Cette vieille amie fait son retour dans les pharmacies
À la campagne, nous apprenions à nous méfier des colchiques, qui empoisonnent le bétail.
Les paysans les appelaient “tue-chien”. Un champ envahi de colchiques, comme cela pouvait se produire dans les zones humides, les années d’hiver doux, c’était la catastrophe.
Ces fleurs si délicates, qui ont la couleur des œufs de pâques, peuvent aussi tuer l’homme : dès 10 mg de colchicine, le principe actif, vous commencez à avoir la diarrhée. Au-delà de 40 mg, c’est la mort certaine.
Mais c’est bien connu : “Tout est poison, rien n’est poison, seule la dose fait le poison”.
À toute petite dose, la colchique soulage de la goutte
Précisément parce que les anciens savaient que la colchique était riche en produits actifs, ils ont essayé d’en prendre de toutes petites quantités, “pour voir”.
Et, oh miracle, ils se sont aperçus que la colchique soulageait la goutte, cette forme très douloureuse d’inflammation (souvent au gros orteil), causée par des cristaux d’acide urique.
La goutte était la maladie des riches, car elle est provoquée par les viandes faisandées et le vin blanc. C’est la maladie des bons vivants, des gros mangeurs…
Aujourd’hui, les scientifiques savent que la colchique ne fait rien contre le niveau d’urée, trop élevé dans le sang, qui est la vraie cause de la goutte. Par contre, elle dissout les cristaux d’acide urique, responsables de la douleur, ce qui est déjà énorme quand on souffre.
Les médicaments à base de colchique toujours en vente, mais régulièrement dénoncés
Les médicaments à base de colchicine sont apparus il y a deux siècles. Toujours prescrits aujourd’hui, ils sont régulièrement dénoncés par la revue Prescrire comme dangereux si on dépasse la dose (dose maximale : 3 mg le premier jour, à réduire dès que possible). [1]
En 2013, l’Agence du Médicament a lancé une alerte concernant “des décès” à cause des médicaments à base de colchique. Elle n’a pas précisé le nombre, ni les circonstances exactes. On signale en outre régulièrement des morts, à cause de personnes qui mangent des feuilles de colchique, qu’elles prennent pour de l’ail-des-ours. [2]
Et en effet, je confirme. La colchique a beau être une plante, un accident est vite arrivé. Au moindre signe de diarrhée, réduire la dose ou, mieux, cesser totalement la prise de médicament jusqu’à plus ample consultation de votre médecin.
Le médicament semblait donc plus ou moins condamné à être remplacé par les AINS (anti-inflammatoires non-stéroïdiens). Mais voilà que des chercheurs de l’Université de Montpellier qui observaient des patients traités pour la goutte se sont aperçus que ces derniers semblaient étrangement protégés contre les accidents cardiaques.
Découverte de vertus de la colchique contre l’athérosclérose (et donc l’infarctus)
Ils ont poussé l’expérience plus loin, et ont suivi pendant 23 mois 4800 patients qui venaient de faire une crise cardiaque. Ils vivaient dans 12 pays différents et la moitié suivait un traitement placebo associé à un traitement classique, tandis que l’autre moitié ingérait au quotidien 0,5 mg de colchicine.
Ils ont publié les résultats de leur étude dans le prestigieux New England Journal of Medicine (NEJM) et présentés simultanément au congrès scientifique de l’American Heart Association (AHA). [3]
Ils montrent une réduction de 23 % des problèmes cardiaques, probablement dus à l’effet antioxydant et anti-inflammatoire de la colchique. La colchique aurait ainsi un effet bénéfique sur l’athérosclérose, en ralentissant le développement de la plaque artérielle.
A 0,5 mg par jour, la colchicine ne présente pas de danger. Le traitement est extrêmement bon marché, en revanche, et permettrait d’économiser de coûteuses opérations et d’importantes dépenses en médicaments.
L’infarctus concerne 120 000 personnes en France chaque année. Autant de personnes qui pourraient bientôt dire un grand merci à notre jolie petite fleur.
À votre santé !
Jean-Marc Dupuis
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