C’est le nouveau prétexte pour nous taxer
Chère lectrice, cher lecteur,
Avez-vous remarqué l’empressement de nos dirigeants à nous protéger, parfois ?
Tabac, excès de vitesse, sucre, sel, alcool, leur cœur déborde soudain d’amour maternel quand ils voient une possibilité de nous taxer pour notre bien.
Aujourd’hui, on parle d’une nouvelle taxe sur les produits salés.
« L’objectif premier est de pouvoir proposer une alimentation saine pour tous », a déclaré la député LREM Michèle Crouzet, à l’origine de l’initiative. Mon œil !!
« Après la taxe soda, il faut s’attaquer aux produits trop salés », reprennent en chœur des députés. [1]
« Ce sont les industriels qui paieront », nous disent-ils, en oubliant que le coût sera répercuté sur les consommateurs. [2]
Le sel est un produit naturel et traditionnel
Mais les produits « trop salés » sont très différents des sodas, bonbons, desserts sucrés.
Pour ceux-là, il est possible de diminuer leur teneur en sucre. On peut sans trop de problème remplacer le glucose, le fructose et le saccharose par des édulcorants naturels (stévia) ou artificiels (aspartame), sans que cela ne soit d’ailleurs forcément une bonne chose pour notre santé (mais c’est un autre sujet).
Il en va tout autrement pour le sel :
1. Le sel est un moyen normal, efficace, naturel, et très ancien, de conserver les aliments. Il permet d’éviter les camions frigorifiques, les chambres froides, frigos et congélateurs qui consomment des quantités astronomiques d’énergie ;
2. Le sel est indispensable à la fermentation des aliments. Les acides lactiques se forment en présence de sel dilué dans l’eau (saumure). Une saumure de qualité se fabrique avec 30 grammes de sel pour 1 litre d’eau pour les légumes (choucroute, cornichons, betteraves, olives), mais 200 grammes par litre pour les viandes, les poissons, les œufs de poisson ;
3. Le sel est nécessaire dans tous les fromages autre que les fromages frais ; diminuez la quantité de sel, et vous obtiendrez de la pourriture, des moisissures, vos aliments seront perdus.
Ce n’est pas pour rien qu’on parle du « sel de la Terre », du « sel de la vie », et les agents du fisc l’ont compris depuis fort longtemps.
Dès l’époque de Saint-Louis, le pouvoir royal créa la gabelle. Cette taxe sur le sel était absolument incontournable puisque nul paysan ne pouvait survivre sans acheter du sel. On repérait facilement les fraudeurs : toute personne n’achetant pas une certaine quantité de sel chaque année se le procurait forcément en contrebande, et pouvait être poursuivie.
La gabelle fut le plus honni des impôts d’Ancien Régime. Elle ne cessa d’être augmentée jusqu’à la Révolution, qui l’abolit enfin en 1790.
Mais venons-en à l’essentiel. Contrairement au sucre raffiné, qui n’a pas d’intérêt nutritionnel, le sel est indispensable à notre santé.
Le sel est indispensable à la santé
Le sel n’est pas du tout un poison mais un produit qui, comme tant d’autres, est nocif en excès mais tout autant quand on en manque.
La grande étude PURE réalisée chez 101 945 adultes dans 17 pays a montré que de faibles apports en sel sont aussi dangereux que des excès. [3] Ainsi les accidents cardio-vasculaires augmentent pour une consommation de sodium supérieure à 6 g/jour. Mais ils augmentent également quand la consommation de sodium passe sous la barre des 3 g/j.
En dessous de 3 g, on observe une augmentation des complications cardio-vasculaires, des décès d’origine cardio-vasculaire et des AVC entraînant une hospitalisation ou un décès.
Et le sel intervient à bien d’autres niveaux dans notre organisme :
1. C’est un antihistaminique naturel : une pincée de sel sur la langue peut aider à contrer une réaction allergique ou une crise d’asthme ;
2. Votre corps a besoin de sel pour maintenir le bon pH de l’estomac. C’est lui qui permet de fabriquer l’acide chlorhydrique indispensable à une bonne digestion ;
3. Le sel possède des qualités anti-stress et calmantes ; il combat l’excès de cortisol, hormone du stress :
4. Il est indispensable à la thermogénèse, c’est-à-dire la production de chaleur par le corps.
5. Dans les aliments fermentés, il permet la formation de bactéries « probiotiques » qui participent aux défenses immunitaires en réensemençant la flore intestinale.
Bref, combattre le sel en tant que tel n’est pas un objectif sérieux.
Oui, il faut que les gens arrêtent de se nourrir de chips, biscuits d’apéritifs, sauces artificielles et plats préparés (lasagnes, raviolis en boîte, pizza surgelées), fast-foods, qui sont, entre autres additifs, bourrés de sels.
Mais une taxe peut-elle provoquer un virage culturel à 180° ? La population abandonnera-t-elle massivement le micro-onde et la malbouffe, pour recommencer à faire la cuisine avec des produits bruts et naturels ?
Je n’y crois, personnellement, pas beaucoup. On pourrait imaginer une exemption de TVA sur les légumes, fruits frais et autres aliments non transformés, pour donner un coup de pouce en ce sens, mais ne prenons pas nos rêves pour des réalités.
La solution chlorure de potassium
Voici par contre une idée constructive et réaliste pour lutter contre l’excès de sel : le sel dont il est question est, chimiquement, du « chlorure de sodium ».
Or, c’est en fait l’excès de sodium qui pose problème aux personnes hypertendues. Mais il existe d’autres sels, qui sont utilisés dans l’industrie agro-alimentaire et qui ont l’apparence et le pouvoir salant du chlorure de sodium : le nitrate et le chlorure de potassium, en particulier.
Les études ont montré que ce n’est pas tant l’apport isolé en sodium qui pose problème, mais le ratio sodium/potassium.
Le ratio idéal est de 1 pour 3, ce qui veut dire qu’il faudrait consommer 3 fois plus de potassium que de sodium (en mg). Ce n’est pas ce que nous faisons aujourd’hui. Nous faisons le contraire, car le chlorure de sodium est le moins cher, donc le plus répandu.
Plutôt que de taxer les produits salés, il suffirait d’imposer des normes sur la teneur en chlorure de sodium des aliments industriels, et de leur imposer de le remplacer par du chlorure de potassium.
Agissez tout de suite chez vous
Mais il est inutile (et illusoire !) d’attendre que les pouvoirs publics bougent.
Vous augmenterez immédiatement vos apports en potassium en mangeant plus de légumes et de fruits, en particulier des pommes de terre en robe des champs, du cacao, des bananes, des légumes verts.
Vous pouvez très facilement remplacer votre sel de table classique par du chlorure de potassium, en vente dans votre supermarché. Le pouvoir salant et l’aspect sont les mêmes, la différence est que le chlorure de potassium possède un léger arrière-goût amer, mais que l’on remarque à peine.
Si les pouvoirs publics sont si inquiets de ça pour notre santé, qu’ils expliquent cela aux enfants dans les écoles ! Mais je crains qu’ils soient moins motivés que par une nouvelle taxe.
À votre santé !
JM Dupuis
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