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Un regard positif sur la dépression

Les êtres humains, parfois, perdent leur joie de vivre, leur énergie, leur enthousiasme.

Ils cessent de se lever le matin, de se laver, de manger, de dormir, d’accomplir leurs devoirs et de prendre part aux activités sociales habituelles.

Plus rien ne les amuse, ne les fait sourire, pas même leurs activités et personnes favorites.

Les yeux dans le vide, les traits tirés, c’est comme s’ils étaient morts intérieurement.

Ils n’ont même plus peur de souffrir, de mourir. On a l’impression qu’un camion pourrait les menacer de les écraser qu’ils ne se sauveraient même pas pour lui échapper.

La situation est terrible pour eux. Ils ne salivent plus devant leur plat préféré, ils ne ressentent rien en écoutant les chansons qui, autrefois, les faisaient danser. Ils ne se réjouissent même plus quand on leur dit : « Je t’aime. »

Comme si un voile gris avait tout recouvert

Pour eux, c’est comme si un voile gris avait tout recouvert. Pour leur entourage, c’est un supplice de les voir ainsi, abattus, indifférents aux encouragements, aux paroles de réconfort, mais aussi aux menaces, aux pleurs, aux supplications.

Nulle surprise donc que les médecins aient autrefois tout essayé pour « guérir » ces malades, jusqu’à les mettre dans une cage qu’on descendait dans l’eau avec une grue, pour simuler une noyade, ou la « thérapie » par électrochoc, dans l’espoir (illusoire) de remettre en route leur système nerveux.

Plus souvent, ils se résignaient en expliquant que le patient souffrait d’un excès de « bile noire » dans l’organisme, ce qu’on appelait la « mélancolie » (en grec, melanos = noire, cholia = bile).

Aujourd’hui, les critères de la dépression

Les hommes n’ont pas changé aujourd’hui sur ce plan.

Au contraire, ils tombent de plus en plus souvent en dépression : + 20 % de cas chez les adultes en France, entre 2010 et 2017 [1].

Mais la médecine, elle, est devenue plus précise pour diagnostiquer la dépression. Elle a mis au point un questionnaire pour ne pas confondre la « vraie » dépression avec un simple coup de blues ou une humeur à tendance morose.

Aujourd’hui, les psychiatres posent au patient les questions suivantes :

« Au cours des 2 dernières semaines,

1. Vous êtes-vous senti(e) abattu(e), déprimé(e) ou désespéré(e) toute la journée, presque tous les jours ?

2. Avez-vous perdu de l’intérêt ou du plaisir dans vos activités toute la journée, presque tous les jours ? »

Si la réponse est oui à une de ces deux questions, ils recourent à deux grilles d’analyse pour diagnostiquer la gravité de la dépression.

L’une vient du Manuel diagnostic des maladies mentales (DSM), l’autre de la Classification internationale des maladies (CIM).

Dans les deux cas, les symptômes doivent être présents depuis au moins deux semaines pour s’appliquer :

critères dépression

Toute personne normalement constituée passe par certains de ces états, à l’occasion d’épreuves de la vie :

  • annonce d’une maladie grave : cancer, diabète, maladie neurologique comme Parkinson, sclérose en plaques, séropositivité, problèmes cardiovasculaires ;
  • épreuves familiales et relationnelles : deuil, maladie d’un proche, divorce, abandon ;
  • autres défis : chômage, agression, accident, incendie du domicile, isolement…

Mais c’est le fait de souffrir simultanément et sur une longue période de signes multiples qui pousse au diagnostic d’une authentique « maladie ». C’est alors que le médecin peut envisager une prise en charge médicale par psychothérapie, par médicaments ou par hospitalisation.

Mais certaines personnes ne voient pas la dépression comme une maladie. Aujourd’hui, je voudrais vous parler de Roland Feuillas, le boulanger de Cucugnan, qui explique pourquoi la dépression est, selon lui, une chance.

Quand la dépression est une chance : le cas de Roland Feuillas

Roland Feuillas était ingénieur, et le dirigeant d’une entreprise informatique dans le sud de la France.

Les succès commerciaux et financiers s’enchaînaient, ses performances et celles de ses équipes s’accroissaient d’année en année.

Mais voilà qu’un jour, Roland est touché par un « burn-out ». Il perd le sommeil. Tout le fait souffrir.

Je cite des extraits du magnifique passage de son livre où il explique ce qu’a été pour lui la dépression [2] :

« Qu’est-ce que la dépression, pour moi ?

« Elle est ce moment où nous entrons en contact avec la réalité.

« La dépression est ce moment où le voile se déchire définitivement.

« Elle est cette faille par laquelle il nous est donné de voir la farce grotesque à laquelle nous avons assujetti notre existence.

« On parle de sombrer dans la dépression. Mais ne s’agit-il pas plutôt de prendre de la hauteur pour consulter les choses de plus haut, d’avoir un point de vue sur la réalité dans laquelle chacun est englué, d’activer une conscience globale ? »

Roland Feuillas explique que, pour lui, la dépression a été un moment de solitude, de souffrance, d’insomnie, mais aussi un moment riche qui lui a permis de trouver des solutions à des problèmes préoccupants :

« Le temps que vous passez à évaluer la faillite d’un système est un temps que vous ne pouvez pas consacrer à autre chose, ni à vivre ni à dormir. Je ne dors pas parce que je réfléchis. »

« Je me documente, je lis beaucoup, je réfléchis toutes les nuits, je ne dors pas parce que je cherche à me sortir de ce monde où je me suis enferré et qui n’est pas le mien. »

C’est à la suite de sa dépression qu’il décidera d’arrêter sa carrière de chef d’entreprise. Il renouera avec la vie en découvrant sa vocation, celle de faire du bon pain, du vrai pain, à partir d’espèces authentiques de blé moulu dans un moulin traditionnel, de l’eau pure, du sel, du levain et, bien sûr, un fournil à bois comme autrefois, dans le village de Cucugnan.

Je vous invite absolument à lire son livre, où il va beaucoup plus loin dans ses réflexions que les quelques citations extraites ci-dessus.

Mais je voudrais insister ici sur cette étrange façon qu’ont les dépressifs de se figer, qui inquiète tant l’entourage, mais qui est peut-être indispensable pour eux, pour leur donner le temps de réfléchir, comme l’explique si bien Roland Feuillas.

Dans ce cas, la dépression pourrait être vue comme un réflexe de survie, qu’il faudrait respecter.

Se figer, un réflexe de survie

Selon l’anthropologue Lynne Isbell, l’Homme aurait coévolué avec les serpents. Nos ancêtres primates partageaient en effet avec eux leur habitat principal, les arbres, et les serpents étaient nos principaux prédateurs.

Face à un serpent, il est inutile et dangereux de fuir. En effet, le primate est beaucoup plus lent que le serpent, d’autant qu’il le repère généralement trop tard à cause de son camouflage.

La meilleure stratégie de survie pour lui consiste alors à se figer, car le serpent détecte ses proies à leurs mouvements.

Ce réflexe serait resté imprimé au plus profond de notre système nerveux. Face à un danger, réel ou symbolique, nous nous pétrifions. On dit : « Cela m’a glacé le sang », ou encore : « Mon sang s’est transformé en plomb. » Ce réflexe archaïque pourrait aussi être à l’origine du mythe de Méduse, cette femme à la chevelure faite de serpents, qui avait le pouvoir de pétrifier tout mortel qui croisait son regard.

Cette réaction se produit face aux grands dangers et, en particulier, lorsque nous perdons nos repères, que notre environnement est violemment ébranlé, que nous avons l’impression que le monde s’écroule autour de nous.

Nous nous figeons. Nous ne pouvons nous remettre à bouger, à agir, que lorsque nous avons retrouvé nos repères, ce qui nécessite de réfléchir très intensément. Il faut observer le monde autour de nous, le comprendre, lui donner un nouveau sens : une tâche énorme pour notre cerveau si tout est bouleversé (suite au décès d’un proche, à un licenciement, à l’incendie de notre maison ou à tout autre catastrophe).

La dépression, qui nous couche de force dans notre lit, nous empêche de dormir et nous force à « ruminer » des pensées nuit et jour, pourrait donc bien être un « programme de survie » sur mesure qui se met en route pour nous aider à traverser les moments difficiles.

À nos petits-enfants, nous recommandons de ne surtout pas bouger lorsqu’ils sont perdus : « Si tu te perds, reste où tu es. Papa viendra te chercher. » Le danger le plus grand est que l’enfant panique et se mette à partir en courant dans tous les sens. C’est alors qu’il sera le plus difficile à retrouver.

De même pour nous : si notre corps nous dicte de ne plus bouger, il peut être sage de l’écouter, et imprudent de prendre des médicaments ou de suivre une thérapie pour nous pousser à bouger alors que nous ne savons ni où nous sommes, ni où nous devons aller.

En lisant le livre de Roland Feuillas, j’ai vraiment pensé que sa vie était une illustration magnifique de cela. Roland s’est donné la peine, et le temps, de réfléchir, et le moins qu’on puisse dire est qu’il a retrouvé son chemin. Et quel beau chemin !

Grâce à lui, les ailes du moulin de Cucugnan tournent à nouveau, et du fournil sort du bon pain chaud, croustillant, nourrissant, tant pour le corps… que pour l’esprit.

 

À votre santé !

Jean-Marc Dupuis

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