Bonheur
Nous vivons dans une société obsédée par le bonheur. Nous sommes bombardés toute la journée de visages souriants sur les publicités, les écrans, et quand nous allumons la télévision ou la radio, les animateurs ne cessent d’éclater de rire.
Pire, nous voyons nos propres amis sur les réseaux sociaux poster un flux continu de photos sur leur vie invraisemblablement heureuse ; et bien sûr, la plupart des gens ne partagent jamais leurs pensées et sentiments authentiques.
Tout le monde veut être heureux mais le fait est que la plupart d’entre nous ne savons pas exactement ce que veut dire être heureux, pour nous-même.
Quand j’étais jeune, je pensais qu’il “suffirait” d’avoir le bon métier, le bon diplôme, la bonne voiture, la bonne épouse, les bons enfants, la bonne santé, pour être “heureux”. J’ai donc consacré une folle énergie pour obtenir tout ça. Pour moi, le bonheur, c’était comme atteindre le sommet d’une montagne :
Tout ce que j’avais à faire, c’était de travailler vraiment dur, atteindre tous mes objectifs, et je serais heureux.
Et c’est exactement ce que j’ai fait. J’ai travaillé vraiment beaucoup, j’ai escaladé la montagne. Mais arrivé au sommet, je n’ai pas trouvé ce que je cherchais :
Ce que j’ai trouvé en haut de la montagne, c’était la déception. J’avais travaillé si dur, j’avais atteint, et plus qu’atteint, mes objectifs, et pourtant je n’étais toujours pas heureux.
En fait, j’étais même… encore plus malheureux.
J’en ai alors déduit que je m’étais trompé de montagne. J’ai décidé de partir chercher le bonheur ailleurs, dans un autre métier, d’autres activités et auprès d’autres personnes :
C’est ce que font la plupart des gens, malheureusement. “Si seulement j’avais ________ , alors je serais heureux.” (remplir l’espace vide)
Mais vous vous doutez déjà de la suite. La suite évidemment, c’est que le bonheur n’était pas non plus en haut de cette autre montagne.
C’est alors que j’ai connu : la crise !
La crise, c’est une période qui peut durer, selon les personnes, de quelques mois à quelques années, voire quelques dizaines d’années.
C’est la période où vous passez successivement par des états de désespoir, d’abattement, de résignation, de colère, de frustration… et ça recommence.
En fait, vous êtes comme un fauve enfermé dans une cage et qui tourne en rond des milliers de fois à la recherche d’une petite porte pour sortir, et qui ne la trouve jamais (alors qu’elle est bel et bien là).
A ce stade, il y a deux catégories de personnes : celles qui trouvent la porte, et celles qui ne la trouvent pas.
Les personnes qui trouvent la porte, et celles qui ne la trouvent pas
Ce phénomène est d’ailleurs très curieux. Ce n’est pas que la porte soit si difficile à voir. Elle est là, elle est expliquée dans des milliers de livres, de sites, de magazines, et des centaines de milliers de psychothérapeutes, coachs, sages, messies, gourous, vivent en enseignant cela aux gens.
Mais c’est comme si de nombreuses personnes (la plupart malheureusement) étaient en quelque sorte sourdes aux explications, et sélectivement aveugles : elles ont beau avoir une excellente vue, vous avez beau leur montrer la porte, elles ne la voient pas. Vous avez beau leur hurler les indications pour la trouver, elles ne l’entendent pas.
C’est sans doute de là que vient le proverbe : “Il n’y pas plus sourd que celui qui ne veut pas entendre, ni plus aveugle que celui qui ne veut pas voir”.
Or, voici comment se résument toutes les sagesses du monde qui touchent au bonheur, qu’elles soient d’origine religieuse, philosophique, scientifique :
Deux sortes de bonheur
C’est qu’il y a en fait deux sortes de bonheur, qui n’ont rien à voir l’un avec l’autre :
1.Le bonheur en tant qu’émotion
Vous éprouvez une émotion positive, comme de la joie, du plaisir, de l’excitation, de l’euphorie.
Nous sommes bien habitués à cela : un bon repas, une folle nuit d’amour, une nouvelle tenue à la mode, un plongeon dans l’océan, une fête à tout casser, un voyage dans une destination de rêve, un massage à l’huile chaude, des jeux avec des enfants, un chien ou un chat faisant des câlins. C’est ce qu’on nous met constamment dans les publicités, et ce à quoi nous pensons quand nous voyons des amis qui rient sur Facebook.
2. Le bonheur en tant qu’attitude face à la vie
Il s’agit d’un tout autre type de bonheur, n’ayant en fait rien à voir avec les événements particuliers qui nous arrivent, ce que nous possédons, ou non, ce que les autres pensent de nous, ou non.
C’est la porte qui est cachée. Pour la trouver, et l’ouvrir, cela nécessite un processus délibéré, conscient, volontaire, soutenu généralement sur une longue période, pour aller à la découverte de soi-même et cultiver la bonne attitude vis-à-vis de l’existence, et ce en dépit de toutes les émotions négatives et malheurs qui peuvent nous arriver.
Car la cruelle vérité est là.
Il existe une loi que les psychologues appellent “l’adaptation hédonique”. C’est l’idée que quelle que soit la chose qui produit en vous une émotion positive, et aussi forte que soit cette émotion, elle finit par s’émousser avec le temps. Cela vaut autant pour les promotions professionnelles que pour l’achat d’une nouvelle maison, la rencontre d’une nouvelle personne, un nouveau projet touristique, artistique ou sportif.
Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas profiter des plaisirs de la vie. Au contraire, il est très important de savoir célébrer, se réjouir, des belles choses qui nous arrivent. Mais c’est qu’il ne faut pas compter dessus pour être heureux.
La satisfaction dans la vie, c’est comme un gâteau que vous devez fabriquer vous-même
La satisfaction dans l’existence est un gâteau que vous devez fabriquer vous-même, avec vos propres ingrédients.
Mais il y a trois ingrédients de base que je recommanderais quand même à chacun de prévoir :
Ingrédient n°1 : le progrès
Vous devez identifier les domaines qui sont importants pour vous, dans lesquels vous avez des aptitudes et des aspirations naturelles.
Vous éprouverez du bonheur à progresser dans ces domaines et à atteindre un niveau de compétence reconnu, car l’homme est un animal social. Nous nous sentons plus heureux, plus sûrs de nous, plus à l’aise, lorsque nous sommes dans le haut de la pyramide de compétence.
Chez les animaux, il n’y a en général qu’une seule pyramide : le loup qui est le plus fort, le guépard qui court le plus vite. Chez l’homme, il existe une infinité de pyramides hiérarchiques et on peut créer celles que l’on veut.
Le mieux n’est pas d’être au sommet, car alors il n’y a plus de progrès à faire.
La position optimale se trouve quelque part dans le premier tiers : plus compétent que la plupart des participants, mais avec des modèles au-dessus de soi dont on peut s’inspirer pour s’améliorer.
C’est à ce moment là que l’on éprouve le plus de sentiments positifs : au moment où vous êtes en train de bouger dans le bon sens, lorsque vos efforts produisent des fruits.
Les neurologues considèrent même aujourd’hui que les émotions positives sont une information produite par notre cerveau, via la dopamine, la sérotonine et l’adrénaline, pour nous indiquer que nous sommes en train de faire quelque chose de bon pour nous, nous récompenser, et ainsi nous motiver pour continuer.
Si nous en faisons trop, au point de nous nuire à nous-même, se mettent en route les émotions négatives qui provoquent une souffrance et nous incitent à arrêter.
Les émotions sont donc une système de régulation de notre comportement.
Ingrédient n°2 : la gratitude
“Si tu n’es pas reconnaissant pour ce que tu as, tu ne seras jamais heureux”, m’a dit un jour ma grand-mère, excédée par mon comportement.
Jusque là, j’avais toujours considéré la gratitude comme un truc pour les personnes qui aiment s’aveugler, ou pire, pour les faibles qui devaient se contenter de ce qu’ils avaient car incapables d’obtenir ce qu’ils voulaient.
Je pensais que les personnes intelligentes n’avaient pas besoin de gratitude : elles avaient besoin de faire des efforts pour réaliser leurs rêves.
En réalité, tout le monde a besoin de gratitude.
Lorsque vous éprouvez de la gratitude, c’est comme si vous pouviez soudain voir les choses qui étaient jusque là invisibles pour vous.
Il est facile d’être ingrat. Prenez la vie. Combien vaut, pour vous le fait d’être en vie ? Combien vaut, pour vous, votre état actuel de santé ? Si l’homme le plus riche du monde vous proposait de vous acheter un bras, à quel prix le fixeriez-vous ? Qu’en est-il de la vue, ou de votre odorat ?
J’ai posé ces questions à de nombreuses personnes et la réponse va, en général, de plusieurs millions à “aucune somme d’argent ne peut valoir ça”. Et pourtant, il est si facile de prendre pour acquis ce qui est juste devant notre nez.
Nous nous lamentons d’avoir raté une promotion, une compétition, ou perdu de l’argent, ou perdu un amour, alors que nous avons de multiples choses qui valent infiniment plus que tout ce que nous pouvons perdre ou gagner.
Ingrédient n°3 : être présent
L’homme est redoutablement fort pour peupler son esprit d’espoirs, de craintes, d’angoisses, de fantasmes, au point de ne plus rien remarquer de ce qui se passe de réel autour de lui, et même dans sa propre vie.
Il y a 2500 ans, Bouddha a appelé ce phénomène : l’esprit de singe. Il avait observé que l’esprit humain est peuplé de singes ivres, sautant partout, criant, gesticulant, et rivalisant pour attirer votre attention. Il suffit de s’asseoir en silence quelques secondes pour les entendre.
Cela ne veut pas dire qu’il faut s’interdire de penser : se souvenir du passé nous donne des occasions innombrables d’apprendre et nous améliorer, tandis que réfléchir à l’avenir nous permet de prendre de meilleures décisions. C’est bien la taille exceptionnelle du cerveau humain qui explique que nous soyons vivants aujourd’hui.
Néanmoins, on estime que chaque personne a environ 25 000 pensées par jour. La plupart d’entre elles se répètent à l’infini, de façon circulaire, obsessionnelle, sans aucun progrès. Ce sont des souvenir mal digérés, des traumatismes qui ressurgissent constamment, ou encore des anxiétés sur l’avenir qui sont toujours les mêmes.
C’est la présence même de ces pensées qui explique notre tendance à refaire, éternellement, les mêmes erreurs.
Il est capital de vous débarrasser d’un maximum de ces singes ivres qui parasitent votre cerveau. Un travail systématique doit être fait pour les identifier, comprendre leur origine, ce qu’ils veulent, ce dont ils ont besoin pour se taire, enfin. Si une pensée douloureuse revient vous visiter depuis plus de dix-huit mois, recherchez l’aide d’un psychothérapeute professionnel pour vous aider à la digérer et la classer. En effet, cela veut dire que votre cerveau a un problème qui le préoccupe, qu’il cherche une solution, et il ne parvient pas à trouver la réponse seul. C’est pourquoi il passe son temps à vous le re-proposer, encore et encore. Offrez lui l’assistance d’un autre cerveau (celui du professionnel) pour tirer l’enseignement nécessaire, et passer à autre chose.
Plus vous résolvez vos problèmes, plus votre espace cérébral se libère. Votre “bande passante” augmente et vous pouvez vous concentrer sur les problèmes que vous avez choisi librement, de traiter. Ces problèmes peuvent être dans votre vie, ou dans la vie de votre entourage, ce qui souvent, au bout du compte, revient au même car nous vivons en communautés.
N’oubliez pas de partager votre gâteau !
Au bout du compte, chacun de nous est responsable de son propre gâteau, et je suis sûr que chaque lecteur de Santé Nature Innovation a de nombreux ingrédients à lui, et à recommander aux autres.
Toutefois, quel que soit le gâteau que l’on décide de faire, n’oublions pas de le partager avec les autres.
“Des milliers de bougies peuvent être allumées avec une seule bougie, et la vie de cette bougie n’en sera pas raccourcie. Le bonheur ne diminue jamais en étant partagé”, disait Bouddha.
A votre santé !
Jean-Marc Dupuis
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