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Pourquoi le Covid a divisé les amis, les familles, le pays

Au-delà encore des malades et des morts, le Covid laisse derrière lui tant de familles, d’amis, de voisins divisés, ennemis.

Si c’est votre cas et que vous avez, vous aussi, perdu des amis parce que vous étiez pour ou contre le vaccin, pour ou contre le pass sanitaire, pour ou contre le confinement, je vous envoie toutes mes bonnes pensées, car je sais combien c’est dur.

Mais je dois aussi vous dire une chose, parce qu’elle est vraie :

C’était inévitable.

En temps d’épidémie, les conflits sont inévitables

Nous, les êtres humains, avons un système immunitaire qui combat les microbes qui parviennent à entrer dans notre corps.

Ce système est, dans l’ensemble, efficace. Mais il a beaucoup de défauts : nous restons vulnérables aux agents infectieux qui peuvent nous faire beaucoup de mal, nous laisser des séquelles, nous tuer.

La meilleure stratégie de défense reste pour nous de ne pas entrer en contact du tout avec les microbes.

Et pour cela, il faut des mécanismes puissants, réflexes, instinctifs, qui nous poussent à nous éloigner des autres et, oui, éventuellement, les combattre, surtout si nous suspectons qu’ils représentent un danger pour nous et pour ceux que nous aimons.

Les épidémies suscitent des peurs et des haines

Nous savons que les maladies infectieuses ne se voient pas au moment où elles se transmettent.

Nous sommes, par ailleurs, très mauvais pour “imaginer” ce que signifie avoir un risque sur 100, sur 1000 ou sur 10 000 de mourir.

Nous préférons alors des règles simples du type : “on n’est jamais trop prudent”. Ou alors “on ne vit qu’une fois et on ne ne peut pas se permettre de prendre des risques”. Ou encore : “je ne veux pas être responsable de la mort de ma grand-mère.”

Peu importe que, depuis notre conception, nous faisons courir des risques aux autres, constamment, par notre simple existence.

  • Lors de notre conception, nos parents auraient pu se transmettre une maladie sexuellement transmissible
  • Durant la grossesse de notre mère, nous aurions pu lui provoquer une crise de pré-éclampsie
  • A l’accouchement, n’en parlons pas…
  • Puis ensuite, toute notre vie, transmettre un virus, une bactérie, un prion, et bien sûr provoquer toutes sortes d’accidents, par malchance ou par négligence…

Tout ceci sont des considérations rationnelles, qui ne changent rien à l’état émotionnel.

Pour certaines personnes, la perspective d’avoir une chance sur 10 000 de mourir d’une maladie suffit à activer tous leurs instincts de survie et de panique. C’est ainsi : elles n’y peuvent rien, c’est une sorte de “programme informatique” archaïque dans leur cerveau, et il est inutile d’essayer de les raisonner avec des arguments du type : “Mais enfin, tu aurais plus de risque de mourir renversé par une voiture en traversant la rue !”.

Pour d’autres, c’est la perspective d’un accident lié au vaccin qui les fait paniquer. Inutile, totalement inutile de leur parler de “rapport bénéfice/risque”. Le risque d’AVC suite au vaccin, même très faible, suffit à les faire paniquer, et elles seront prêtes à se débattre de toutes leurs forces, perdre leur travail (et leurs amis) plutôt que de se faire “piquer”, comme il est d’usage de dire quand on se méfie des vaccins. Car il y a, en outre, la peur tout aussi archaïque de se faire transpercer la peau, qui est logique puisque la peau est notre première barrière contre les agents pathogènes.

Pour compliquer encore les choses, le débat devient réellement inextricable lorsque la population se polarise entre les personnes qui redoutent un risque sur de mourir d’une maladie qui est dans le même ordre de grandeur que celui de mourir du vaccin, comme c’est le cas pour certaines tranches de la population avec le Covid.

Les Autorités peuvent toujours appeler les parents à vacciner leurs enfants pour protéger les grands-parents, en expliquant que “cela vaut la peine de prendre le risque, qui est très faible”. Mais elles se heurtent alors, inévitablement, à certains parents qui verront rouge et qui seront prêts à tout plutôt que d’exposer leur enfant, pour hypothétiquement sauver une personne très âgée et très malade… qu’elles ne connaissent même pas !

Notre instinct de dégoût, et tout ce qu’il fait pour nous

Pour comprendre la violence des sentiments qui s’emparent de nous en cas d’épidémie, je dois vous parler de ces mécanismes de défense et d’éloignement social naturels, qui sont en nous. Ces mécanismes sont encore beaucoup plus efficaces que le système immunitaire et les mesures de “distanciation sociales” réunis : il s’agit de notre système instinctif de dégoût, de rejet, qui nous pousse à nous tenir à distance des choses et des personnes dont nous craignons qu’elles nous transmettent des maladies.

Que nous le voulions ou non, que nous en soyons conscients ou non, que nous en soyons fiers ou non, nous avons un “radar” qui nous fait repérer les personnes qui risquent de nous transmettre des infections.

Nous les repérons à leur apparence, à leur façon de bouger, et même, oui, à leur odeur, ce qui nous rappelle que nous ne sommes pas aussi éloignés des animaux sauvages que nous aimons le penser…

Lorsque nous regardons quelqu’un, nos yeux sont attirés comme des aimants par tous les signes, taches, boutons, croûtes sur la peau ou sur le cuir chevelu, rougeurs, blancheurs, en particulier sur les muqueuses qui évoquent la présence possible d’une maladie : lèvres, bouche, nez, yeux… Au moindre doute, nous reculons et nous sommes envahis de sentiments négatifs.

Nous nous méfions des personnes qui ont une démarche, font des gestes ou des grimaces inhabituels, qui peuvent trahir un dérèglement de leur système nerveux, éventuellement causés par une maladie contagieuse. Les enfants sont terrorisés par exemple par les personnes âgées qui souffrent de dyskinésie (langue qui sort de la bouche, mouvements brusques de la tête…)

Nous sommes sensibles, terriblement sensibles, aux odeurs, qui nous indiquent qu’une chose, ou une personne, contiennent peut-être des germes malpropres.

L’origine des grimaces

Nous avons cette extraordinaire capacité à faire des grimaces de dégoût : en quoi consistent ces grimaces si vous y réfléchissez ?

Elle consistent tout simplement à réduire ou fermer les orifices de notre visage par lesquels des microbes risqueraient de pénétrer dans notre corps.

Nous plissons les yeux, fermons les mâchoires, pinçons les lèvres (on prend un “air pincé”), cessons de respirer, fronçons les narines pour réduire le flux d’air qui peut passer à travers, et mieux le filtrer.

Nous reculons la tête, tendons les bras pour repousser ce qui nous dégoûte. Nous avons des hauts le cœur, nous empêchant d’absorber quoi que ce soit, et même aller jusqu’à vomir pour évacuer préventivement tout aliment que nous avons récemment ingéré et qui risquerait d’être contaminé !

Pire encore, que se passe-t-il si nous faisons une réaction de dégoût, et qu’une personne tente d’approcher de nous la chose contre laquelle nous étions en train d’essayer de nous protéger ?

Nous nous débattons, nous faisons des mouvements violents pour nous échapper, nous griffons, pouvons même donner des coups, coups de pieds, coups de poing, et pousser des cris de détresse.

Oui, tout cela n’est pas très beau, pas très noble, et heureusement les médecins, les infirmières, les aides soignantes et tant d’autres personnes qui s’occupent de jeunes enfants, de malades, de personnes âgées ou handicapées, apprennent à dominer leurs réactions pour prodiguer des soins malgré tout à ceux qui en ont besoin.

Des réactions utiles à notre survie

Depuis les Moyen-Âge, des efforts sont faits pour donner en exemple et valoriser les personnes courageuses qui osent approcher les malades, les lépreux, les tuberculeux. Le roi Saint-Louis est resté célèbre jusqu’à nos jours pour être allé soigner lui-même les plaies des malades à l’hôpital des Quinze-Vingts (aujourd’hui dans le 12e arrondissement de Paris).

Néanmoins, il faut aussi comprendre que ces réactions ne sont pas que négatives. C’est elles qui ont protégé l’humanité pendant les millénaires où il n’y avait pas de désinfectants ni d’antibiotiques.

Les gens vivaient en petites communautés, en tribus, en villages. Les “étrangers” qui s’approchaient étaient reçus par des jets de pierre, ou des attaques de chiens. Ce n’était pas agréable pour eux mais c’était le premier moyen pour la communauté de se protéger des maladies contre lesquelles elles n’étaient peut-être pas immunisées.

Ce n’était pas de la paranoïa. On sait combien les explorateurs partis en Afrique et en Asie mourraient de maladies tropicales inoffensives pour les populations locales. Aujourd’hui encore il y a la célèbre “tourista”. On sait comment la peste noire est arrivée de Crimée en Europe et a décimé un tiers de la population européenne. On sait comment les civilisations amérindiennes ont été balayées par les maladies, en premier lieu la variole, apportées par les Conquistadors, et comment en retour ceux-ci ont probablement rapporté la syphilis en Europe, qui allait faire des ravages pendant cinq siècles, jusqu’à ce qu’un traitement soit enfin découvert dans les années 1900.

Nous, les êtres humains, sommes par nature des vecteurs de maladies. Notre système immunitaire est certes efficace mais il est limité à un environnement de bactéries et virus bien spécifique qui est celui de notre communauté. Lorsque, exceptionnellement, les maladies infectieuses se raréfient, nous nous relaxons, nous arrêtons de nous méfier des autres, nous tentons des rapprochements autrefois inenvisageables.

Ces dernières décennies, les progrès des vaccins et des antibiotiques ont fait quasiment disparaître la crainte des infections. Alors soudain, nous avons “oublié” pourquoi nos ancêtres étaient beaucoup plus méfiants que nous. Nous avons trouvé des explications simplistes, et bien pratiques et valorisantes pour nous : “Autrefois, les gens étaient xénophobes, bornés, idiots, peureux, tandis que nous, nous sommes intelligents, ouverts, courageux, éclairés.

Moyennant quoi, nous avons tout simplement oublié le rôle qu’a pu jouer le développement de l’hygiène, l’eau courante, le savon, l’eau de javel, les brosses à dent, les dentifrices, déodorants qui nous permettent de nous débarrasser des choses collantes, gluantes, malodorantes, et qui nous ont rendu tellement plus “ouverts” aux autres, que nos arrières grands-parents.

Eux qui n’avaient pas d’eau chaude, et pas de médicaments, ils étaient évidemment beaucoup plus distants, voire rigides et “coincés”. Aller se frotter au premier venu, ce n’était pas seulement prendre le risque d’une rencontre ratée, d’une déception amoureuse, voir d’un “me-too”, c’était très concrètement le risque, sans préservatifs efficaces, d’attraper des maladies invalidantes dramatiques.

L’avènement de l’hygiène et de la médecine moderne a été un facteur crucial dans l’évolution des idées politiques dans les pays qui ont vaincu les maladies infectieuses : les gens sont devenus tellement plus ouverts, tolérants, accueillants. Il était inévitable, à l’inverse, que l’irruption d’une nouvelle épidémie provoque le retour en force des instincts assoupis, et que l’on redécouvre que, oui, l’homme est un loup pour l’homme, que l’homme est facteur de maladies pour l’homme, et que rien n’est plus puissant qu’une bonne maladie contagieuse pour déclencher la haine, et découvrir que nous ne sommes, finalement, pas du tout aussi proches les uns des autres que nous le pensions.

Réjouissons-nous toutefois que les personnes soupçonnées de transmettre des maladies, que ce soit parce qu’elles étaient malades du Covid, ou qu’elles aient refusé le vaccin, n’aient pas été carrément victimes de massacres.

Au cours de l’Histoire, cela s’est vu… très souvent. On a entendu, ici et là, des appels à l’exclusion des soins, au déremboursement des traitements, à priver les non vaccinés d’accès aux hôpitaux et à la réanimation. Cela n’a pas eu lieu, finalement, mais croyez moi, cela aurait pu, il n’y a aucun doute là-dessus, et il suffirait qu’un nouveau variant plus méchant apparaisse pour que se produise de vilaines choses, comparables à la cruauté de nos ancêtres qui envoyaient les malades mourir à l’extérieur des remparts de leurs villes.

Car oui, les hommes resteront des hommes, jusqu’à la fin des temps, avec leur face lumineuse mais aussi leur face sombre. Il faut le savoir. Cela permet de mieux se préparer.

A votre santé,

Jean-Marc Dupuis

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