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Un carnage. Sept cadavres déjà froids retrouvés sous les arbres, dans les fossés, au milieu des poireaux dans le potager. L’un a été décapité.

Pas un seul survivant.

Le coupable est en cavale. L’enquête piétine. Le procureur a déclaré qu’il ne ferait aucune déclaration. Il appelle néanmoins la population à garder son calme et à éviter tout amalgame.

En l’absence d’élément formel, impossible selon lui de connaître le mobile de l’agresseur. La piste terroriste est toutefois écartée.

Les voisins ont voulu exprimer leur solidarité en organisant une « marche blanche ».

« On ne les fera pas revenir, mais l’important est de tirer des leçons de cette tragédie », a déclaré un voisin qui souhaite rester anonyme. « Il faut agir pour que cela ne se produise jamais. »

Selon le maire de la commune, « Tout ce sang versé donne une très mauvaise image de notre ville. Mais les gens doivent savoir que ce n’est pas représentatif de notre commune paisible et sans histoire. »

Reste que la famille Dupuis est lourdement affectée par le sauvage assassinat de Nicole, Jacquotte, Coccinelle, Rosalie, Bergamote, Cerise et surtout, notre bien-aimé Elvis, roi du poulailler.

Coq
Avis de décès de Elvis, coq de race New-Hampshire,
sauvagement assassiné dans la nuit du 13 mai 2016,
avec les six poules de la famille Dupuis.

Sans interférer avec la justice et sans stigmatiser personne, il me semble malgré tout que l’identité du coupable fait peu de doute :

  • Les faits se sont déroulés en pleine nuit et en quelques minutes ;
  • L’assassin a fait preuve d’une intelligence étonnante, trouvant à s’introduire dans un poulailler qui était pourtant, pensions-nous, totalement sécurisé ; il n’y a aucun trou dans la clôture, un grillage par dessus pour éviter les effractions par escalade, et même un fil électrifié ;
  • Enfin, il a manifestement tué pour le seul plaisir de tuer : il a tué toutes nos poules, mais n’en a mangé aucune. L’assassin ne semble avoir fait que s’amuser à emporter ses proies aux quatre coins du jardin pour les tuer, puis les abandonner sur place.

Ce faisceau d’indice m’a donc conduit à porter mes soupçons sur l’individu ci-dessous, dont je tairai néanmoins l’identité par respect de la loi sur la présomption d’innocence.

Renard
Le coupable présumé de l’odieux assassinat.
Le visage a été flouté pour respecter la loi sur la présomption d’innocence.

Le renard prend-il plaisir à tuer ??

On entend souvent dire que l’homme est le seul animal qui tue pour le plaisir, les animaux étant censés se contenter de tuer ce qu’ils sont capables de manger.

Mais il semble y avoir de regrettables exceptions à cette règle.

Le biologiste néerlandais Hans Kruuk a créé le terme « meurtre en surplus » ou « syndrome du poulailler » pour désigner le comportement répandu chez les prédateurs de tuer beaucoup plus qu’ils ne peuvent manger.

C’est un comportement que l’on retrouve chez les ours, les lions, les léopards, les loups, les renards, les hyènes, les blaireaux, les chiens, les chats, mais aussi chez une masse de tout petits animaux comme les acariens et le zooplancton.

Le phénomène se produit constamment et il est rare bien sûr qu’on ait l’occasion d’en mesurer l’ampleur puisqu’ils se produisent dans la nature sauvage.

Des chercheurs canadiens ont toutefois découvert les corps de 34 jeunes caribous tués par des loups sur une surface de 3 km2. Ils n’en avaient mangé aucun. [1]

En Australie, un seul renard a tué en quelques jours onze kangourous (wallabis) et 74 pingouins sans en manger un seul.

Dans la province du Cap en Afrique du Sud, un léopard a tué 51 moutons et agneaux d’un seul coup [2] !! Deux félins (des caracals) ont tué 22 moutons en une nuit, et n’ont mangé qu’un petit morceau d’une cuisse d’un seul mouton. [3] Un groupe d’hyènes a tué 82 gazelles et grièvement blessé 27, pour n’en manger que 12. [4]

En mars 2016, 19 cerfs morts ont été retrouvés tués par une meute de loup, qui n’en avait mangé aucun. [5]

Mais sans aller si loin, tout propriétaire de chat connaît la tendance de ces animaux pour tuer sans raison apparente, autre que de s’amuser ou « répondre à leurs instincts » :

Les chats domestiques aiment attraper les oiseaux, les lézards, les grenouilles, les mulots, même lorsqu’ils sont bien nourris. Une étude menée aux Etats-Unis a calculé qu’un chat domestique se promenant à l’extérieur tue en moyenne une proie toutes les 17 heures. Ils ne rapportent qu’un quart de leurs proies à la maison.

A l’échelle du pays, cela ne représente pas moins de 4 milliards d’animaux par an, dont 500 millions d’oiseaux. Selon le Dr. George Fenwick, président de l’association de protection des oiseaux (American Bird Conservancy), « les chats sont une des causes qui explique le déclin d’un tiers des espèces d’oiseau en Amérique ». [6]

Quant au renard, il ne mange que 300 g à 600 g par jour. Quand bien même il aurait tué nos poules pour se nourrir, une seule aurait dû lui suffire pour pratiquement une semaine, car elles pesaient chacune environ 2 kg…

Les experts expliquent qu’il tue ainsi tant d’animaux car il acquiert ainsi une « précieuse expérience de chasse ». Il s’entraîne, donc… Dommage qu’il ne puisse pas s’entraîner avec des poules en argile.

Cruauté de la Nature

On l’oublie si vite, dès qu’on cesse d’élever soi-même des animaux ou de cultiver ses propres fruits et légumes, mais la Nature est cruelle !

Bien souvent, les images idylliques de ce que nous appelons la « Nature » sont des paysages fleuris et arborés qui ont demandé à l’homme un travail inouï.

Jardin

Nos campagnes si riantes sous le soleil avec leurs haies, leurs prairies, leurs ruisseaux bien dessinés, leurs troupeaux, sont le fruit du travail de centaines de générations de paysans qui ont défriché, drainé, dépierré, aplani, amendé, irrigué, désherbé et enrichi la terre.

Foret

Nos forêts elles-mêmes sont surtout belles lorsqu’elles sont bien entretenues ; quand les plus beaux « sujets » ont été soignés, mis en valeur, pour manifester toute leur majesté :

Foret

Bref, la vie naturelle semble difficile à pratiquer naturellement.

Si l’on veut par exemple manger de bons œufs biologiques de poules qui ont gratté la terre et vécu la vie rêvée dans la nature, encore faut-il être plus vigilant encore que nous !!

C’est là tout le paradoxe des produits « naturels ». Il faut savoir se battre – et surtout se défendre ! – pour y avoir accès.

Ça n’a jamais été facile pour personne. On fait beaucoup de rêves, comme Perrette et la pot-au-lait, mais souvent, on récolte peu. Les prédateurs, les oiseaux, les insectes, et plus encore les champignons, bactéries et virus qui attaquent nos animaux d’élevage, nos légumes et nos fruits, prennent la meilleure part.

Je m’en vais donc refaire mon grillage. Cette fois, je vais l’enfoncer (encore plus) profondément. Le faire monter encore plus haut. Doubler le fil électrique.

Puis j’irai racheter des poules et un nouveau coq. Cela va me prendre quelques semaines avant de pouvoir à nouveau manger mes œufs, et remettre en route des portées de poussin qui assureront la succession des générations.

D’ici là, retour à la réalité, je retourne acheter mes œufs chez Carrefour… mais sans abandonner mes rêves.

A votre santé !

Jean-Marc Dupuis



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