Pendant des milliers d’années, la médecine a fait pire que mieux : les traitements empiraient le sort des malades. C’était la médecine de Molière.
Ainsi les sangsues, les lavements, l’huile bouillante dans les blessures d’arquebuse, les vomitifs, les purgatifs, les mixtures des sorcières et magiciens à base de chair de vipère, de corne de bouc, les traitements au mercure, à l’or ou au plomb des alchimistes, l’huile d’olive ou les vins dans les veines empoisonnaient les malades, les affaiblissaient.
C’était une catastrophe et j’invite toute personne qui en doute à lire des ouvrages sérieux d’histoire de la médecine [1].
Mais nous avons persisté.
En effet, l’être humain ressent naturellement un besoin puissant de « faire quelque chose » devant un de ses semblables blessés, ou malades.
Il se dit qu’il faut essayer quelque chose, y compris si c’est n’importe quoi. Et quand ça ne fonctionne pas, il se console en se disant qu’au moins, il aura « fait de son mieux ».
Ce n’est qu’il y a soixante ans à peine que les hommes ont commencé à tester rigoureusement l’efficacité des traitements médicaux, à grande échelle.
Cette œuvre ne fut pas le fait de médecins mais de mathématiciens, plus précisément de statisticiens.
Ils s’attelèrent à la tâche compliquée, lourde, coûteuse, pénible, de comparer des groupes de patients. Ce fut l’invention de l’essai randomisé contrôlé, et le grand architecte de cette révolution s’appelait Austin Bradford Hill.
Austin Bradford Hill a élaboré une liste de critères pour évaluer rigoureusement l’efficacité d’un traitement médical [2].
Je ne vais pas entrer dans le détail car un traité de statistiques n’y suffirait pas. Retenez simplement qu’il est compliqué, long et coûteux de faire une étude pour tester de manière fiable les effets d’un traitement.
De plus, quels que soient vos efforts, il y aura toujours un risque d’erreur : vous pensez avoir observé qu’un médicament est efficace mais il ne l’est pas. C’était une illusion d’optique, causée par le hasard. Le risque peut être réduit, il ne peut jamais être éliminé.
La situation se complique quand on sait que 80-90 % des études publiées sont biasées [3], [4].
Selon une célèbre étude de Stanford :
On peut invoquer toutes sortes de causes, comme l’avidité des laboratoires pharmaceutiques qui cherchent à vendre leurs produits coûte que coûte, la corruption des experts, l’incompétence des autorités…
Mais la cause principale est la suivante : faire des études cliniques randomisées contrôlées est extrêmement coûteux, compliqué, long. Peu de gens sont prêts à les financer ; peu de gens à y participer ; peu de gens ont les moyens et les capacités de les vérifier rigoureusement quand elles sont publiées.
Les études vraiment fiables sont donc trop peu nombreuses, faites sur un faible nombre de malades, et généralement financées par un organisme ayant un intérêt économique dans les résultats de l’étude. On peut le regretter, mais c’est ça ou rien.
La médecine conventionnelle n’est pas si « scientifique » que ça
Néanmoins, il est clair que la médecine conventionnelle, qui se présente comme « basée sur des preuves » (en anglais, « evidence based medicine »), est beaucoup moins scientifique qu’elle ne le prétend.
Prenons quelques exemples.
Il y a une substance dont j’étais convaincu qu’elle était efficace : la morphine, comme antidouleur.
J’avais d’autant plus confiance en la morphine que c’est la substance la plus ancienne utilisée en médecine. On la retrouve dans un grand nombre de civilisations, de l’Europe à la Chine en passant par l’Égypte, chez les Grecs, les Sumériens et les Indiens qui, tous, utilisaient le pavot (la plante dont est issue la morphine).
La morphine est un des premiers alcaloïdes à avoir été synthétisé, dès la fin du XVIIIe siècle, et nous avons donc un recul particulièrement grand pour juger de son efficacité.
J’étais donc certain qu’il s’agissait là d’une substance à utiliser sans arrière-pensée, même si on en connaît bien sûr les dangers et les effets indésirables.
Eh bien voilà que, patatras, une étude vient de sortir en juin 2016 indiquant, contre toute attente, que la morphine pourrait en réalité n’être ni plus ni moins efficace qu’un simple placebo pour les maladies douloureuses qui durent plus de neuf mois, et augmenter les souffrances des patients [6]. Évidemment ce ne sont pas certaines douleurs épouvantables des cancers ORL, des suites d’une intervention chirurgicale lourde et longue, des multiples fractures d’un polytraumatisé, d’une sciatique paralysante.
Je ne sais pas si cette étude est fiable ou non. Mais le fait qu’elle existe, qu’elle n’ait pas été réfutée pour l’instant, fait que, désormais, il est permis de mettre en doute l’utilité de la morphine pour les maladies longues.
C’est la même chose avec un autre produit utilisé depuis très longtemps (les années 1780) par les médecins : la digoxine, issue de la digitale, contre l’insuffisance cardiaque.
Une étude de 1997 a conclu que la digoxine ne réduit pas la mortalité [7]. Une étude de 2016 a indiqué qu’elle augmente la mortalité chez les personnes en insuffisance cardiaque [8].
Les patients traités à la digoxine courraient donc un risque pour rien (car la digoxine est extrêmement toxique et une erreur de dosage peut être fatale). C’est le contraire de ce qu’on avait toujours pensé et, désormais, les cardiologues sont dans le flou.
L’aspirine pourrait elle aussi présenter plus de dangers que d’avantages, de même que la pénicilline :
Le paracétamol lui-même est peut-être beaucoup trop prescrit.
L’opération chirurgicale en cas d’appendicite, si populaire il y a encore vingt ans, ne l’est plus aujourd’hui car on s’est aperçu que l’opération ne servait, la plupart du temps, à rien, par rapport à une simple cure d’antibiotiques. De même pour l’opération des amygdales.
Des études estiment que les antibiotiques, qu’on a utilisés en quantités énormes depuis cinquante ans, se révèlent avoir des effets indésirables totalement inattendus comme l’obésité et les maladies métaboliques, par l’altération de la microflore intestinale [10]. Par ailleurs, la baisse de leur efficacité face à la montée des bactéries ultra-résistantes pourrait bientôt les rendre obsolètes.
Des études récentes indiquent maintenant que les antidépresseurs ne sont pas plus efficaces que les placebos [11]. Que les antidouleurs tiennent l’essentiel de leur efficacité de l’effet placebo également [12].
On trouve donc de tout parmi les études « sérieuses » et « scientifiques ». Tout et son contraire.
Ce qui ne veut pas dire qu’il faille condamner la médecine conventionnelle.
Mais son intérêt pour les patients n’est pas tant dans les études cliniques que dans la pratique médicale concrète de leur médecin, issue d’une tradition, d’un enseignement et enrichie par leur expérience propre. Ce sont des réflexes, des gestes, des attitudes, des produits, des interventions faites à propos qui débouchent sur le mieux-être et les guérisons réelles que nous constatons.
Mais les bases « scientifiques » de cette pratique sont beaucoup moins solides qu’on ne l’aimerait.
La médecine moderne n’est pas un domaine où règnent les certitudes.
Très souvent, beaucoup plus souvent qu’ils ne le laissent penser, les médecins restent surpris des résultats de leurs actions. Les remèdes marchent beaucoup plus vite, et beaucoup mieux qu’ils ne l’attendaient ; ou beaucoup plus lentement et beaucoup plus mal.
Le hasard, la chance, les phénomènes inexpliqués, continuent à représenter une part considérable de la médecine d’aujourd’hui.
La médecine conventionnelle ne doit donc pas s’ériger en communauté dogmatique convaincue de détenir la vérité scientifique, et réclamer un pouvoir d’autorité pour brider la liberté thérapeutique d’autrui.
Le jour viendra peut-être où elle aura tant progressé que les médecins pourront réparer un être humain avec autant de certitude qu’un mécanicien répare une voiture. La multiplication des prothèses en est la preuve : les hanches, les genoux, les épaules, les voies biliaires ou urinaires, les reins et maintenant le cœur.
Mais nous n’en sommes pas du tout là à présent. Surtout pour toutes les maladies chroniques, compliquées, systémiques, qui représentent l’essentiel des dépenses médicales (cancer, maladies cardiovasculaires, maladies auto-immunes, maladies chroniques inflammatoires, diabète, maladies neuro-dégénératives, maladies mentales…).
Prenez n’importe quel sujet médical et creusez le vraiment jusqu’au bout : vous vous apercevrez que les experts les plus pointus ne sont pas d’accord entre eux. Par exemple, certains des plus grands experts estiment que le cholestérol doit être combattu, d’autres non. Parmi eux, certains estiment qu’il existe un bon et un mauvais cholestérol, d’autres non. Le débat n’est pas tranché.
Les plus nombreux, ceux qui sont en position de force dans les institutions, à l’Ordre national des médecins par exemple, seront toujours tentés d’user de leur autorité pour faire taire les contradicteurs. Les faire passer pour des « farceurs », des incompétents, des « charlatans », les exclure pour avoir la paix et éviter que leur « prestige scientifique » ne soit remis en cause. Ce sont leurs oukases parisiens, proches des politiques et des sièges des laboratoires pharmaceutiques qui payent leurs congrès, leur « recherche », proches des médias qu’ils manipulent, pour imposer leur loi.
Mais il ne faut jamais se laisser convaincre par l’argument : « nous sommes les plus nombreux donc nous avons raison » ou « c’est moi le président donc taisez-vous ».
Ce n’est pas ainsi que fonctionne la science. Bien souvent, et je dirais même systématiquement, les croyances les plus établies finissent par être remises en cause.
C’est une règle absolue, jamais démentie dans l’histoire, surtout en médecine !!
Et il n’y a aucune raison de penser que nous soyons aujourd’hui entrés dans une « ère nouvelle » où la médecine serait désormais arrivée à des certitudes qui ne bougeront plus.
Une telle vision serait même risible de naïveté.
Citez-moi n’importe quel traitement médical, je me fais fort de vous prouver qu’il y a une chance, une possibilité, qu’on s’aperçoive un jour qu’il ne fallait surtout pas faire ça, qu’on a fait plus de tort que de bien en l’utilisant.
Même le désinfectant sur les plaies, le paracétamol pour le mal de tête, les plombs contre les caries, l’insuline pour les diabétiques, les laxatifs pour les constipés, les antidépresseurs pour les dépressifs, les anxiolytiques, les somnifères pour les personnes qui dorment mal, l’angioplastie pour les cardiaques, les AINS contre l’arthrose peuvent être discutés.
Je prends ces exemples car ce sont des traitements médicaux courants, que tout le monde connaît. Ils sont prescrits chaque jour à des milliers de personnes. Ils sont enseignés dans les facultés, approuvés par les autorités, considérés comme évidents à tous les niveaux du système médical.
Eh bien posez la question à un médecin compétent. S’il est de bonne foi, il reconnaîtra que, au fond, pour aucun de ces traitements on est tout à fait sûr que ce soit une bonne chose, définitivement. Et non seulement cela, mais il vous dira qu’il est très probable qu’un jour toutes ces procédures seront remises en cause. Pour certaines, elles le sont déjà.
Ce n’est pas pour dire du mal de la médecine conventionnelle. Mais c’est pour souligner, parce qu’on ne le fait pas assez, que nous ne sommes pas arrivés au bout de la connaissance, à la « fin de l’histoire » de la médecine.
Toutes nos connaissances sur le corps humain sont mouvantes. Elles sont susceptibles d’être remises en cause à tout instant par une nouvelle donnée, une découverte. Il y a vingt ans, on nous promettait la fin de toutes les maladies grâce à la génétique. Cela s’est avéré être une impasse. Mais il se peut que la façon de soigner toutes les maladies change radicalement dans un avenir plus ou moins proche, et que beaucoup de nos méthodes si « avancées » se révèlent avec le recul avoir provoqué dans l’ensemble plus de mal que de bien. Parlons de la chimiothérapie par exemple. Des campagnes de dépistage du cancer. Des vaccins. De la pilule contraceptive hormonale, de la Dépakine, qu’on nous présente encore comme un médicament « indispensable [13] », des antidépresseurs, des bisphosphonates contre l’ostéoporose, des anti-acides (inhibiteurs de la pompe à protons) contre le reflux, et de tant d’autres médicaments.
Et c’est là que j’en viens aux racines philosophiques des médecines alternatives :
Les médecines naturelles, ou alternatives, ou complémentaires (vous pouvez aussi les appeler médecines douces, ou intégratives, la logique s’applique aussi), regroupent par définition les pratiques qui sont rejetées par la médecine conventionnelle, qui les estime illusoires, discréditées, charlatanesques.
Moyennant quoi, la médecine conventionnelle surestime sa capacité à distinguer les bons et les mauvais remèdes, et à se poser en arbitre dans tous les domaines.
Les études randomisées contrôlées ont permis de bâtir certains repères, avec un degré de fiabilité acceptable. Elles ont permis aussi de repérer de nombreuses pratiques médicales dangereuses, qui ont ainsi pu être écartées.
Néanmoins, la complexité de ces études, leur degré d’exigence pour qu’elles soient fiables, les moyens matériels qu’elles exigent, l’opacité qui règne sur les conditions réelles d’organisation de la plupart d’entre elles font que la médecine ne peut se permettre, aujourd’hui, de se servir de ces études pour justifier un comportement dogmatique.
La liberté thérapeutique, l’ouverture d’esprit, le droit de se soigner autrement, le droit d’expérimenter doivent absolument rester les fondements de la pratique médicale, et ce pour très longtemps encore.
Nous n’en sommes pas encore arrivés, pour aucune maladie, au stade où quiconque peut dire : « Désormais, on sait, voici le traitement définitif le plus efficace. Pour le bien des patients, nous pouvons donc interdire toute alternative, parce qu’elle sera forcément inférieure. »
Bien sûr, de nombreux médecins, chercheurs, sont tentés de croire cela. Ils aimeraient imposer leur vision. Mais il ne faut pas les laisser faire. Et les autorités publiques ne doivent surtout pas leur prêter leur bras armé.
Faire cela serait une grave erreur, qui compromettrait toute possibilité de progrès, qui conduirait la médecine conventionnelle à devenir une sorte d’église obscurantiste, une sorte de secte fermée.
Il s’agit d’une question de droit des patients, mais aussi d’une condition essentielle pour maintenir ouverte la voie vers le progrès de la connaissance médicale.
Il était nécessaire que j’aborde ce sujet de fond car les autorités médicales ont aujourd’hui trop confiance en elles-mêmes. Elles ont trop de certitudes. Elles sont trop tentées de se comporter en tribunal, en police, et se retrouvent constamment juge et partie. Pensons à la manière aberrante dont elles sont en train de persécuter le Pr Henri Joyeux. Heureusement il ne se laisse pas faire, même si on veut lui interdire de consulter, de conseiller. Il ne s’oppose pas à la médecine conventionnelle, il s’oppose à ses abus de plus en plus fréquents, aux dépenses colossales qui minent le budget de la santé.
Les autorités médicales ont quitté le terrain concret des patients, ou ne l’ont jamais atteint, car biologistes, sociologues, épidémiologistes, statisticiens… souvent conseillers des ministères passent leur journée dans des rendez-vous et des repas de lobbying auxquels ils ne savent plus résister.
Ils estiment que c’est une bonne chose car ils ont la certitude d’agir pour le bien des patients. Mais ils se trompent. Ils sont victimes d’une illusion. Ils pensent qu’ils savent ce qui est bon pour les patients parce qu’ils font trop confiance aux études cliniques. Mais ils ne semblent pas comprendre la portée réelle de la connaissance scientifique médicale, qui est par nature très limitée, surtout actuellement où nous n’en sommes qu’au début.
Ils ont oublié que le doute, le débat, la remise en cause, la capacité à écouter ses contradicteurs et à se confronter à leurs arguments sont une condition de l’émergence de la vérité, du progrès vers la vérité.
C’est vrai dans toutes les sciences mais c’est plus vrai encore en médecine, qui n’est pas tout à fait une science. C’est un art qui ne se décide pas dans les ministères et encore moins dans les laboratoires pharmaceutiques, mais d’abord au chevet du malade.
Or, les conditions normales du débat n’existent plus aujourd’hui. Voyons la façon dont la ministre de la Santé Marisol Touraine parle : « La vaccination, ça ne se discute pas », est-elle capable de déclarer publiquement.
Cela montre son degré d’égarement, d’incompréhension de ce qu’est réellement la recherche médicale, ou même la science en général.
Respecter les médecines alternatives, c’est préserver l’écosystème dont pourront sortir de nouvelles approches prometteuses.
C’est pourquoi j’ai tant d’admiration pour le Pr Luc Montagnier, qui est à la fois prix Nobel de médecine mais aussi grand défenseur des approches alternatives. C’est un homme d’une grande modestie, et d’un grand réalisme, qui a compris que la « science médicale » actuelle n’est qu’une étape du progrès scientifique, pas la fin ultime.
Respecter les médecines alternatives, c’est se souvenir que la médecine est faite pour les patients, et pas les patients qui sont faits pour la médecine. Au début de ce troisième millénaire, nous n’avons jamais vu autant de malades jeunes : cancéreux, diabétiques, hypertendus, stériles, autistes, de maladies auto-immunes, de maladies sexuellement transmissibles (sida, cancer du col utérin, et ano-génitaux…).
Les patients doivent pouvoir se soigner de la façon qu’ils jugent la meilleure pour eux.
Pour cela, ils doivent pouvoir s’adresser à divers types de thérapeutes, qui ne doivent pas être inquiétés s’ils proposent des approches différentes.
Personne ne doit leur dire, ou leur laisser entendre, que la médecine conventionnelle sait forcément ce qui est le meilleur pour eux. Le degré d’incertitude est trop grand. L’ouverture, la liberté, les médecines alternatives, complémentaires le plus souvent donc, doivent conserver la place la plus grande possible, pour des progrès les plus rapides possible.
À nous d’y contribuer. C’est la raison d’être de Santé Nature Innovation. Et c’est une magnifique mission.
À votre santé !
Jean-Marc Dupuis
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