Mercure, PCD, Plomb, … Faut-il supprimer le poisson de nos assiettes ?
Chère lectrice, cher lecteur,
Nos mères et nos grands-mères nous encourageaient à manger du bon poisson : « C’est plein de phosphore ! ».
On pensait à l’époque que le phosphore faisait « phosphorer ». Cela voulait dire « réfléchir » et donc… obtenir de bonnes notes.
On sait aujourd’hui que c’est faux. Plus de phosphore, c’est plus de risques de décès [1].
Mais le poisson reste excellent pour la santé pour plein d’autres raisons. En manger une fois par semaine réduit le risque de mort par accident coronarien (cœur) de 15 %, réduirait celui de cancer et de maladie d’Alzheimer [2]. Ces bienfaits du poisson proviennent de bonnes protéines, de l’iode et du sélénium, des vitamines et surtout, en ce qui concerne les poissons gras, des précieux « oméga-3 ».
Les oméga-3 sont des acides gras qui donnent de la souplesse à la paroi de nos cellules, maintiennent notre sang fluide, nos artères jeunes ainsi que nos yeux (rétine) et entretiennent nos capacités mentales et notre système nerveux.
Très rares dans l’alimentation moderne, les sources principales sont les poissons gras comme le saumon, la sardine, l’anchois, le maquereau, le hareng.
Je recommande moi-même régulièrement (constamment !) de manger des poissons gras pour leurs oméga-3.
Malheureusement, les dernières nouvelles de la mer sont mauvaises, très mauvaises.
Mauvaises nouvelles de la mer
À vrai dire, mes doigts saignent en vous écrivant ce message.
Un nombre croissant de poissons et certains crustacés ne sont plus consommables à cause des polluants qui contaminent les cours d’eau, les mers et les océans : mercure, PCB, plomb, cadmium, arsenic, pesticides, retardateurs de flamme.
Il est donc urgent de faire un gros bilan sur les poissons que l’on peut encore manger.
Tout n’est pas noir, je vous rassure. Mais il est très important de prendre connaissance de ce message en entier.
Les petits Esquimaux tombent malades
Une étude parue en 2015 a montré que les petits Inuits (Esquimaux) qui vivent dans le nord du Québec ressentent les effets néfastes de la pollution du poisson [3].
Se nourrissant de poissons gras, ces populations étaient autrefois protégées contre les maladies cardiaques.
On supposait que les bienfaits des oméga-3 et du sélénium en abondance dans leur alimentation étaient tels qu’il n’y avait pas à s’inquiéter des « traces » de mercure qui se trouvaient désormais dans leur poisson.
En réalité, les chercheurs se sont aperçus que les petits Inuits qui avaient le plus de mercure et de plomb dans le sang étaient trois fois plus nombreux à souffrir d’hyperactivité, et avaient en moyenne 5 points de QI en moins (quotient intellectuel) que les autres.
Or le taux de mercure et de métaux lourds dans le sang des Inuits est semblable à la moyenne de la population des pays industrialisés.
Que s’est-il passé ?
Le taux de mercure a triplé dans les océans
Le mercure est un terrible poison marin, heureusement très rare à l’état naturel.
Avec la combustion du charbon, l’incinération de déchets contenant du mercure, l’orpaillage (chercheurs d’or dans les rivières) et certaines activités industrielles comme la métallurgie et l’industrie du papier, du mercure s’est retrouvé en grande quantité dans les cours d’eau et les mers, où il n’a aucun moyen d’être éliminé.
Sa concentration a été multipliée par trois depuis la révolution industrielle [4].
Métal lourd, il tombe au fond des océans et contamine le plancton qui sert de nourriture aux petits poissons.
Ces petits poissons s’intoxiquent lentement. Mais les poissons carnivores (lotte, mérou, bar, daurade, raie) qui les mangent concentrent le mercure dans leur chair beaucoup plus vite. Or les organismes animaux sont incapables de se débarrasser du mercure, ou alors très lentement.
Les très gros poissons (requin, espadon, marlin, thon rouge, thon albacore) qui mangent des poissons carnivores, se retrouvent ultra-contaminés au mercure. C’est le phénomène de la « bioaccumulation » du mercure tout au long de la chaîne alimentaire. Nous avons désormais atteint le stade où toutes les plus grosses espèces sont impropres à la consommation.
En tant qu’êtres humains, il faut nous méfier de ces poissons, car le mercure est un poison « neurotoxique ». Il détruit les cellules nerveuses, donc vos précieux neurones.
Au-delà d’un certain taux, vous perdez la parole, faites des hallucinations, adoptez des comportements aberrants avant de tomber dans le coma et, bien souvent, de mourir. Les femmes intoxiquées au mercure donnent naissance à des enfants handicapés mentaux. Les jeunes augmentent de 65% leurs risques de diabète. Les animaux eux-mêmes deviennent fous. À Minamata, une ville du Japon où se trouvait une usine qui déversait du mercure dans la mer, on a vu des chats se suicider en se jetant à l’eau. Neuf cents personnes sont mortes et plus de 2000 autres ont été gravement intoxiquées avant que l’on n’arrête les coupables. Mais le mal était fait. Comme à Fukushima, les eaux autour de Minamata avaient été gravement empoisonnées et se sont répandues dans l’océan alentour…
Mais le pire effet concerne les femmes enceintes : le cerveau du fœtus supporte très mal le mercure, avec des handicaps mentaux à la clé. Les jeunes enfants (moins de trois ans), dont les cellules du cerveau se multiplient à grande vitesse, sont aussi très sensibles au mercure et doivent suivre très sérieusement les restrictions alimentaires sur le poisson. D’où les problèmes des petits Inuits.
Tout ça pour dire que la situation est grave.
Nous devons tous faire attention à mieux sélectionner les poissons que nous mangeons.
Je vais vous donner la liste dans un instant. Mais je ne peux limiter mes mises en garde aux poissons contaminés au mercure. Il est tout aussi important d’éviter ceux qui le sont aux PCB et autres polluants dangereux.
Les redoutables effets des PCB
Il faut aussi craindre les redoutables effets des PCB, des molécules chlorées artificielles très dangereuses diffusées en masse dans l’environnement jusqu’à leur interdiction en 1986, ainsi que de toutes les molécules semblables que l’on regroupe sous le nom de « dioxines ».
Comme le mercure, les dioxines sont des « polluants organiques persistants », c’est-à-dire qu’ils pénètrent les êtres vivants et y demeurent indéfiniment. Elles se lient à la graisse dans notre corps et nous sommes incapables de nous en débarrasser. Elles exercent des effets délétères sur notre organisme : en particulier, des cancers, des problèmes d’hormones, de fertilité et d’immunité.
Les PCB étaient très utilisés comme isolants dans l’industrie et l’agriculture dans les années 70. Ils se sont accumulés dans l’environnement, se diffusant à vrai dire sur tout le globe puisqu’on en trouve aujourd’hui dans l’Arctique comme dans l’Antarctique. Ils sont interdits depuis 1986, mais les produits laitiers, les œufs et la viande bovine en sont longtemps restés riches, surtout dans les pays industrialisés. Les PCB se logent dans les graisses et y restent définitivement. Ils sont très peu biodégradables. Nos organismes s’en sont donc progressivement imprégnés, si bien que le niveau moyen de PCB chez les Français est aujourd’hui supérieur à celui qu’il était lorsque le produit était encore largement utilisé, à la fin des années 1980.
Signe positif heureusement, depuis le début des années 2000, les produits animaux en France contiennent de moins en moins de PCB. Ce sont les produits de la mer qui sont devenus la principale source pour les Français (85 %).
Comme le mercure, les PCB se sont accumulés au fond des océans dans le plancton marin et connaissent le phénomène de bioaccumulation. Mais ils sont, d’une certaine façon, pires que le mercure à cause de leur propension à se lier aux graisses.
En effet, cette affinité des PCB avec les graisses veut dire que ce sont les poissons gras qui sont les plus contaminés aux PCB. Or ces poissons gras sont justement ceux qui sont les plus riches en ces graisses précieuses que sont les oméga-3, les meilleures pour notre santé.
Un rapport de l’INRA de 2002 avait mis en cause en particulier les harengs, dont la teneur en dioxines peut atteindre 10 fois celle du maquereau, du saumon, de la truite, et 25 fois celle de la morue [5].
Ainsi, les sardines sont, selon l’agence française de sécurité alimentaire (Anses), le plus gros contributeur de PCB et autres polluants organiques dans notre alimentation.
Concernant les poissons des rivières et des lacs, le problème est le même, sinon pire. Les anguilles, les carpes, les silures (sortes de poissons-chats) sont tellement pollués qu’ils sont impropres à la consommation. Les sites industriels qui déversent des PCB et du mercure polluent en priorité les lacs et les cours d’eau, avant que ceux-ci ne se déversent dans la mer.
Comme dans la mer, les poissons carnassiers qui se trouvent en haut de la chaîne alimentaire concentrent le plus de toxines dans leur chair, et sont les plus mauvais.
Autres polluants dans les poissons
Ajoutons que nous avons aussi déversé du cadmium et du plomb (métaux lourds) ainsi que des pesticides et des retardateurs de flamme, que l’on retrouve dans de nombreux produits de la mer.
Les sardines en particulier, déjà très contaminées en PCB, contiennent aussi beaucoup de plomb, de retardateurs de flamme et de pesticides. Des échantillons analysés de sardines en conserves ont révélé la présence de 17 pesticides sur 32.
Les moules, comme les sardines, contiennent également beaucoup de PCB, de plomb, de retardateurs de flamme et de cadmium.
La sole contient beaucoup de plomb, la morue beaucoup de cadmium, ce qui est particulièrement dommage car, autrement, ces deux poissons auraient été de bons choix car ils ne sont pas trop contaminés au mercure et aux PCB.
Plomb et cadmium se retrouvent aussi dans les coquillages et les calamars qui, autrement, auraient été bons à manger !!
À noter enfin qu’on trouve énormément de pesticides et de retardateurs dans le saumon d’élevage. Pour le saumon, choisissez le saumon sauvage d’Alaska, qui est le moins pollué.
Que faire ?
Alors que faire ?
D’abord, éviter toute paranoïa.
Si la prise de conscience est nécessaire, il faut se garder de tout catastrophisme, de tout pessimisme exagéré.
Oui, il est urgentissime d’arrêter de polluer nos océans. Chacun doit agir, soutenir et s’engager dans des mouvements citoyens pour mettre fin à cette folie irresponsable. Les femmes enceintes doivent éviter de manger du poisson plus de deux fois par semaine (150 g par portion) ainsi que les enfants de moins de trois ans, à cause des effets du mercure sur le cerveau du fœtus et des petits.
Ils doivent toutefois veiller à manger une fois un poisson gras (pour les oméga-3) et une fois un poisson maigre par semaine, en évitant les plus pollués.
Voici la liste des poissons à ne pas manger plus d’une fois par semaine (emportez la liste avec vous chez le poissonnier) :
Les poissons hautement contaminés au mercure (pas plus de 150 g par semaine) : Lotte de mer (ou baudroie), loup de l’Atlantique, bonite, anguille et civelle, empereur, hoplostète orange ou hoplostète de Méditerranée, grenadier, flétan de l’Atlantique, cardine, mulet, brochet, palomète, capelan de Méditerranée, pailona commun, raies, grand sébaste, voilier de l’Atlantique, sabre argent et sabre noir, dorades, pageot, escolier noir ou stromaté, rouvet, escolier serpent, esturgeon, thon, espadon.
Néanmoins, vous ne tomberez pas raide mort en mangeant du poisson, même si vous aimez beaucoup ça, même si vous en êtes un très gros mangeur !!
Les histoires d’horreur que l’on lit sur des empoisonnements au mercure, au plomb ou aux dioxines sont liées à des accidents industriels ou écologiques, pas à l’état normal des zones de pêche.
Concernant les PCB, comme vous l’avez compris, ils sont interdits depuis trente ans. Comme ils étaient surtout utilisés dans les élevages, c’est leur fort recul dans la viande, les œufs et le lait qui fait que les poissons, par contraste, sont devenus notre première source alimentaire. Mais la tendance est aujourd’hui stabilisée. Il n’y a pas à craindre une brutale et catastrophique augmentation des contaminations aux PCB désormais.
Il est vrai qu’on redoute un « effet cocktail » : inoffensifs individuellement, le fait d’avoir tous ces « faibles niveaux » de polluants simultanément pourrait provoquer des problèmes de santé.
C’est une possibilité, plus exactement une théorie, qui n’est pas prouvée à ce jour pour les produits que l’on trouve dans les poissons. Encore une fois, cela justifie d’être vigilant, pas d’être paranoïaque.
Ensuite, il existe des produits naturels qui se lient naturellement au mercure, et limitent fortement l’intoxication quand vous mangez du poisson : la chlorella (une algue détoxifiante) et le sélénium (un élément trace).
C’est vrai, et ça marche. Vous craindrez moins les effets du mercure si vous prenez soin d’avaler avec votre repas de poisson quatre capsules de chlorella (en vente dans tous les magasins bio) et quelques noix du Brésil (très riches en sélénium).
Pour le plomb, il est possible de faire une « chélation », c’est-à-dire injecter un produit dans le sang qui se lie aux molécules de plomb puis est éliminé par les urines. Ce produit, l’EDTA (acide éthylène diamino-tétra-acétique), réduit de 40 à 50 % la quantité de plomb dans le sang.
Enfin, à partir du moment où vous évitez les plus gros poissons (espadon, marlin, thon rouge, thon albacore), manger du poisson en toute sécurité est, en réalité, une question de choix.
Il existe une liste conséquente de bons poissons qui sont encore peu contaminés. Selon la grande étude Calipso réalisée dans quatre zones de pêche représentatives des poissons qu’on trouve en France, tous les gadidés (merlan, cabillaud, lieu jaune, lieu noir, tacaud) et leur cousin le merlu, le saint-pierre, le grenadier, l’églefin, la julienne, l’anchois sont parmi les plus sains, tant du point de vue des éléments traces que des polluants organiques persistants (POP). La daurade est saine également, un peu plus marquée toutefois par les polluants organiques.
Le bar et le saumon sont intermédiaires, mais mieux vaut éviter le maquereau et les sardines. En revanche, le thon, l’espadon et, surtout, l’anguille sont à éviter.
Pour les autres produits de la mer, les coquillages (coquille saint-jacques, bigorneau, coque, huître, moule, pétoncle) sont particulièrement propres. La coque est la plus saine de toute sa catégorie. Les langoustines, crevettes et oursins sont tout à fait sains. Seiche et encornet sont également sans reproche.
Le bulot est rassurant, excepté un niveau un peu plus fort d’arsenic. Il faut, en revanche, éviter le poulpe, le crabe et l’araignée de mer, très chargés en métaux lourds et POP.
Cela nous laisse donc un vaste choix pour organiser de délicieux repas qui feront du bien à nos papilles, à nos convives et à notre santé !
À votre santé !
Jean-Marc Dupuis
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