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Et autres opinions du moment sur la crise du coronavirus

Il y a une semaine, on apprenait qu’un traitement contre le coronavirus avait peut-être été trouvé par le Pr Didier Raoult, de Marseille.

Ce traitement, la chloroquine, est un médicament utilisé depuis les années 50 contre le paludisme. Il est très bon marché. Facile à produire. Ses effets indésirables sont connus et maîtrisés.

Il pourrait être immédiatement disponible, pour tous les malades.

Il est garanti par un des plus grands experts mondiaux des maladies infectieuses (le Pr Raoult), ses collègues, mais aussi d’autres spécialistes reconnus comme Alexandre Bleibtreu de l’hôpital de la Pitié-Salpétrière ou le Pr Christian Perrone, chef de service de l’hôpital Raymond-Poincaré qui se sont engagés publiquement pour le promouvoir.

Le Pr Raoult affirme que “les Chinois” l’ont utilisé avec succès contre le coronavirus, et que donc on détient la solution pour en finir avec l’épidémie.

L’information a été répercutée dans tous les sens sur Internet, par des canaux plus ou moins sérieux, plus ou moins fiables. Leur argument est qu’il faut faire quelque chose tout de suite, même si on n’est pas sûr à 100 % de l’efficacité.

Les théories du complot jaillissent de partout

Le gouvernement n’a pas voulu leur emboîter le pas immédiatement.

Les théories du complot ont alors surgi d’un peu partout. Certains ont affirmé que ce traitement était efficace mais qu’il n’allait pas être utilisé parce qu’il n’était pas assez cher, donc pas assez avantageux pour  “Big Pharma”…

“En interdisant la chloroquine, le gouvernement français va faire des milliers de morts !!!”, ai-je pu lire.

De mon côté, je suis resté prudent parce que, franchement, je n’ai aucune information de plus que les autres sur ce nouveau coronavirus, et n’ai aucune raison d’être pour, ni contre, la chloroquine.

Il ne s’agit pas d’un traitement naturel.

C’est une molécule de synthèse, de son vrai nom “hydroxychloroquine”, qui associe du chlore et de la quinine à un groupement alcool “OH”.

Bref, de la parfaite chimie moderne, avec un effet poison bien établi dès 2 grammes par jour… Cette molécule est classé comme “vénéneuse” et je peux vous assurer que c’est mérité. On déplore déjà des morts, en Afrique et aux Etats-Unis, à cause d’une surdose légère par des personnes qui ont voulu se traiter contre le coronavirus. [1]

Donc aujourd’hui, après avoir étudié le dossier autant que possible, je préfère vous dire que, pour ma part, j’estime qu’il n’y a pas encore de bonne raison de croire en l’efficacité de la chloroquine.

Autrement dit, il n’y a, pour moi, toujours aucun traitement efficace sur lequel nous pouvons compter, contre le coronavirus.

Aucune bonne raison de croire aujourd’hui en l’efficacité de la chloroquine

Rappelons que nous sommes dans une période particulièrement troublante avec un nouveau virus très mal connu, qui déclenche une maladie qu’on ne connaît pas, pour laquelle on ne dispose d’aucun traitement naturel ni conventionnel éprouvé.

Dans ce cadre, il est possible, en théorie, que la chloroquine soit efficace, tout comme il est possible que l’huile essentielle de menthe, ou l’aspirine, ou le chocolat au lait, soient efficaces…

On n’a strictement aucune preuve aujourd’hui. Ceux qui vous affirment le contraire sont de doux rêveurs.

C’est juste qu’on n’en sait rien.

En revanche ce qu’on sait, aujourd’hui de façon certaine, c’est que :

  • La chloroquine a bel et bien montré qu’elle inhibe la réplication du virus SARS-CoV-2 lors d’expériences in vitro (cultures de cellules en éprouvettes) ;
  • Par le passé, la chloroquine a déjà montré cette efficacité sur de très nombreux virus différents ; par contre, elle a toujours échoué lors des tests sur des organismes vivants.
  • La chloroquine a souvent été essayée contre des maladies virales respiratoires chez l’être humain : cela n’a jamais fonctionné ;
  • Les Chinois, qui affirment avoir utilisé la chloroquine avec succès contre le coronavirus, n’ont fourni aucune donnée, aucune preuve de ce qu’ils avancent.
  • Le Pr Raoult n’affirme pas directement avoir guéri la maladie : il affirme avoir observé une baisse de la charge virale .Or, on sait que les formes les plus graves des autres maladies respiratoires à coronavirus (SARS-CoV-1 et MERS-CoV)  sont elles-aussi associées à une baisse de la charge virale (étude de 2016 parue dans Nature) [2] ;
  • Dans son étude, qui portait sur 26 patients, six ont été considérés comme “perdus de vue” et donc leurs résultats n’ont pas été inclus. Or, il s’est avéré que parmi eux, trois ont été transférés en réanimation, un est décédé, un n’était, finalement, peut-être pas malade, et un a souhaité interrompre son traitement à cause d’effets secondaires.
  • En aucun cas le Pr Raoult n’aurait été victime d’une persécution de la part du gouvernement, qui a au contraire donné ses autorisations de test en des temps records (en 24 heures). Aussitôt ses résultats publiés, et bien que très imparfaits, des études ont été lancées dans d’autres centres hospitaliers (à Paris et à Lille) pour chercher à confirmer l’intérêt de la chloroquine.
    Vous pouvez retrouver toutes ces raisons d’être prudent (et bien d’autres car je ne vous ai mis que les plus fortes) sur le site où les scientifiques échangent leurs opinions sur l’étude du Pr Raoult (pubpeer.com).[3]

Vous pouvez aussi lire un article bien fouillé sur ce sujet publié par Futura Sciences. [4]

Ce que je pense, aujourd’hui, de l’épidémie de coronavirus

Ceci étant dit, et malgré le fait que je ne crois pas vraiment à l’existence de son traitement, je reste profondément d’accord avec le Pr Raoult lorsqu’il affirme que le coronavirus ne fera pas les catastrophes que l’on prédit.

N’oublions pas que plus de 2,8 millions de personnes meurent chaque année des diverses infections respiratoires. Il existe au moins 10 virus qui les provoquent (en plus du nouveau coronavirus), et si les gens ne s’en inquiètent pas, c’est parce que ces autres virus ne reçoivent pas le même traitement médiatique et politique.

Cela est vrai d’ailleurs de bien d’autres maladies.

Si, heure par heure, toutes les radios et télés du monde décomptaient le nombre de victimes du cancer, d’infarctus, de diabète, d’accidents de la route ou autre, et passaient en boucle sur tous les écrans des images des victimes en soins palliatifs et des cercueils alignés, on pourrait créer une psychose mondiale encore 1000 fois pire que celle du coronavirus.

Bien que ce nouveau virus soit vraiment dangereux et qu’il menace réellement les personnes malades et les personnes très âgées, il ne représente pas encore l’apocalypse :

  • S’il est  vrai que la moitié des personnes en réanimation pour coronavirus ont moins de 60 ans et étaient en bonne santé, il est utile de préciser que pratiquement 100 % des malades sortent guéris. Celles qui décèdent sont, jusqu’à présent, uniquement les personnes ayant eu d’autres pathologies graves.
  • Les courbes de contaminations et de décès sont désormais sur la pente descendante en Italie, après avoir fait 6000 morts ; on peut raisonnablement attendre la même évolution en France dès la semaine prochaine ; On peut noter que le même phénomène a déjà eu lieu en Chine, en Corée, au Japon, à Hong-Kong et Singapour ;
  • Actuellement, à l’échelle mondiale, ce virus a fait en quatre mois 17 000 morts. [5] Dans le même temps, il y a eu plus de 20 millions de morts, d’autres causes, dont on a à peine parlé.

La panique dans les hôpitaux est provoquée par le manque de matériel et d’organisation

Les témoignages si bouleversants venant d’infirmières et de médecins, en Italie surtout, mais aussi parfois en France, ne sont pas provoqués par la gravité particulière de la pandémie au niveau de la population générale, mais par la désorganisation des services de soins intensifs dans les hôpitaux.

Depuis 20 ans, nous n’avons fait que réduire le nombre de lits en soins intensifs, passant en France de 7 à seulement 3,5 pour mille habitants. L’Italie et l’Espagne ont suivi la même évolution, d’où les situations dramatiques là-bas, sachant que l’Allemagne a été beaucoup plus prévoyante (huit lits pour mille habitants). C’est la raison pour laquelle vous ne recevez pas de témoignages de médecins allemands paniqués.

En France, on manque d’appareils d’assistance respiratoire, on manque même de masques chirurgicaux. Cela crée un engorgement dans les services des urgences, et donc des drames car les médecins ne savent plus où mettre les malades. Les places habituellement prévues pour les cancéreux, les victimes d’infarctus, d’embolies, de crise d’asthme ou d’accidents de la route sont déjà occupées quand arrivent les pompiers…

Bientôt, comme en Italie, les médecins seront probablement obligés de “débrancher” des malades et les laisser mourir pour sauver d’autres patients qui ont plus de chances de survie.

Cette situation est insupportable et crée des traumatismes terribles, chez les victimes, les familles des victimes et le personnel soignant.

Mais ce problème est provoqué, je le répète par le manque d’anticipation, la désorganisation des hôpitaux, non par des chiffres particulièrement ingérables de malades en état grave (3000 à l’échelle du pays).

Respecter les mesures de prévention

Compte tenu de l’incapacité de notre système hospitalier à faire face, il est capital de continuer à appliquer les mesures préconisées par les Autorités en matière de :

  • lavage de mains : au savon et eau chaude, en insistant entre les doigts et en se brossant les ongles avec une brosse adaptée
  • garder des distances, rester confiné et télétravailler dans la mesure du possible
  • tousser dans sa manche et porter un masque si on a l’impression d’avoir une infection.

J’ajoute à cela les nombreuses mesures que vous pouvez prendre pour renforcer votre organisme en cette période.

Attention, le stress tue

En France, même en multipliant par cinq les statistiques officielles (20 000 personnes), cela ne fait encore qu’une personne sur 600 qui serait porteuse et, si l’on ne compte que les cas non-bénins (soins intensifs, décès), cela fait 3000 personnes soit 1 personne sur 20 000.

Mais il est surtout important de garder la tête froide. N’oubliez pas que le stress, et plus encore la panique, sont des poisons bien réels qui peuvent nous faire tomber malades. Le confinement est très néfaste pour la santé mentale. [6] La vie offre déjà assez d’occasion de s’inquiéter pour ne pas ajouter, aux causes réelles et directes d’anxiété, des causes plus lointaines.

Nous avons tous l’impression que le coronavirus est à nos portes. Qu’il est déjà partout au milieu de nous. Ce n’est pas vrai. Ce n’est pas encore le cas.

Oui, toute maladie, tout décès est une tragédie, mais à l’échelle de la population et de l’histoire de notre pays, nous ne sommes pas encore, et de très loin, dans un état de crise inquiétante pour tout le monde.

Ce n’est bien sûr que mon avis, et je me réserve le droit d’en changer. Mais si la situation devait évoluer, faites-moi confiance pour vous en avertir aussitôt.

En attendant, j’espère qu’aucun de mes lecteurs n’est touché personnellement par le coronavirus (je n’ai pas encore reçu de témoignage de cas confirmé). Continuez à prendre votre vitamine D et C, ainsi que les mesures de prévention dont nous avons parlé ces derniers jours.

A votre santé !

Jean-Marc Dupuis

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