Décapitation : ce que nous pouvons faire
Nous avons tous subi un nouveau traumatisme grave, avec l’abominable affaire du professeur décapité.
Cela vient à peine quelques jours après nouvel attentat près de Charlie-Hebdo, et l’horrible assassinat de Victorine Dartois.
L’impact de ces crimes sur notre mental, nos vies, ne doit pas être sous-estimé.
Confrontés à une telle violence, nous fabriquons des substances toxiques dans nos estomacs, nos rates, nos vésicules biliaires, notre sang.
Avec la menace montante, s’accélèrent les mécanismes de l’hypertension, des problèmes cardiaques, des ulcères. Et je ne parle pas du dégoût, de la rage, de la rancœur qui montent et qui plombent le moral déjà bien entamé par l’atmosphère ambiante.
Comment stopper cela ? Comment empêcher aussi la fabrication de cancers à force de frustrations et de mauvais sentiments face à notre époque qui déraille ??
Je vais tenter une modeste réponse. Comme d’habitude, elle n’engage que moi.
Trois réactions dans la population
Dans la population, j’ai observé grosso modo trois types de réactions :
Les uns disent :
- « Mais c’est horrible, à la fin !! Il n’y aura bientôt plus de liberté d’expression en France ; les professeurs n’auront plus le droit de rien dire dans les classes. Il faut arrêter ces terroristes, les expulser !«
Les autres disent :
- « Y en a marre de ces gens racistes qui insultent l’islam. S’ils étaient plus respectueux des autres, on n’en serait pas là. Tout le monde devrait pouvoir pratiquer sa religion en étant respecté !! »
D’autres enfin disent :
- « C’est la faute d’Internet et des réseaux sociaux qui véhiculent la haine. Il faut lutter contre toutes les formes d’extrémisme et d’intégrisme en sanctionnant Facebook, Twitter, Google et autres plateformes. »
Nous verrons si cela change quoi que ce soit.
Les mesures prises lors des précédents attentats de masse, au Bataclan et à Nice, n’ont en tout cas pas évité ces nouveaux massacres.
Je ne crois pas à leurs promesses de « plus jamais ça »
De mon côté, je ne me fais aucune illusion : le sang va continuer à couler.
Nous sommes mille fois trop avancés vers le chaos pour que les administrations françaises (ministère de l’Intérieur, Justice, Armée…) puissent stopper d’un coup le phénomène. La preuve, il suffit d’un couteau et d’un téléphone mobile, ou d’une simple voiture pour foncer dans la foule. On ne peut pas interdire tous les couteaux, toutes les voitures (et camions), tous les téléphones, ni déporter toutes les personnes susceptibles de vouloir commettre un attentat.
Pour compliquer les choses, les attentats sont de plus en plus souvent commis par des personnes déstructurées (comme il y en a des millions), qui se lèvent un matin, lisent une information qui les fait « disjoncter », rentrent chez elles prendre un couteau de cuisine, un tournevis ou une hachoir, et sortent dans la rue tuer le premier venu. Comme le « jeune » qui a décapité Samuel Paty, qui n’était même pas fiché S ni repéré par les services de renseignement.
Je suis pessimiste ?
Oui, pour ce qui concerne l’espoir de sortir de la folie de notre époque.
Mais je suis très optimiste en ce qui concerne la façon dont chacun peut, à son niveau, mener une bonne vie, une belle vie, malgré tout ce qui se passe autour :
Prendre sur soi toute la responsabilité
J’ai souvent vécu des situations douloureuses. J’ai été confronté à l’injustice. Chaque fois, je me suis aperçu que me concentrer sur mes responsabilités, mes actions, mes paroles, mes erreurs, faisait infiniment plus de bien que de ruminer sans fin sur la culpabilité des autres, accabler les “coupables” réels ou supposés.
Ce n’est pas moi, d’ailleurs, qui ai inventé cette méthode.
Des personnes qui ont connu des vies infiniment plus dures que la mienne, comme Viktor Frankl ou Alexandre Soljenitsyne dans les camps de la mort, ont témoigné que, aussi horrible que puisse être la situation, vous pouvez toujours l’empirer. En refusant les responsabilités, en rejetant toutes les fautes sur les autres, en vous présentant comme innocent, « pur », victime, donc légitime pour utiliser tous les moyens pour essayer de s’en sortir soi-même au détriment des autres, toujours considérés a priori comme plus coupables que soi-même.
Dans les situations d’injustice, il est toujours plus efficace de remettre en cause mon comportement. De toutes façons, chercher à contraindre les autres de changer ne fonctionne simplement pas. Les critiquer, leur faire des reproches, ne fait que les renforcer. Cela empire les choses.
Cette voie a été explorée de façon approfondie par l’écrivain russe Fiodor Dostoïevski, dans “Les frères Karamazov”. Ce livre compte un chapitre merveilleux intitulé “Biographie du starets Zosime”. J’en recommande vivement la lecture. Il s’agit d’un maître spirituel qui, à la veille de sa mort, raconte sa vie, et comment il a découvert cette voie vers la sérénité absolue.
Au 20e siècle, le philosophe Emmanuel Lévinas a structuré cette pensée, mais c’est beaucoup plus dur à lire.
Retrouver une marge de manœuvre
Emmanuel Lévinas explique que prendre sur soi, malgré tout le mal qui se déchaîne autour de soi, c’est un moyen de retrouver sa liberté. On découvre qu’on a une marge de manœuvre. On sort de la victimisation qui paralyse. On arrête de s’épuiser à maudire les “méchants” qui, de toutes façons, ressurgissent toujours sous une forme ou sous une autre.
Bien sûr, notre réflexe naturel est de dire : “C’est pas ma faute !!”
Cela paraît évident : si j’habite à l’autre bout de la France (ou du monde). Si je ne suis d’aucune manière moi-même intégriste, raciste, ou extrémiste ; si je n’ai jamais appelé à la haine de personne sur Internet, ni fait des caricatures… Alors je suis forcément innocent, non coupable !!
Et bien, justement, est-ce si sûr ?
La théorie des “six poignées de main”, de Frigyes Karinthy
Je vous ai déjà parlé de la théorie des “six poignées de main” de l’écrivain hongrois Frigyes Karinthy.
Selon cette théorie, qui date de 1929, nous ne sommes séparés du reste de l’humanité que par six personnes.
Chacun de nous connaît mille personnes, qui en connaissent chacune mille autres, qui en connaissent chacune mille autre ; en six étapes, vous touchez ainsi n’importe quelle personne au monde, y compris le Président des Etats-Unis ou n’importe quel Aborigène d’Australie !
Cela veut dire que n’importe quel acte que nous voyons autour de nous a peut-être pour origine une chose que nous avons faite nous-même.
L’effet papillon
Lorsqu’il nous arrive un malheur, il est toujours imprudent de déclarer que “nous n’y sommes pour rien”.
Qu’en savons-nous, au fond ?
A cause de l’effet papillon, chacune de nos paroles peut toucher quelqu’un qui, à son tour, touchera une autre personne, etc. Si bien que nous n’avons strictement aucun moyen de savoir ce qui adviendra de chacune de nos paroles ou de nos actes, bons ou mauvais.
Il est théoriquement possible qu’une mauvaise action commise à l’école maternelle, il y a cinquante ans, ait donné le mauvais exemple à un camarade, qui s’en est souvenu des années plus tard pour justifier tel méfait, qui aura à son tour blessé telle personne, pour la faire basculer dans quelque chose de plus grave, et ainsi de suite.
Un jour, nous croisons une personne qui nous fait mal. C’est, apparemment, “sans raison”, ou du moins sans rapport visible et évident avec nous et notre passé.
Nous ne sommes pas assez intelligents, renseignés, lucides, pour mesurer l’impact réel de nos actions, dans l’espace et dans le temps.
Cela invite à faire extrêmement attention à tout ce que nous disons, et faisons.
La fameuse “goutte d’eau qui a fait déborder le vase”
Voir les choses ainsi permet d’adopter une attitude nouvelle face aux malheurs de la vie.
Cela permet d’adopter une attitude plus apaisante, plus constructive, puisque quoiqu’il arrive, nous pouvons estimer que nous avons bel et bien participé, ne serait-ce que d’une façon infime, au malheur qui nous frappe. Se considérer comme responsable de la fameuse “goutte d’eau qui a fait déborder le vase”, ce qui veut dire que nous avons le pouvoir, en changeant de comportement d’améliorer les choses.
Ainsi nous pouvons toujours réagir positivement.
Qui ne peut trouver aucun domaine dans sa vie, où il puisse investir du temps et de l’énergie pour mieux faire, ou moins nuire ? Afin que le monde devienne plus supportable et moins injuste pour lui-même, et donc aussi pour les autres ?
Une stratégie avec des résultats certains
Cette stratégie a l’avantage d’apporter des résultats certains, puisque mes actions dépendent entièrement de moi.
Je n’ai pas besoin de convaincre qui que ce soit d’autre, qu’il soit journaliste, préfet, député ou ministre, pour prendre des mesures !
Aucun délai, aucune attente, ni contrariété ! Je peux commencer tout de suite, dès maintenant ! Je n’ai besoin de négocier avec personne, si ce n’est avec moi-même. Je fixe librement les objectifs, les récompenses que je m’accorde.
Un point du vue qui énerve
Je sais que ce point de vue énerve. Qu’il est frustrant. Que l’on voudrait tous avoir une “grande solution” pour stopper la violence, la souffrance, dans le monde. En finir avec les terroristes maintenant et tout de suite, grâce à des “mesures fortes” (contre la liberté d’expression, contre le blasphème, ou contre les réseaux sociaux, selon les opinions politiques).
Mais l’expérience millénaire a montré que le monde ne marchait pas comme ça. La répression à grande échelle a toujours des effets décevants. On tape, on tape, on tape, on tue même parfois, et parfois à grande échelle. Mais ça ne fait que renforcer la révolte, stimuler les terroristes et les kamikazes.
On voit ça depuis toujours, de la Rome Antique jusqu’à l’actuelle Afghanistan ou même à la France d’aujourd’hui ! Qu’ont fait toutes les lois qui existent déjà sur Internet pour interdire les appels à la violence ? Qui a constaté le moindre apaisement dans les esprits ??
Sur le long terme, le seul moyen d’instaurer plus de paix, d’amitié, de bienveillance, est de persuader les gens d’arrêter de regarder “la paille” dans l’œil du voisin, pour plutôt se concentrer sur “la poutre” qui est dans le sien.
C’est pénible. C’est long. C’est tellement plus pratique, confortable, agréable, de s’en prendre aux autres, de critiquer les “méchants”, les “salauds”, plutôt que de se reconnaître soi-même comme un méchant, un salaud.
C’est pourquoi cette solution, pourtant connue et promue depuis des millénaires par les Sages, est si peu mise en avant.
L’approche qui m’a permis d’arrêter de me passer la rate au court-bouillon
Mais en ce qui me concerne, je le répète, c’est la seule solution à laquelle je crois vraiment. C’est ainsi que j’ai pu arrêter de me “passer la rate au court-bouillon”,
En tout cas, j’ai un meilleur sommeil, meilleur appétit, plus d’énergie, de force physique et mentale. Je suis sûr que j’ai amélioré mon système cardiovasculaire et reculé la menace du cancer.
J’ai progressé dans les domaines qui sont importants pour moi (alpinisme, piano, jardin, éducation des mes enfants, meilleure alimentation et connaissance de la santé et des plantes…).
Ma méthode n’arrêtera pas le terrorisme ? Oui, je sais, naturellement. C’est pourquoi je laisse le soin aux Ministres, Parlementaires, aux Juges et aux Forces de l’ordre de proposer d’autres solutions.
Pourvu qu’elles fonctionnent.
A votre santé !
Jean-Marc Dupuis
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