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Comment arrêter de se comparer aux autres

Chère lectrice, cher lecteur,

Quand j’avais 19 ans, je m’entraînais pour le « Raid Gauloises ». C’était une course folle qui n’existe plus aujourd’hui. Il s’agissait de traverser un pays entier à pied, en rafting et à cheval, par équipe de cinq.

Je croyais avoir atteint un bon niveau sportif. Tous les matins à 7 heures, j’étais à la piscine. Tous les soirs, je courais au moins une heure. Je faisais des « parcours du combattant » avec des pompes, des tractions, et de l’alpinisme, du ski, de l’aviron, etc. Je me considérais vraiment en superforme.

Cependant, je ne faisais jamais de véritable compétition. Un jour, un ami me proposa de m’inscrire au « Cross du Figaro ». C’est une course d’endurance qui avait lieu dans le Bois de Boulogne à Paris. J’acceptai avec enthousiasme, et m’inscrivis dans la course la plus longue, avec les « forts ».

Au moment du départ, je fus surpris de voir une telle foule. Au signal, je m’élançai à toutes jambes. Mais en quelques secondes, des centaines (ou des milliers !) de personnes étaient déjà devant moi !

Je ne me décourageai pas, confiant de rattraper mon retard. Et en effet, je doublai de nombreux participants pendant la course.

Alors que j’entamais le dernier tour, j’étais convaincu d’atteindre bientôt la tête du peloton. C’est alors que je vis à proximité de l’itinéraire un étrange spectacle. Il y avait trois hommes sur un podium, et une foule de photographes et de gens qui les applaudissaient. Ils portaient des médailles au cou.

Je mis quelques secondes à réaliser que c’était… les vainqueurs de la course à laquelle je participais.

Ils avaient terminé depuis 20 minutes déjà. La cérémonie de remise des prix s’achevait !

A vrai dire, je fus tellement surpris que je n’éprouvais même pas de déception. J’avais plutôt envie de rire… de ma naïveté.

Mais cela me plongea dans de profondes réflexions, que j’ai continuées par la suite. Peut-être cela peut-il intéresser certains de mes fidèles lecteurs ou lectrices :

Autrefois, quand nous vivions dans des villages, chacun pouvait assez facilement être le meilleur dans son domaine.

L’un était le meilleur bûcheron ; l’autre le meilleur joueur de boules, chanteur à la chorale, boulanger ou meilleur conteur de farces.

Chacun avait sa place. Chacun pouvait éprouver une légitime fierté, le sentiment d’être utile et la satisfaction d’être reconnu dans la communauté.

Aujourd’hui dans les grandes villes, c’est une autre histoire. Si vous êtes le meilleur sur 100 000, il y a au moins 100 personnes comme vous dans une grande ville comme Paris.

Mais seuls les premiers sont reconnus, et récompensés. Ils ne prennent pas toutes les places, mais ils prennent les meilleures places, et elles sont rares. Tous les autres doivent se contenter d’une relative obscurité.

Le phénomène est renforcé sur Internet où vous êtes en compétition avec 7 milliards de personnes.

Ainsi, vous avez l’impression que des tas de gens ont acquis une célébrité facile grâce à Internet. Mais c’est une pure illusion d’optique. On ne voit que ceux qui ont réussi à se faire connaître, et on ne remarque pas les millions et les millions de personnes qui n’arrivent jamais à se constituer une audience.

Si vous vous entraînez à jouer de la guitare, et postez votre vidéo sur Youtube, vous n’attirerez l’attention que si vous dépassez les meilleurs guitaristes du monde. Bonne chance !

Aussi fort que vous soyez, il y a quelqu’un à côté de qui vous paraîtrez incompétent.

Dans tous les domaines, c’est la même chose. La plus éclatante carrière professionnelle ne vous apportera probablement pas le dix-millième de la fortune de Jeff Bezos, PDG d’Amazon, ou Mark Zuckerberg, PDG de Facebook. (Un dix-millième de leur fortune représente plus de 10 millions d’euros).

La meilleure tarte au pomme de ma grand-mère, aussi appréciée qu’elle était dans ma famille, ne retiendrait l’attention de personne mise dans les pâtisseries du centre de Lyon, Bordeaux ou Paris.

Le meilleur acteur de votre ville laissera tout le monde indifférent comparé à l’hystérie déclenchée par un Brad Pitt ou une Sophie Marceau dès qu’ils apparaissent à l’écran.

Mon jardin, aussi soigné soit-il, n’a aucun intérêt à côté des jardins de Bagatelle à Paris ou de Kew à Londres.

Dans le monde moderne, il est devenu extrêmement difficile d’obtenir la « médaille d’or ». Si vous arrivez dans les mille premiers au marathon de New-York, c’est déjà une performance spectaculaire. Pour autant, votre photo ne sera jamais publiée dans les journaux pour cela.

La solution est-elle de nous lamenter de ce que nous sommes, de nous sentir éternellement médiocre parce que, quelque part, il existe des gens infiniment plus forts que nous ? Des gens à côté de qui notre « réussite », aussi éclatante soit elle, paraîtra toujours dérisoire ?

Faut-il écouter cette voix intérieure qui nous dénigre, et nous fait paraître « vers de terre à côté d’une étoile », comme le pauvre domestique Ruy Blas lorsqu’il voyait passer la Reine d’Espagne dans toute sa splendeur, couverte de diamants ?

Bien sûr que non.

  • Si vous avez l’impression de jouer à un jeu où vous n’avez aucune chance de gagner ;
  • Si vous avez l’impression que les dés sont pipés et les règles toujours à votre désavantage ;
  • Si vous avez une voix qui vous susurre, dans votre cœur, que vos efforts ne servent à rien ;
  • Si vous avez un mauvais génie qui vous suggère que votre vie, ou peut-être même la vie elle-même, est absurde

Il est peut-être temps de changer de cadre de référence.

Au lieu de vous comparer au groupe des personnes les meilleures du monde dans tel ou tel domaine, la seule comparaison qui a du sens pour vous est de vous demander où vous en êtes par rapport à là où vous étiez hier.

Avez-vous progressé, ne serait-ce qu’un tout petit peu, au moins dans un domaine qui vous tient à cœur ?

Si oui, vous êtes sur la bonne voie, vous méritez de vous sentir bien, d’être satisfait de vous-même, de vous sentir heureux.

Cela n’a aucun sens de mettre un cheval devant un obstacle qu’il ne peut pas sauter. C’est cruel. Inutile. Destructeur.

Pour vous aider à vous débarrasser de cette petite voix méchante qui vous dit que vous êtes nul, prenez conscience de la tactique malhonnête qu’elle emploie pour vous blesser :

D’abord, elle sélectionne arbitrairement un domaine de comparaison (beauté, célébrité, puissance…).

Ensuite elle agit comme si ce domaine était le seul qui avait de l’importance.

Ensuite, elle établit une comparaison défavorable entre votre niveau, et celui des personnes qui sont absolument hors-norme dans ce domaine.

Elle peut faire un pas supplémentaire, en se servant du fossé impossible à combler entre vous et ces gens, pour vous persuader que la vie est fondamentalement injuste.

De cette façon, votre motivation à faire quoi que ce soit peut être totalement détruite.

Pour le cheval qui apprend à sauter, le point de comparaison rationnel n’est pas l’obstacle le plus haut jamais sauté par un cheval. C’est l’obstacle qu’il a réussi à franchir hier.

Et il ne faut pas l’obliger à essayer de sauter beaucoup plus haut. C’est dangereux.

De même dans votre vie, agissez à petite échelle. Visez bas.

Tenez compte de votre tendance naturelle à éviter les difficultés, remettre les choses au lendemain, fuir les responsabilités, minimiser vos efforts.

Demandez-vous quelle est la chose minimale que vous puissiez faire pour être satisfait de vous-même. Sortez du cercle infernal des obligations que vous vous imposez, mais dont vous savez à l’avance qu’elles ne vous satisferont pas.

En effet, bien souvent, nous sommes trop durs avec nous-même. A chaque progrès que nous faisons, nous oublions où nous étions auparavant, nous prenons pour acquis la nouvelle situation plus favorable où nous sommes, et nous exigeons de nous même d’atteindre un nouvel objectif plus lointain, avant même d’avoir pris le temps de goûter la satisfaction d’avoir réussi quelque chose.

Arrêtez d’agir avec vous-même comme un tyran irréaliste et cruel.

Prévoyez de vous accorder une récompense, une bonne tasse de café sur votre balcon par exemple, si vous parvenez à votre objectif, plutôt que d’exiger de vous-même de passer aussitôt à la tâche suivante, dans une course éternelle et épuisante.

Quoi que ous fassiez, votre maison sera toujours moins belle que le château de Chambord, votre silhouette toujours moins sexy que celle de Sharon Stone, votre voiture toujours moins étincelante que celle de la Reine d’Angleterre.

Mais cela ne veut absolument pas dire que vous êtes en train de rater votre vie. Ce qui est triste, c’est d’être à l’arrêt, ou de reculer.

C’est en choisissant les domaines où vous avez la possibilité de progresser, et en posant des actes aussi modestes soient-ils, dans la bonne direction, que votre vie prendra du sens et vous apportera satisfaction.

Jour après jour, vous remporterez de petites victoires. Jour après jour, vous placerez la barre un peu plus haut. Et les choses allant en se cumulant, le progrès ira de plus en plus vite. Un jour, vous fixerez un objectif vraiment élevé, mais réaliste. Un jour, vous viserez les étoiles.

A votre santé !

Jean-Marc Dupuis

PS : cette lettre étant déjà très longue, j’ai mis à part les réflexions complémentaires suivantes, qui continuent sur le même sujet.

J’ai insisté sur le fait que nous sommes tous médiocres dans la plupart, sinon toutes, nos activités.

Mais qu’en est-il de ceux qui réussissent vraiment ?

Il y a bien des gens, qui arrivent à être « champions du monde », « Miss France », « Miss Monde », des PDG, des Présidents, des Rois…

Alors, comment ces personnes là se sentent-elles ? Serions-nous heureux si nous étions à leur place ?

Réfléchissons à leur situation avec réalisme.

Vous ne pouvez pas devenir PDG d’une multinationale si vous n’acceptez pas de travailler 80 heures par semaine, de négliger votre conjoint, votre famille, votre santé. Votre maison devient pour vous un hôtel comme les autres, car vous passez votre temps dans les avions à faire le tour du monde. Ce mode de vie plaît à certaines personnes particulières, mais il est inacceptable pour la plupart des gens.

Vous ne pouvez pas devenir actrice célèbre à Hollywood sans vous mêler (et plus que ça) à une population de producteurs, scénaristes et autres, dont les mœurs peu recommandables s’étalent désormais dans tous les journaux.

Vous ne pouvez pas devenir champion olympique sans tout sacrifier à votre entraînement, vos compétitions, et, sauf très rares exceptions, abandonner tout investissement dans un autre domaine d’excellence.

Enfin, même si vous arrivez très haut, Président des Etats-Unis par exemple, le fait est que se profile très rapidement une élection qui peut tout remettre en cause. Les Jeux Olympiques ont lieu tous les quatre ans.

Et l’expérience montre que les gens supportent encore plus mal de « tomber », après avoir connu la « réussite ».

C’est pourquoi il est si difficile d’être une personne à « succès » :

  • L’acteur le plus admiré d’Hollywood, Johnny Depp, est alcoolique, ruiné, et a été quitté par toutes les femmes qui ont cherché à vivre avec lui ;
  • Les plus belles actrices vivent dans l’angoisse de vieillir et savent que ceux-là mêmes qui les adoraient seront les premiers à se moquer d’elles lorsqu’elles perdront leurs attraits ;
  • Le plus célèbre champion de foot, Diego Maradona, est détruit par la cocaïne, le plus célèbre chanteur, Mickaël Jackson, n’était plus qu’un fantôme à la fin de sa triste vie ;
  • Ceux qui arrivent à se faire élire présidents de la République, ne finissent jamais aimés de tous, mais au contraire détestés. Savez-vous qu’Obama était, à la même période, aussi impopulaire que Donald Trump ? [1] Que Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy et François Hollande ont tous les trois fini parmi les personnalités les plus détestées de France ?

La vérité, c’est que nous sommes tous dans le même bateau : partout, la médiocrité nous rattrape.

Cela vaut pour nous les Hommes, mais aussi pour les choses : la plupart des maisons sont un peu mal fichues, la plupart des airs de musique sont mal joués, la plupart des plats sont mal cuisinés, la plupart des vêtements mal ajustés, la plupart des accessoires sont démodés, la plupart des outils sont rouillés, la plupart des arbres n’ont pas poussé comme il auraient pu.

Puisque c’est ainsi que fonctionne le monde, la nature, les Hommes et les choses, cela nous confirme qu’il est aberrant de prendre comme référence les idéaux de réussite absolue. Regardons où nous étions hier, où nous sommes aujourd’hui, et essayons, demain d’avoir fait un petit pas dans la bonne direction.

Prenons comme référence nous-même. Cela nous permet de reprendre pied, reprendre le contact avec la réalité, retrouver une dynamique positive.

Alors, qu’allez-vous faire aujourd’hui pour, par exemple, améliorer un petit peu votre santé, votre nutrition ?

JMD

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