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Peut-on trouver du positif dans les épreuves de la vie, comme le cancer ?

« Aimer son cancer » : la phrase la plus osée jamais formulée.

Je l’ai lue il y a des années, sous la plume d’Alexandre Imbert, un collègue dont je n’ai plus de nouvelles.

Sur le coup, ça m’a paru absurde.

  • Avait-il déjà été dans un service de cancérologie ? Examiné des patients en phase terminale, avec des métastases ??
  • Connaissait-il les effets abominables du cancer des os, par exemple, quand les tumeurs de l’os gonflent et font éclater les chairs, ce qui se produit parfois chez des enfants (l’ostéosarcome est une de ces horreurs qui peuvent frapper même les jeunes).

« Aimer son cancer » ?! Autant affirmer qu’on aime le pire ennemi de l’humanité !

Et puis le temps a passé.

J’ai continué mon chemin. Je repensais de loin en loin à cette expression « scandaleuse », jusqu’au jour où cela m’est apparu comme une évidence :

« Alexandre avait raison ! »

En un certain sens, il est possible d’aimer son cancer

Il paraît difficile ou impossible d’aimer son cancer quand il s’agit d’un cancer foudroyant, type poumon ou pancréas, qui vous emporte en quelques semaines.

Dans ce cas, le jour du diagnostic, il n’est plus temps de « philosopher » mais de se préparer à faire ses adieux.

Toutefois aujourd’hui, beaucoup de cancers, y compris au poumon et au pancréas, ne sont plus synonymes de décès immédiat.

Beaucoup de personnes vivent des années avec la maladie, qui leur impose de pénibles traitements, ainsi que d’angoissants rendez-vous où l’on se demande à chaque fois quelle mauvaise nouvelle on va apprendre.

On entre dans une nouvelle vie, où notre échelle de valeurs est bouleversée. Nouveau rythme, nouvelles activités, nouveaux amis, nouvelle vision du monde.

Et c’est là que le cancer peut jouer un rôle transformationnel, dans le bon sens. Et qu’ainsi on peut aboutir à cette « folie » apparente d’aimer son cancer.

Dr David Servan-Schreiber et son cancer

Je vous ai raconté plusieurs fois l’histoire du Dr David Servan-Schreiber et de son cancer, mais je me permets d’y revenir encore une fois. Elle est si belle.

Ce garçon était né, chance ou malchance, dans une famille bourrée de gens brillants, écrivains, philosophes, entrepreneurs, artistes…

Résultat : une intense pression sur ses épaules depuis son plus jeune âge. « David, tu dois réussir », à tout prix, comme tous les membres de la famille.

Et de fait, David enchaînait les études brillantes, diplômes, une carrière de chercheur en psychiatrie à l’Université de Pittsburgh aux Etats-Unis, le tout avec un stress maximum et l’impression permanente que ses exploits étaient « normaux » pour sa famille.

Si bien que le jour où il découvrit qu’il avait une tumeur au cerveau, il raconte avoir été soulagé. Enfin il avait une bonne excuse, vis-à-vis de lui-même comme des autres, pour quitter cette course sans fin au succès, qu’il suivait principalement par peur de décevoir son père et ses oncles !

Et c’est là que tout bascule :

En cessant de vivre pour satisfaire les attentes de sa famille, ou ce qu’il croyait être leurs attentes, enfin David fit ce qui lui plaisait vraiment.

Il se mit à explorer les thérapies alternatives du cancer, les liens mystérieux entre le corps et l’esprit, les phénomènes d’auto-guérison. Il survécut 20 ans avec un cancer qui aurait dû le tuer en quelques mois, selon les médecins. Il laissa derrière lui plusieurs livres merveilleux, ainsi que de nombreuses chroniques qui ont changé la vie de millions de patients.

Ironie du destin, c’est cette œuvre-là qui lui a assuré la célébrité et la reconnaissance tant valorisées dans sa famille. Il ne les aurait sans doute jamais acquises s’il était resté dans sa voie de chercheur, donc s’il n’avait jamais eu de cancer !

David avait réussi le prodige de transformer un ennemi en ami. Une maladie capable de le tuer en occasion de vivre sa vraie vie, enfin.

Faire un pas en arrière face aux drames de la vie

L’écrivain russe Alexandre Soljenitsyne, qui avait survécu à l’enfer des camps, disait :

« Aujourd’hui, je ne me réjouis plus des bonnes nouvelles, et je ne m’inquiète plus des mauvaises nouvelles ; j’attends de voir. »

Il avait constaté, au cours des terribles épreuves qu’il avait endurées, que la vie était trop compliquée pour qu’on puisse jamais connaître à l’avance les conséquences d’un événement, aussi bon ou mauvais qu’il puisse paraître a priori.

Ainsi, par exemple, cet homme tout heureux de recevoir une nouvelle voiture. Il part l’essayer sur les petites routes… et termine paralysé dans un accident.

Ainsi cet étudiant ravi d’avoir réussi son diplôme d’expert-comptable… qui l’orientera vers une carrière morne ne correspondant, en fait, pas du tout à son caractère.

Ou encore cette personne qui, à force de succès et de talents, se retrouve tellement populaire, admirée de tous, qu’elle doit accepter de hautes responsabilités… qui l’empêchent absolument de se consacrer à sa famille et à ses passions, et finissent par l’empêcher de vivre la vie qu’elle voulait vraiment.

Mais les choses fonctionnent aussi dans l’autre sens, du mal vers le bien. Ainsi par exemple :

  • cet homme qui se fait abîmer sa carrosserie par une jeune conductrice maladroite… et qui tombera amoureux d’elle, et l’épousera pour fonder une famille qui les rendra heureux toute leur vie (un nombre incroyable de relations se nouent à l’occasion d’un constat d’accident de la circulation !) ;
  • cet homme qui se fait licencier de son entreprise, ce qui l’oblige à recommencer une carrière dans un nouveau domaine, où il connaît enfin l’épanouissement ;
  • ce jeune qui se fait quitter par sa petite amie, qui en retrouve une qu’il aimera dix fois plus que la précédente.

Nous ne sommes jamais les simples jouets du destin.

Un événement se produit dans notre vie, bon ou mauvais, mais nous avons toujours à un moment ou l’autre la possibilité d’en faire quelque chose de positif (ou de négatif).

Fakirs, chamanes, sorciers…

Fakirs, chamanes et sorciers vaudous recherchaient des occasions de souffrir, en marchant sur des charbons ardents par exemple, dans le but de découvrir en eux-mêmes des forces inconnues.

Les épreuves peuvent nous permettre d’éclore, faire tomber la carapace qui nous protégeait, mais qui, aussi, limitait nos mouvements. Elles peuvent augmenter notre potentiel, ou encore « faire mourir le vieil homme » qui est en nous, pour découvrir des forces nouvelles qui nous rendent plus aptes à vivre notre vie, et à affronter d’autres épreuves, plus difficiles.

C’est ainsi qu’on peut même avoir l’impression d’entrer dans une vie nouvelle, meilleure, après de très grandes épreuves qui ont failli nous faire mourir, nous réduire en cendre. C’est l’image du phénix dont je parlais récemment.

C’est en ce sens que l’on peut « aimer son ennemi ». J’aime mon ennemi parce qu’il m’oblige à quitter la maison confortable que j’habitais, mais où je ne progressais plus. Il m’oblige à partir découvrir des zones du monde que je n’avais pas le courage d’aller explorer, mais où pourtant de belles rencontres et découvertes m’attendaient. Il me fait mal mais, du coup, m’ouvre les yeux sur le mal que subissent les autres, et le réconfort que je peux leur apporter. Il me force à donner le meilleur de moi-même. Sans lui, je serais resté dans une médiocrité confortable mais ma vie n’aurait pas été aussi riche.

Aimer votre cancer ne guérira pas votre cancer

Attention, bien sûr : aimer son cancer n’est pas un moyen de guérison.

On lit parfois ce conseil d’aimer son cancer comme on aime un petit bébé. Penser à « ce petit crabe » avec tendresse, en prendre soin, se forcer à éprouver toutes sortes de sentiments positifs. On espère ainsi aider la maladie à disparaître, en s’appuyant sur les « pouvoirs d’auto-guérison » et les liens « corps-esprit ».

Pour ma part, je ne suis pas très à l’aise avec cette idée, même si j’ai des amis qui y croient, et que je respecte (peut-être un jour changerai-je d’avis, on ne sait jamais).

Même si les émotions ont un impact sur le corps, il me semble un peu optimiste d’espérer contrer ainsi une tumeur qui est provoquée par de multiples facteurs dont, possiblement, des radiations, des mutations ADN, des problèmes immunitaires complexes.

En revanche, je suis devenu grand « fan » du travail psychologique sur le cancer, où les gens cherchent un sens à leur maladie. Je ne pense pas que cela risque de les « culpabiliser » et de les pousser à renoncer à des traitements médicaux nécessaires. C’est notre plus grande chance, en tant qu’êtres humains, de pouvoir profiter de chaque événement de notre vie, aussi négatif qu’ils soient (et quoi de plus négatif qu’un cancer ?) pour le transformer en occasion de progresser, sur certains points.

C’est en tout cas ainsi que je comprends l’expression un peu folle : « aimer son cancer ».

À votre santé !

Jean-Marc Dupuis

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