On voit des prisonniers derrière des barbelés. Puis on les entend témoigner de la souffrance d’être enfermés ; comment, sans sortie quotidienne au grand air, ils deviendraient fous, déprimés.
À la fin du spot, coup de tonnerre : ce n’est pas pour dénoncer les conditions de vie des prisonniers que Skip prend la parole mais pour montrer à quel point nos enfants restent enfermés. Par comparaison, ils passent aujourd’hui en moyenne moins de temps à l’extérieur que les prisonniers (deux heures par jour).
Les « bonnes intentions » de la lessive Skip
Pourquoi la lessive Skip fait-elle campagne sur ce sujet ?
Les actionnaires s’inquiètent-ils de la santé de nos enfants ?
Non bien sûr.
Mais ils sont inquiets que les mamans ne fassent plus autant de lessives.
Les enfants actuels ne jouent plus assez dans les ruisseaux, les sous-bois. Ils ne tombent plus dans les flaques boueuses, les bouses de vaches. Ils ne reviennent plus, le soir, « tout crottés » et bons à passer à la machine à laver.
« Dirt is good » est le nouveau slogan de Skip (la saleté est bonne).
Et en effet : j’ai parlé récemment des conséquences désastreuses, pour le système immunitaire, du manque de contact des jeunes enfants avec les animaux, la saleté. Ils ne bâtissent plus assez de défenses naturelles avec les bactéries et microbes en tout genre, ce qui pourrait expliquer la hausse des allergies, de l’asthme et des maladies auto-immunes.
Mais il est vrai qu’on peut aussi s’inquiéter de leur équilibre psychologique et affectif.
Aires de jeu sinistrées
À force de paniquer pour la sécurité de nos enfants, nous sommes en train de fabriquer des générations d’éclopés.
Tapis de gomme dans les aires de jeu, casques et protections en tout genre, tourniquets, toboggans et balançoires de nouvelle génération d’où il est devenu impossible de tomber, se faire mal, mais aussi… d’éprouver des sensations fortes, de l’excitation, du plaisir ! Et d’acquérir de l’expérience, le sens du danger, la sanction de la douleur quand on ne fait pas attention.
Les nouveaux toboggans sont trop larges, trop courts, ne glissent plus assez pour être vraiment amusants. Les nouvelles balançoires accrochées par des chaînes métalliques, certes plus solides, sont aussi moins rapides. Les nouveaux tourniquets ne tournent plus assez vite pour s’étourdir. Les enfants s’y ennuient, parce que ces « jeux » ne leur procurent plus assez d’adrénaline.
Ils trouvent finalement plus de stimulation dans le monde virtuel des jeux vidéo : toujours selon Skip, 78 % des parents admettent que leurs enfants refusent de jouer autrement que sur leur smartphone ou leur console.
Les jeux de société, où participaient éventuellement les parents ou même les grands-parents, ont été remplacés par la télévision, qui fait office de baby-sitter gratuite.
Conséquence dramatique de l’insécurité pour les enfants
Dans beaucoup de villes, les parcs sont en outre squattés par une faune plus ou moins menaçante. Les mamans n’osent plus y laisser leurs enfants seuls.
Dans les rues, on craint les pédophiles, les enlèvements. Même les familles qui ont la chance d’avoir un jardin redoutent d’y laisser leurs enfants jouer sans surveillance : « Ils pourraient se faire kidnapper dans le jardin ; ça s’est déjà vu. » Les mamans ne sont plus jamais tranquilles si elles n’ont pas leurs enfants à proximité, dans leur champ de vision, ou en lieu sûr, c’est-à-dire généralement enfermés.
La plupart des enfants ne sortent donc plus sans être accompagnés. Si bien qu’ils n’apprennent plus l’autonomie, ils ne vivent plus d’aventures avec leurs camarades, ils ne passent plus assez de temps à l’extérieur et ne développent plus assez de résistance.
La triste fin de la « maison d’enfants » de ma grand-mère
Une anecdote personnelle.
Ma grand-mère créa en 1950 une maison d’enfants dans les Hautes-Alpes où elle accueillait des enfants convalescents venus des villes. L’idée était d’accélérer leur guérison en les envoyant gambader dans les prés, dans l’air sec et le soleil de ces montagnes déjà méditerranéennes.
Au début, ce fut le paradis.
Les enfants arrivaient pâles, chétifs, souffreteux, tuberculeux. En quelques semaines à jouer dans les foins, construire des barrages dans les torrents, cueillir mûres et framboises le long des chemins, respirer l’air chargé d’essences de pin, de thym et de lavande, boire l’eau pure des ruisseaux, dévaler les sentiers pierreux, construire des cabanes, prendre le soleil, ils retrouvaient couleurs, muscles, joie de vivre et santé.
La montagne résonnait d’éclats de rire de ces joyeuses bandes qui découvraient la liberté et l’aventure.
Y avait-il parfois des coudes écorchés, des genoux couronnés, des épines enfoncées ? Certainement.
Peut-être même y eut-il quelques fois un bras ou une jambe cassés, une arcade sourcilière fendue. Mais jamais ma grand-mère ne fut inquiétée par la justice, poursuivie par les parents, condamnée à des dommages et intérêts par un juge vindicatif.
La suite, vous la connaissez. Avec les années, des normes sont apparues. Une à une, les activités furent encadrées, restreintes, interdites.
La maison de la santé et de la liberté fut sournoisement bureaucratisée. Étouffée par les règlements, les obligations, les interdictions.
Les coûts augmentèrent, l’utilité recula. Jusqu’au point où les enfants finirent par se trouver encore plus encadrés, bridés, frustrés, que lorsqu’ils étaient chez eux, dans les banlieues de Lyon et de Marseille, où au moins ils pouvaient traîner librement dans les parkings, les galeries commerciales et les cages d’escalier, fut-ce sous le contrôle de caméras de surveillance.
Ma grand-mère jeta l’éponge vers 1975. La maison d’enfants continua quelques années. Elle est aujourd’hui fermée.
Libérer les enfants !
Sortir de cette folie devrait être une urgence nationale – ou plutôt internationale car ce n’est pas mieux chez nos voisins.
À tous les parents et grands-parents qui me lisent, je les appelle à refuser la dictature de l’hygiène et de la folie sécuritaire.
Nous faisons du tort à nos enfants en les surprotégeant. C’est une illusion complète que d’imaginer que nous leur épargnerons ainsi des problèmes.
Au contraire, nous les privons des joies de l’enfance et nous leur préparons des vies d’adultes misérables, car ils n’auront pas développé les résistances, l’indépendance, l’équilibre et la force psychologique nécessaires pour s’accomplir et surmonter les épreuves de la vie.
Tous les psychologues le disent : les jeux des enfants ne sont pas seulement des jeux. Ce sont des entraînements, des préparations, pour plus tard. Quand les enfants jouent, ils développent leur force, leur habileté, ils apprennent à se confronter aux autres. Les jeux sont même un moyen pour eux de développer leur résistance cardiovasculaire.
Mais encore faut-il que ce soient de vrais jeux. Des jeux qui comportent une part (mesurée) de risque, la possibilité de gagner, mais aussi de perdre, d’être battus.
Ce n’est pas qu’une question de santé, de développer des résistances aux maladies. C’est toute leur vie future qui est « en jeu », justement.
À votre santé !
Jean-Marc Dupuis
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