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Je vous avais écrit, il y a quelques mois, mon admiration pour l’alpiniste Ueli Steck [1]. Voici qu’il est mort dimanche 30 avril sur l’Everest. [2]

La veille, j’étais parti dans le val Ferret (massif du Mont-Blanc), pour ma première sortie en ski-alpinisme depuis mon accident au genou en février. (À ce sujet, merci à tous mes lecteurs qui m’ont écrit pour avoir des nouvelles : oui, le traitement naturel a bien fonctionné et je suis content d’avoir refusé tous les examens et traitements que l’on voulait me faire à l’hôpital ; mon genou reste sensible, mais ne m’empêche plus de marcher ni de skier.)

C’était une journée splendide, ensoleillée après de fortes chutes de neige toute la semaine.

En cette saison, on craint les avalanches. La neige fraîche, poudreuse, ne tient pas sur la vieille neige fondue et verglacée, surtout sur les versants sud exposés au soleil, et j’étais au sud du massif.

Cela n’a pas manqué. Alors que je montais vers le petit col Ferret, une avalanche monstrueuse s’est déclenchée sous mes yeux.

Tombée de la face sud du mont Dolent, je l’ai vue se développer de simple filet de neige en cataracte, puis de cataracte en explosion quasi nucléaire. Dans toutes les directions, des volutes et des gerbes immenses enjambaient les falaises, gonflaient jusqu’à obscurcir le ciel, dans un grondement de tonnerre. À chaque seconde, le souffle soulevait des dizaines, puis des centaines de tonnes de neige poudreuse qui se joignaient aux flots blancs déchaînés dévalant la montagne.

C’était comme dans Tintin au Tibet : « La Déesse blanche » !

Il y avait deux skieurs devant moi, qui n’ont eu que le temps de déchausser et de s’enfuir hors du champ. Ce type d’avalanche de neige sèche dévale de la montagne à 250 km/h, son souffle suffit à tuer, l’homme est transformé en un fétu de paille…

« Rarissime ! », s’est exclamé un vieux guide qui arrivait derrière. Il m’a confirmé que nous étions au bon endroit, dans le passage « le plus sûr », celui qu’empruntent les habitués de la montagne qui ne veulent prendre aucun risque.

Manifestement, le risque zéro n’existe pas…

Mais, dans le cas d’Ueli Steck, peut-on être surpris ? Il passait sa vie sur des parois verticales et glacées, qui n’avaient pas été prévues pour qu’on s’y promène… Il avait 40 ans.

Ueli Steck accroché à une cascade de glace.

 

Paix à son âme

Ueli Steck s’est fait incinérer au Népal, un pays bouddhiste. Là-bas, l’incinération est de tradition. Ils font cela afin que l’âme puisse se réincarner le plus tôt possible, et donc continuer à vivre dans un autre corps.

En Europe, c’était le contraire : nous écrivions autrefois sur les tombes « RIP », ce qui voulait dire « Requiescat in pace » (« Qu’il/elle repose en paix ! »). On priait afin que « les âmes des fidèles défunts reposent en paix », selon l’expression consacrée.

Reposer en paix…

Il me semble qu’en ce qui concerne Ueli Steck, c’est cela qu’on peut lui souhaiter.

Car sa passion, sa folie, du sport extrême manifestait une âme qui n’était pas en paix avec elle-même. Mon collègue Emmanuel Duquoc, qui écrit dans Alternatif Bien-Être, l’avait très bien expliqué dans une réponse qu’il avait faite à ma lettre :

« Ces exploits apparaissent comme un symptôme du mal-être de celui qui les accomplit », écrivait-il.

« Ces gens-là ne transcendent pas leurs souffrances existentielles, ils ne sont pas des résilients par le sport, ils recouvrent leur mal-être par de l’euphorie. Quand on sait la triste réalité qui se cache derrière leurs exploits, ceux-ci perdent une grande part de leur pouvoir de fascination (…).

Je pense à Sylvain Tesson, explorateur tout-terrain, varappeur d’un excellent niveau et bêtement accidenté un soir de réveillon un peu trop arrosé pour avoir tenté d’escalader une façade en pleine nuit. Il en garde une perte auditive et une atrophie de certains muscles faciaux. Avec sincérité, il a reconnu : “C’est une escalade totalement adolescente, peu recommandable, plus proche de la roulette russe que de l’alpinisme. Ça me plaisait beaucoup de vivre tout le temps sur ce fil. Jusqu’au jour où ça s’est mal terminé.”

Je pense à mon presque voisin, jeune père de famille et grand sportif, décédé d’un arrêt cardiaque sans prévenir, à l’aube de la quarantaine. Un classique chez les accros au sport [3]. »

Emmanuel avait raison… Je l’avais reconnu à l’époque, mais je le répète aujourd’hui.

Plus que la réincarnation, souhaitons à l’âme d’Ueli Steck qu’elle trouve enfin… le repos.

Jean-Marc Dupuis

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