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Ma belle-sœur, pourtant charmante, s’est transformée en dragon.

Elle avait regardé des vidéos sur le Covid sur Internet, participé à des groupes, suivi des fils d’information qui, tous, confirmaient ce qu’elle pensait.

Elle était donc persuadée d’avoir raison.

Elle qui était si douce, s’est peu à peu transformée en furie, au cours de l’épidémie.

Elle ne peut plus écouter respectueusement les arguments des autres. Toute tentative de parler, réfléchir, discuter, décuple sa colère.

Elle trouve même intolérable que quelqu’un songe à la contredire. Toute notion de courtoisie, de décence, de respect, de bienveillance, d’amitié, de raison, de précaution, ont désormais disparu.

Elle s’est changée en dragon déchaîné, incontrôlable.

Un film d’horreur qui se déroule dans beaucoup de familles en ce moment

Ce “film d’horreur” se produit, malheureusement, un peu partout dans la société en ce moment, d’après ce que j’entends.

Des personnes qui paraissaient raisonnables se changent en furies. Les plus belles amitiés sont mises à l’épreuve. Parfois même, les plus fidèles alliances se brisent.

Les repas de famille, où autrefois on ne faisait que se chamailler gentiment avant de finir par des rires et des chansons, tournent au pugilat. On se dispute, on se déchire entre personnes qui se croyaient, il y a peu, unies pour la vie !

 

Cette célèbre illustration parue en 1898 pendant l’affaire Dreyfus est aujourd’hui devenue une référence pour illustrer les débats qui passionnent toutes les tranches de la société, sur lesquels tous se forgent un avis, mais sur lesquels personne ne convainc personne.

On n’a même plus le droit de douter !!

Peut-être observez-vous ce phénomène autour de vous (j’espère que non !).

On n’a même plus le droit de dire “ouh la, j’ai des doutes”, “non, je n’en sais rien”, ou, pire encore “je m’en fiche !

Si vous ne prenez pas le parti des “pour” ni des “contre” (pour ou contre le confinement, les masques, les vaccins, le chloroquine ou le couvre-feu, le “Great Reset”, etc.) vous êtes considéré comme un traître, un irresponsable, un danger public par les deux camps !!

Je ne sais pas jusqu’où cette folie va aller.

Mais j’ai ma petite explication sur les origines du problème.

Et si cela vous intéresse (ce n’est pas obligatoire !), je vous donne mon explication, en commençant par un retour en arrière en 1953, aux Etats-Unis.

L’expérience de Asch

Nous sommes dans le laboratoire du Professeur de psychologie Salomon Asch, qui donnera d’ailleurs son nom à cette expérience désormais célèbre, “l’expérience de Asch”.

Le Pr Asch demande à un groupe d’étudiants d’effectuer un test de vision simple. Sur le schéma ci-dessous, quelle est la ligne identique au modèle ?

  • La bonne réponse est C, bien sûr.

Mais ses étudiants sont en fait complices de l’expérience. Tous, sauf un qui sert de cobaye.

Chacun à leur tour, les étudiants complices donnent la réponse A (et non la réponse C, comme ils le devraient). Voyant que tous ses camarades sont d’accord, et que le professeur semble satisfait de leur réponse, l’élève cobaye se met à douter de ce qu’il voit, et à douter de lui-même.

Quand arrive son tour, il est si perturbé qu’il finit par donner, lui aussi, la réponse A, dans près de 40 % des cas.

Cette expérience est souvent présentée comme une preuve que l’être humain est effroyablement conformiste. Il préfère donner une réponse fausse, dans le seul but de faire comme tout le monde.

Mais elle montre quelque chose d’encore plus profond : c’est que nous n’avons pas autant confiance dans nos sens, et notre bon sens, que nous ne le pensons.

L’expérience de Asch montre que nous avons besoin des autres pour croire à ce que nous disent nos sens, et notre bon sens

Nous partons du principe que nous voyons et entendons certaines choses, et que nous sommes capables de les analyser, d’en tirer nos propres conclusions.

Mais c’est gravement surestimer les capacités de notre cerveau et de notre raison.

En réalité, nous avons constamment besoin des autres pour vérifier que nos perceptions sont bien correctes. Il arrive souvent que nous doutions de ce que nous voyons. Alors nous demandons aux autres s’ils réagissent comme nous : “Dis moi, je n’ai pas la berlue, tu vois bien toi aussi que…

Les enfants apprennent à faire confiance à ce qu’ils voient, entendent et comprennent, en observant leurs parents et éducateurs. “Papa, Maman et la maîtresse semblent voir et comprendre la même chose que moi ; cela doit donc être vrai.

Sans nous en rendre compte, nous guettons en permanence les réactions des personnes qui nous entourent pour valider nos perceptions, et ajuster notre comportement.

Nos cerveaux fonctionnent donc “en réseau”. A l’échelle de tout un pays, ou d’une civilisation, les gens peuvent donc partager un grand nombre de pensées, points de vue, qui leur permettent de vivre ensemble. Ils sont d’accord sur l’essentiel. Réciproquement, nous savons que, en général, si nous sommes le seul dans la salle à penser une chose, en désaccord avec tout le monde, nous sommes probablement en train de nous tromper. Ce n’est pas toujours le cas, mais il est raisonnable de vérifier à deux fois, avant de se penser le seul à avoir raison contre tous.

Ce système de consensus est très important pour maintenir la paix dans la société – et dans les familles.

Mais Internet a détruit cela.

Comment Internet permet à toutes les folies de se répandre

Vous pouvez désormais avoir n’importe quelle idée farfelue. En un clic, vous trouverez au moins un site, un blog, une référence, et quelques personnes, qui pensent comme vous, et qui vous donneront toutes les raisons de persister dans vos convictions, et même d’aller plus loin.

Ainsi, au lieu d’être poussé vers le centre, vers la modération, en prenant à témoin notre entourage direct, nous trouvons sur Internet des “communautés” purement artificielles qui nous maintiennent dans nos préjugés, voire nos folies.

Il nous suffit de taper quelques mots sur notre smartphone pour trouver un site et, grâce aux réseaux sociaux, des personnes qui sont d’accord avec vous, et qui vont nous aider à donner une légitimité à nos croyances, aussi absurdes soient-elles.

De “Adolf Hitler est toujours vivant !”, à “La fin du monde est pour la semaine prochaine”, en passant par toutes les théories médicales ou scientifiques les plus extravagantes, il y a toujours quelqu’un, quelque part, qui aura réuni des arguments plausibles, pour justifier notre point de vue, qu’il soit légitime ou non.

Chaque mois, deux millions de blogs supplémentaires sont créés. Des milliards de nouvelles pages Internet sont écrites. Contrairement aux livres et aux journaux d’autrefois, qui finissaient ensevelis au plus profond des bibliothèques après quelques mois, tous ces articles sont instantanément accessibles à tout le monde, et le restent.

Cela signifie que, chaque mois qui passe, la masse des informations sur Internet, vraies et fausses, s’accroît fortement. Cela augmente la difficulté de se faire un point de vue objectif sur tous les sujets, quels qu’ils soient.

Alors, pour un sujet brûlant d’actualité comme le Covid, c’est la foire d’empoigne planétaire.

Et bien loin de progresser vers un consensus, on constate au contraire une radicalisation des positions de chaque camp, provoquant des ruptures de confiance, la destruction de liens sociaux ancestraux, avec des conséquences que plus personne ne peut imaginer et encore moins contrôler.

Internet est devenu une arme de destruction massive

Depuis 25 ans qu’Internet est devenu un phénomène de masse, il a pris des proportions telles que plus personne n’est en mesure de le contrôler ni même d’en comprendre les conséquences sur les esprits, et sur la société.

Cela crée des phénomènes de foule de plus en plus inquiétants.

Mais le pire est que plus rien n’est oublié. Les gens, depuis la nuit des temps, disent et font constamment des bêtises. La différence aujourd’hui est que celles-ci sont gravées à jamais sur des mémoires informatiques qui les restitueront, sans la moindre altération, des années, des décennies plus tard, à quiconque en aura besoin à ce moment-là pour justifier la folie qu’il est sur le point de commettre.

Le phénomène ne peut donc qu’empirer avec le temps. D’où cette impression d’accélération de l’histoire qui nous donne l’impression de vivre dans une wagonnette de montagnes russes.

Avec Youtube, toute personne paraissant sincère peut affoler le monde entier en quelques minutes

Plus fou encore, et encore plus dangereux, il y a le phénomène de Youtube où les propos de n’importe quel individu peuvent être diffusés à l’échelle planétaire.

La révolution de Youtube va beaucoup plus loin que l’invention du livre, et de l’imprimerie, qui avaient déjà bouleversé le monde.

Les livres ont toujours été élitistes. Il est très coûteux et difficile d’écrire un livre, et de le publier. Également, lire des livres a toujours été le privilège d’une petite partie de la population : cela demande de la concentration, de l’effort, du silence…

Mais tout le monde, ou presque, est capable de parler et d’écouter ! Avec Youtube, n’importe qui peut s’enregistrer derrière sa caméra, en quelques minutes.

78 % des Internautes regardent des vidéos au moins une fois par semaine, ce qui dépasse de beaucoup le taux de lecture observé autrefois.

Youtube a donc multiplié de façon exponentielle la vitesse de circulation des idées. Elle dépasse de très loin la capacité d’absorption, et de tri, de nos esprits, y compris des plus intelligents d’entre nous !

Les idées n’ont juste plus le temps de se sédimenter. Le consensus social, nécessaire à la stabilité de la société et à une certaine compréhension et convivialité entre les gens, n’a plus le temps de s’établir.

Le monde devient fou

D’où cette impression partagée que “le monde devient fou”.

  • Ainsi celui qui s’inquiète du Covid-19 n’aura aucun mal à trouver des centaines, des milliers de vidéos d’expert le mettant en garde contre le danger effroyable qui pèse sur sa tête. Il en ressortira encore plus inquiet, et prêt à rétablir le bagne pour les “anti-masques” ou les “anti-vaccins” ou encore les “anti-confinement”.
  • Celui qui, au contraire, doute de la gravité de l’épidémie trouvera une flopée de scientifiques minimisant l’ampleur des dégâts, et appelant au calme. Il sera encore plus énervé de voir les foules se soumettre aux consignes des Autorités sanitaires, qu’il verra comme des atteintes insupportables à sa liberté. Bien vite, il en concluera qu’il doit fuir, ou prendre les armes, s’il veut s’opposer à la vague qui menace de tout emporter !
  • Ou encore, celui qui veut à tout prix se faire vacciner trouvera toutes les informations nécessaires pour se rassurer sur les risques encourus, tandis que celui qui redoute les effets secondaires trouvera des démonstrations rigoureuses qui le persuaderont qu’il court le plus grand danger s’il se fait vacciner !

Et je pourrais multiplier les exemples en ce sens !

Je ne vois, personnellement, aucune solution pour sortir de cela. Le génie est sorti de la bouteille, il a pris son indépendance, et plus personne ne sait comment l’arrêter. Tous les appels à “quitter les réseaux sociaux” ou limiter le temps sur écran est vain. Au contraire, nous sommes chaque jour plus nombreux à utiliser Internet et la durée d’utilisation individuelle augmente.

Pour moi, la seule “solution”, si l’on peut dire, est de voir tout ça comme un spectacle, grandeur nature, de la folie des hommes qui se déchaîne. A défaut d’être réjouissant, c’est, au fond, très intéressant. C’est en tout cas très inattendu. Très nouveau. Comme dans les bons films de suspens, on ne sait vraiment pas à quoi cela va aboutir mais on peut s’attendre à quelque chose d’extravagant. Ce qui n’est déjà pas si mal. Au moins, on ne s’ennuie pas !

A votre santé !

Jean-Marc Dupuis

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Annexe à la lettre du jour

Dossier historique : une rétrospective des 50 dernières années, destinée à mes lecteurs intéressés par le sujet, et qui se demandent, comme moi, comment on en est arrivé là.

Chère lectrice, cher lecteur,

Depuis la crise du Covid, j’ai vu le monde – et les gens – changer plus vite qu’au cours de toute mon existence.

Des habitudes vieilles de plusieurs millénaires, comme se serrer la main, partager un repas, enterrer un proche, fêter Noël, sortir entre amis, sont devenues, du jour au lendemain, déconseillées et souvent interdites.

Mais à vrai dire ce mouvement avait commencé avant le virus.

Cela faisait des années que j’avais cette impression que le monde ne “tournait plus rond”.

Ne crois-tu pas, Jean-Marc, que c’est une impression qui a toujours existé ? Les gens n’ont-ils pas toujours pensé que c’était mieux avant ?”, me demandent mes amis compatissants.

Je ne peux pas répondre pour les Romains, les Egyptiens, ni même pour les gens au temps de Louis XIV.

Mais je me souviens clairement que, quand j’étais petit, les gens ne pensaient pas, à de rares exceptions près, que c’était mieux avant. La plupart pensaient que c’était pire avant. Bien pire !!

Quand ton papa était petit, me disait ma grand-mère, les antibiotiques n’existaient pas. De nombreux enfants mourraient en bas âge ! C’était terrible. Toi, tu as de la chance, tu vas vivre dans un monde où il n’y aura plus de maladie, de famines. Et si tu te bats, il y aura aussi moins d’injustices…” 

Si ma grand-mère savait…

Et je ne vous parle pas des villages où il n’y avait ni électricité, ni eau courante, ni, souvent, assez à manger toute l’année. Beaucoup d’enfants travaillaient dès l’âge de 12 ans, les grands avaient dû partir à la guerre, deux fois. De tristes monuments aux morts avaient été érigés dans toutes les villes du pays, et des listes interminables de noms de nos oncles, grand-oncles, grand-père y étaient gravés.

Alors, non, je peux vous garantir que ma grand-mère ne pensait pas que “c’était mieux avant”. Ni mes parents, ni mes oncles ni mes tantes. Au contraire, ils croyaient au progrès. Ils étaient persuadés que nous, leurs enfants, allions vivre beaucoup mieux qu’eux. Dans leur esprit, le monde ne pouvait plus aller, désormais, qu’en s’améliorant !

Un jour, petit, y aura plus de pauvres, plus de logements insalubres, plus de guerres, plus de racisme ”, disaient-ils. Les instituteurs, les professeurs, les ingénieurs, les médecins, les scientifiques, les associations humanitaires et les organismes internationaux allaient finir par tout arranger.

Et puis, dans les années 60, quelqu’un a déclaré, pour la première fois, que le progrès technique et l’industrialisation n’allaient pas pouvoir continuer indéfiniment. Que nous consommions (déjà à l’époque !), tant de ressources que nous étions en train d’épuiser, ou polluer, les ressources naturelles : eau, pétrole, poissons, minerais, atmosphère, sols….

L’idée, qui paraissait absurde au départ, s’est répandue comme une traînée de poudre. Vingt ans plus tard, les journaux parlaient quotidiennement du “trou dans la couche d’ozone”, des “marées noires”, des “pluies acides”, des “nappes phréatiques” dont nous guettions, anxieusement, le niveau. L’accident nucléaire de Tchernobyl en 1986 acheva de convaincre ceux qui avaient encore des doutes.

L’humanité a commencé à perdre son bel optimisme et à se demander si, vraiment, l’avenir nous réservait uniquement de belles surprises.

Une parenthèse s’est ouverte en 1990, avec la chute du Rideau de Fer. Les atteintes à l’environnement dans les pays communistes avait dépassé l’imagination, avec le plomb, le dioxyde de soufre, le mercure dans les rivières, la disparition de la mer d’Aral, les déchets nucléaires. L’avènement de l’économie de marché ne pouvait qu’améliorer cela et, en effet, les pires pollutions liées au charbon diminuèrent. Les pays de l’Est ont intégré l’Union Européenne. Pendant quelques années, certains se sont remis à penser que la démocratie, la liberté et la prospérité allaient désormais s’installer dans le monde entier. Que nous avions vraiment quitté le temps des guerres inutiles, des dictatures sanglantes, de la pauvreté extrême. Que les Droits de l’Homme ne pouvaient que s’instaurer désormais partout, y compris en Chine et en Irak et au Moyen-Orient où les forces américaines devaient, par une prompte victoire, instaurer enfin la paix perpétuelle.

Certes, il y avait la guerre en Yougoslavie, et de très graves conflits ethniques comme au Rwanda ou au Congo. Mais tout ça n’était qu’un triste héritage de l’époque coloniale, qui allait bien finir un jour par disparaître. De même en 2001, après l’attentat contre les tours jumelles à New-York, l’idée dominante était que les réseaux terroristes islamistes allaient vite être vaincus : il suffisait d’attraper Ben Laden !

En réalité, nous étions à la veille, je le réalise aujourd’hui d’un naufrage collectif dans l’angoisse, le pessimisme, la dépression.

C’est précisément l’époque où Internet a commencé à se répandre. Jusque là, que vous le vouliez ou non, vous étiez forcément coupé du monde la plupart des heures de la journée. Les informations n’étaient diffusées que deux fois par jour, à 13h et à 20 h. Les journaux ne sortaient que le matin, et vous étiez tranquille ensuite. Quand un sujet sortait, aussi anxiogène fut-il, il était discuté quelques jours puis on l’oubliait.

Mais avec Internet, l’information généralisée, en continu, a déclenché des sauts d’adrénaline tout au long de la journée, déconcentrant les gens, perturbant le sommeil, rendant omniprésent le catastrophisme.

A cela s’est ajouté un autre phénomène, bien plus grave. Jusqu’à Internet, tous les scandales passaient, toutes les erreurs finissaient par être oubliées. En dehors des célébrités, il était rarissime d’être publiquement calomnié, harcelé, et les malheureux à qui cela arrivait pouvaient compter sur “le temps qui passe sur les mémoires”.

Du jour au lendemain, ce ne fut plus le cas sur Internet où n’importe quel collégien, employé, ou même élève de maternelle pouvait se retrouver moqué, ridiculisé, insulté sur Internet, au vu de tous, et… pour l’éternité.

L’invention des smartphones à partir de 2005, et surtout l’iPhone avec sa caméra en 2007 ont donné un coup d’accélérateur à cet effrayant phénomène. Désormais, tout être humain, dans l’endroit le plus reculé du monde, pouvait du jour au lendemain, devenir une célébrité malgré lui, à cause d’un simple cliché, d’un enregistrement ou, pire, d’une vidéo, le représentant dans une position ridicule, se répandant sur Internet.

Nul besoin de caméra cachée, ni même de camescope comme autrefois. Il suffisait qu’une personne allume son smartphone et mette l’image, ou la vidéo, sur les réseaux sociaux (Facebook fut inventé en 2004) pour que la personne se retrouve exposée aux rires de l’humanité toute entière et, ce qui est encore bien plus grave, sans limite dans le temps.

Internet s’est alors mis à fonctionner comme une gigantesque machine à capter, diffuser, et répercuter à l’infini, les comportements, attitudes, déclarations, les plus aberrantes, produites aux quatre coins de la planète. A cela s’est ajouté l’usage des logiciels de montage permettant de découper des bandes sonores ou des vidéos de façon à faire dire à peu près n’importe quoi à n’importe qui.

Nous avons pris l’habitude, quotidiennement, de recevoir sur nos écrans un florilège des pires “dérapages”, bêtises, esclandres, causés par des personnages privés ou publics, la prime allant à celui qui irait le plus loin dans la vulgarité.

Ce spectacle continu a eu sur les esprits, d’après ce que j’ai pu observer, le pire effet. La notion du “normal”, de “l’acceptable” a été chamboulée. A force de voir des abus, des exactions, des massacres même en direct, nous avons développé collectivement une résistance qui nous a conduits à ne plus nous étonner de rien, et donc, ultimement, à tout trouver banal. Nous nous sommes peu à peu transformés en monstres d’indifférence et de cruauté, pour nous protéger du bombardement de violence arrivant à nos yeux et à nos oreilles.

Ce flux n’a été qu’en s’intensifiant si bien que, actuellement, une information, une vidéo, un exploit, un sketch, ou un crime, vieux de plus de deux heures sont désormais déjà connus de tous, absorbés, digérés, dans l’attente du suivant, qui ne tardera pas à sortir.

Si l’assassinat de Samuel Paty a continué à provoquer des remous quelques semaines, il n’en est pas allé de même pour les personnes décapitées à la Basilique de Nice le 29 octobre 2020. Au bout de dix jours, l’affaire était déjà considérée comme “ancienne”. On ne recensait quasiment plus d’articles sur Internet à ce sujet. Comme s’il n’y avait plus rien à dire, plus rien à faire, plus rien à penser, plus rien à prévoir, plus rien à redouter. Au bout d’un mois, un timide article a annoncé la mise en examen du suspect, pour une enquête que l’on suppose devoir durer plusieurs années avant le procès.

En revanche, pendant ce temps, ont continué à affluer sur Internet des photos, tweets, extraits vidéos, enregistrements innombrables détruisant définitivement la carrière de personnes aussi variées qu’un arbitre de foot roumain accusé de racisme pour avoir prononcé lors d’un match le mot “negru” (qui veut dire noir, en roumain), un champion d’Europe de patinage artistique expulsé de la fédération suite à des clichés obscènes envoyés à une pâtineuse de 13 ans en 1997, un député européens hongrois surpris en pleine partie fine à Bruxelles en défiance des “normes Covid”, etc.

Chaque fois, je le répète car c’est de loin le plus grave, il s’agit de scandales désormais inscrits pour l’éternité sur les mémoires informatiques d’Internet. A moins de changer d’identité, ou même d’apparence, ces personnes ne connaîtront jamais de pardon, jamais d’oubli, jamais de prescription.

Nous sommes donc lancés dans une expérience sociale à l’échelle de l’humanité dont nous ne maîtrisons absolument pas la portée, dont personne ne mesure les conséquences, et même, à vrai dire, dont très peu de personnes ont même conscience.

Il n’y a pourtant aucun doute que l’ampleur prise par la crise du Covid, et son omniprésence dans les esprits, sont directement causés par Internet et les smartphones. Actuellement, plusieurs fois par jour les écrans clignotent parce que le gouvernement songe à reconfiner, pourrait envisager de reconfiner, risque de reconfiner, renonce à reconfiner, et ça recommence.

Comment ne pas devenir fou dans ces circonstances ?

Beaucoup de personnes se lamentent de cette histoire de Covid qui est en train de mettre le monde à feu et à sang. Pourtant, croyez-moi, les esprits début 2020, avant l’apparition du coronavirus, étaient déjà tellement agités qu’ils auraient de toutes façons fini par trouver une bonne raison de mettre le monde à feu et à sang.

A votre santé !

Jean-Marc Dupuis

 

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