essayer de les envisager d’une façon qui les rende acceptables.

Une fois la séance terminée, toute irruption de mauvaises pensées doit être combattue. On crie « Stop ! », mais on ne les supprime pas. On les repousse simplement à la prochaine séance, tout comme la réflexion sur les solutions.

Il faut alors se concentrer sur son environnement réel.

Par exemple, en cas de sentiment d’échec professionnel : « Suis-je, en ce moment même, en train de rater quelque chose, ou puis-je malgré tout apprendre, me perfectionner, réussir même un tout petit défi ? »

Ou au sujet du physique : « Y a-t-il, en ce moment, manifestement quelqu’un qui est en train de regarder mon défaut physique et d’y accorder une grande importance ? Ou ce défaut est-il surtout gênant parce que moi-même, je me rends désagréable en renonçant à aller vers les autres, à sourire, à être avenant à cause de ce problème ? »

Des exercices de respiration et de relaxation peuvent alors aider.

Il importe que ces séances n’aient pas lieu dans son lit ni en soirée pour éviter les pensées négatives juste avant l’endormissement.

La méditation en pleine conscience

Il s’agit d’une séance de méditation où, comme les bouddhistes, on observe ses pensées comme si elles nous étaient extérieures.

« Voici le grand défilé de mes pensées, elles sont produites par mon cerveau, mais elles ne sont pas moi. »

On les regarde pendant 10 à 20 minutes comme un nuage dans le ciel, installé confortablement, les yeux fermés.

Cette technique a fait l’objet de recherches, livres et articles innombrables, je ne m’attarderai pas dessus, mais elle est très efficace contre les ruminations [6].

À noter que cette technique est aussi bénéfique contre de nombreux autres problèmes de santé (notamment les douleurs).

Agir

Un des moyens les plus sûrs contre les ruminations est de se décider à les empêcher de bloquer nos actions.

C’est ce que les psychologues appellent « l’activation comportementale ».

Vous refusez d’obéir aux ordres du terroriste qui est dans votre tête.

Les psychologues parlent de « la métaphore du chauffeur de bus scolaire ».

Le chauffeur sait où il veut aller. Dans son dos, des enfants crient : « Arrête », « Va à gauche » … Ils chantent :

« Chauffeur, si t’es champion, appuie… heu, appuie… heu, chauffeur, si t’es champion, appuie sur le champignon ! »

Les cris perturbent le chauffeur. Mais il avance sans obéir aux injonctions des garnements. Il ne cherche pas à les débarquer. Il essaie de garder son cap, envers et contre tout.

Le principe est de vous forcer à agir en faisant tout votre possible pour ignorer votre « terroriste ». C’est la meilleure façon de faire en sorte de l’arrêter. Ne plus vous intéresser à lui. Attendre que, spontanément, il se décourage.

Je sais que ce n’est pas facile. Mais je pense bien à vous, si vous souffrez de ce problème pénible. N’hésitez pas à m’écrire ou à partager vos réflexions, vos trucs et vos progrès. J’en ferai profiter tous les lecteurs de Santé Nature Innovation (dans le respect de l’anonymat, bien sûr).



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